Les infrastructures bénéficient des plans de relance

08/02/2010 - 15:26 - Option Finance

(AOF / Funds) - En ce début d'année, face au flou qu'entretiennent les perspectives conjoncturelles, les stratégistes préconisent de miser sur les actifs périphériques qui peuvent apporter un complément de diversification. "Les obligations souveraines ont perdu beaucoup de leur attractivité et le monétaire n'offre plus aucune rémunération, indique Jean-François Legoux, directeur général adjoint de CCR Asset Management. Par conséquent, les investisseurs doivent se tourner, même si c'est par défaut, vers les actifs risqués." Dans cette perspective, la diversification apparaît primordiale car elle permet de limiter le risque global d'un portefeuille. Toutefois, celle-ci doit porter sur des actifs qui apportent une véritable décorrélation par rapport aux grands indices boursiers. Le thème des infrastructures répond à cet objectif et peut intéresser à ce titre les institutionnels. Les fonds spécialisés dans les infrastructures intègrent en effet un grand nombre de secteurs d'activité. "Ce thème d'investissement regroupe toutes les entreprises qui aident à la conception et travaillent à la construction ainsi qu'à l'exploitation des infrastructures qui servent à la collectivité, explique Igor de Maack, gérant chez DNCA Finance. Il concerne donc des secteurs aussi divers que les ports et les aéroports, la distribution et la production d'énergie, la distribution et le traitement de l'eau, les télécommunications ou encore les écoles, les universités, les prisons ou les hôpitaux. Il existe donc une très grande diversité de sujets autour de ce thème." Et la diversité ne s'arrête pas là car elle est aussi géographique. On trouvera ainsi des fonds spécialisés sur les infrastructures dans les économies émergentes et des fonds qui s'intéressent à ce thème dans les économies matures voire qui brassent l'ensemble des spécialistes mondiaux. Dans les économies émergentes, il s'agit plutôt de création d'infrastructures, tandis que dans les économies développées, on trouvera davantage des entreprises qui interviennent dans le cadre du renouvellement des infrastructures. Le profil des fonds sera donc très différent. Dans les premières, ils seront bien entendu plus risqués. Le principal risque évoqué, outre la plus grande volatilité intrinsèque des marchés émergents et les risques associés au change, est lié au système juridique et à l'appareil judiciaire qui peuvent parfois présenter des failles. Les conditions d'exploitation déterminées dans le cadre de contrats peuvent par exemple ne pas toujours être respectées. En contrepartie de ces risques, les performances peuvent être plus élevées voire beaucoup plus élevées. Sur un an, les données étant arrêtées au 18 janvier 2010, la performance du meilleur est de 106,46 % pour un fonds du Crédit Agricole Asset Management (CAAM) investi sur ce thème en Inde alors que la moyenne se situe à un peu plus de 55 %. Le dynamisme de ce thème dans les émergents s'explique notamment par l'importance des chantiers à mener. "Les pays émergents enregistrent un réel retard dans les infrastructures, explique Jean-François Legoux. Avec le dynamisme de la croissance, ce retard conduit à la constitution de véritables goulots d'étranglement pour le développement de certaines zones." Parmi les pays les plus concernés en Asie, on trouvera l'Inde. "Ce pays a pris un retard énorme par rapport à la Chine et vient d'entamer un vaste programme de modernisation, relate Yannick Rausis, responsable marketing au Crédit Agricole Asset Management à Hong Kong. Des projets sont en train d'être mis en oeuvre pour rénover les réseaux routiers et créer de véritables autoroutes. Les ports et les aéroports sont également concernés. Bombay, par exemple, ne dispose que d'une piste d'aéroport pour les vols long-courriers, alors que la ville compte 14 millions d'habitants !" Ce vaste programme fait partie du plan quinquennal 2007-2012. L'Inde va consacrer dans ce cadre 500 milliards de dollars aux infrastructures, 300 milliards seront financés par l'Etat et 200 milliards par le secteur public dans le cadre notamment de partenariats public-privé (PPP). Le fonds de CAAM spécialisé sur la thématique des infrastructures en Inde investit dans les sociétés qui vont participer aux travaux de modernisation et ensuite à l'exploitation des infrastructures. Il investit également plus largement dans l'ensemble de l'écosystème impliqué comme dans les entreprises financières locales spécialisées dans le financement des grands travaux. La dynamique des infrastructures constitue donc un thème structurel dans les économies émergentes et cela quels que soient les pays y compris la Chine dont les investissements sont conséquents depuis de nombreuses années. D'un point de vue boursier, ce thème présente l'avantage d'être moins corrélé que les autres thématiques d'investissement et peut offrir un profil un peu moins risqué que les fonds actions émergentes classiques. "On a pu constater que les pays émergents sont décorrélés si l'on considère leur économie. En revanche, cela est moins vrai en ce qui concerne les cycles boursiers, indique Jean-François Legoux. Toutefois, les infrastructures constituent des investissements de long terme, voire de très long terme, et possèdent à ce titre un aspect plus défensif." Par ailleurs, les infrastructures offrent l'avantage non négligeable d'apporter une protection contre l'inflation et cela quelle que soit la zone géographique. "Dans un environnement où la crainte principale réside dans la hausse des taux d'intérêt et dans l'accroissement exponentiel de la dette publique, explique Jean-François Legoux, les infrastructures peuvent résister davantage que les autres thématiques à une dévalorisation des actifs." La principale raison est qu'elles reposent, en ce qui concerne l'exploitation, sur une rente qui est la plupart du temps indexée sur l'inflation. "L'exploitation des infrastructures repose sur des contrats de délégation ou de concession à forte visibilité. Ceux-ci intègrent des clauses tarifaires de long terme qui prévoient des mesures d'indexation à l'inflation", indique Igor de Maack. Les fonds investis sur ce thème dans les économies matures mettent d'ailleurs souvent l'accent sur cet aspect défensif. "Les fonds investis sur les émergents sont plus agressifs et se situent plus en amont dans le cycle des infrastructures, notamment dans la construction, explique Igor de Maack. Nous nous focalisons davantage sur la partie exploitation en Europe dans une optique défensive et consacrons 25 % du portefeuille à des titres internationaux qui apportent un supplément de croissance, mais dans un cadre juridique proche de celui de l'Europe. Par exemple, nous investissons au Brésil, qui a adopté le modèle latin de la concession." Les infrastructures dans les économies développées bénéficient en plus de l'environnement favorable créé par les plans de relance massifs. "On assiste à un renouvellement de ce thème dans les économies matures, relate Jean-François Legoux. Certains pays qui affichent des retards importants comme les Etats-Unis devraient nettement augmenter leurs investissements." Ces plans de relance arrêtés en 2009 devraient commencer à porter leurs fruits fin 2010 et en 2011. S'ils sont très nettement favorables à ce thème, ils portent en germe un risque non négligeable : le dérapage des déficits publics et de la dette publique peut entraîner un tour de vis dans ces politiques. Toutefois, les gérants demeurent confiants. "Si les déficits se creusent, les Etats peuvent envisager des privatisations ou faire davantage appel pour l'exploitation au secteur privé, indique Igor de Maack, ce qui peut se traduire par d'importantes opportunités pour les opérateurs privés." Par conséquent, dans une optique à moyen ou à long terme, ce secteur devrait rester porteur et offrir une protection en cas de résurgence de l'inflation. Sandra Sebag