Marché obligataire - Casino boucle une opération d'échange innovante

15/02/2010 - 10:31 - Option Finance

(AOF) - La baisse des spreads obligataires incite les entreprises à renégocier leur dette à des conditions plus avantageuses. Casino était ainsi confronté à une concentration de dettes obligataires dont le montant atteignait 2,4 milliards d'euros et qui arrivaient à échéance dans deux à trois ans. Dans l'intervalle, il lui fallait payer des coupons compris entre 6 % et 7,875 %. Le groupe a donc décidé de mettre en place une opération lui permettant de réduire ses tombées de 2012 et 2013, d'allonger la maturité de sa dette, tout en réduisant ses frais financiers. Pour y parvenir, l'opération devait satisfaire trois objectifs : atteindre un montant de 800 millions d'euros, cibler le coupon le plus élevé et répartir de manière équilibrée les échéances de dette entre 2012 et 2013. Le problème, c'est que le groupe n'était pas sûr d'atteindre ces objectifs, car le montant visé était relativement élevé, et certains porteurs détenaient une part importante de ces lignes. Or, il n'était pas garanti qu'ils soient intéressés par l'opération. Du coup, une opération classique, soit d'échange soit de rachat, n'était pas la plus adaptée. La solution a donc consisté à mélanger ces deux types d'offres de manière à offrir un choix plus large aux investisseurs. "Cette opération, combinant une offre d'échange et d'achat, est une première sur le marché", explique Marc Baignères, responsable du marché primaire obligataire chez JPMorgan. Concrètement, Casino a offert la possibilité aux porteurs, soit d'échanger leurs anciens titres contre de nouveaux titres à échéance 2017, soit de les vendre en bénéficiant d'un spread de mid swap + 35 à 45 pb selon l'échéance initiale des titres. Les porteurs souhaitant obtenir du cash pouvaient réaliser ainsi un gain immédiat de l'ordre de 10 à 15 %. Par exemple, les obligations à échéance août 2012 qui traitaient à environ 112,5 sur le marché secondaire allaient être rachetées à 113,5, ce qui pouvait attirer des asset-managers souhaitant s'assurer un gain immédiat. De leur côté, les investisseurs préférant échanger se sont vu proposer des obligations, certes à un coupon moindre, mais pour un volume plus élevé, puisque le pair des obligations initiales avait augmenté dans l'intervalle, et sur une durée plus longue, rallongée de quatre ou cinq ans. Deux offres qui ont convaincu les investisseurs, puisque les montants apportés à l'offre ont atteint près de 1,5 milliard d'euros, pour 800 millions d'euros demandés, ce qui représente un taux de succès d'environ 61 %. La combinaison d'une offre d'échange et de rachat a effectivement permis d'accroître les chances de succès de l'opération. En ce qui concerne par exemple la souche présentant le coupon le plus élevé, seuls 114 millions d'euros ont été apportés à l'opération pour être échangés, contre 335 millions grâce à l'offre mixte. Conformément aux objectifs de départ, l'intégralité des ordres portant sur la souche à échéance août 2012 ont été honorés, tandis que les autres ordres ont été alloués de manière équivalente. Après quoi, à l'issue de la période d'offre, du 26 janvier au 2 février, une nouvelle souche a été émise, avec un coupon de 4,379 %, pour un montant de 888 millions d'euros, dont 344 millions dans le cadre de l'échange et 544 millions pour satisfaire les demandes de remboursement. "Le spread de la nouvelle émission est ressorti à mid swap + 135 pb dans le bas de la fourchette initiale, le groupe, noté BBB -, ayant bénéficié d'une fenêtre favorable, peu avant que le marché ne soit déstabilisé par les problèmes de la Grèce", explique Gabriel Levy, co-responsable de l'origination obligataire corporate chez Natixis. L'opération a en outre été sursouscrite huit fois. Elle présentait pourtant une particularité supplémentaire : "Un point audacieux dans l'opération est d'avoir reporté l'annonce du spread et de la maturité exacte des nouveaux titres à la fin de la période de l'offre, explique Sidney Studnia, responsable de l'équipe de l'ingénierie financière à la Société Générale. Ainsi, c'est avant tout la qualité de la signature qui a motivé les porteurs souhaitant échanger leurs titres." Les conditions de l'opération ont en effet été précisées la veille de la clôture de l'offre. "Par le passé, les conditions d'échange avaient tendance à être annoncées plus tôt, explique Marc Baignères. Cela présente moins de risques, mais aussi des limites car, si le marché s'améliore dans l'intervalle de l'offre, le groupe n'en bénéficie pas. En revanche, dans le cas contraire, il est contraint de réviser les conditions initiales. Compte tenu du caractère mixte de son offre, Casino aurait pu annoncer ses conditions encore plus tardivement si le marché avait été un peu moins volatil. Il est probable en tout cas que, désormais, les conditions de ce type d'opérations soient annoncées le plus tard possible." La réussite de cette offre pourrait inciter d'autres corporates à s'intéresser dans les mois à venir à ce type de restructurations de dette, alors même que certains d'entre eux ont concédé des coupons élevés au premier semestre 2009. "Les entreprises cherchent actuellement des moyens pour réduire leur coût de portage très élevé, explique Sidney Studnia. Certaines d'entre elles pourraient être tentées de restructurer leur dette obligataire. Le mois dernier, nous avons notamment réalisé plusieurs opérations de rachat, dont une obligataire pour l'anglais Kingfischer, d'un montant de 300 millions d'euros d'obligations à échéance 2012, par enchères inversées, c'est-à-dire sur la base des propositions de vente des porteurs eux-mêmes, en termes de volumes et de spreads." Il ne serait pas étonnant que des opérations du même type voient le jour dans les mois qui viennent. Angèle Pellicier

AOF - EN SAVOIR PLUS

LEXIQUE

Spread de crédit  : Le "spread" de crédit désigne la prime de risque, où l'écart entre les rendements des obligations d'entreprises et les emprunts d'États de mêmes caractéristiques. Historiquement, le "spread" augmente lors d'un ralentissement économique et se réduit en période de croissance. Néanmoins, il se peut que la perception du risque de défaut soit exagérée et que le "spread" intègre des prévisions de défaillances d'entreprises excessivement pessimistes.

Les points forts de la valeur

- Casino bénéficie d'une forte présence dans les magasins de proximité, principalement en France. Le groupe profite ainsi de l'évolution des tendances de consommation vers ces formats. Le groupe continue d'innover avec de très petites surfaces dans les grandes métropoles (Chez Jean). - Dans la conjoncture économique actuelle, les marques de distributeurs tirent leur épingle du jeu. Casino est leader sur ce segment, avec plus de 50% des volumes vendus en 2009. - Les marges de Monoprix résistent bien dans un environnement concurrentiel tendu : la clientèle de cette enseigne est moins attentive aux prix que celle d'autres formats de distribution. - Casino réalise 35% de son chiffres d'affaires dans les pays émergents, principalement en Amérique latine. - Le groupe s'est désengagé des Pays-Bas, marché très concurrentiel. - L'immobilier est un pilier stratégique. Via sa filiale cotée Mercialys, société foncière détenue à 50%, le distributeur multiplie les opérations immobilières. Objectif : créer de la valeur.

Les points faibles de la valeur

- Le concept de très grandes surfaces (un tiers du chiffre d'affaires de Casino) séduit de moins en moins; la crise est venue accentuer cette tendance. - Le hard discount a été touché de plein fouet par la crise. Il y a également un risque de canibalisation avec l'activité hypermarchés. - La visibilité sur la consommation des ménages reste faible pour 2010.

Comment suivre la valeur

- L'activité de Casino dépend de la consommation des ménages et de leur confiance. - Toutes les crises alimentaires auxquelles le public est de plus en plus sensible sont susceptibles de peser sur les ventes (vache folle, grippe aviaire, maïs transgénique). - Casino a dévoilé à ce titre en novembre 2009 son intention de faire évoluer son organisation en France. Le projet vise à développer et à accélérer les relations transversales entre la branche hypermarchés et la branche supermarchés. - Casino devra boucler en 2010 son programme de cessions d'actifs de 1 milliard d'euros, entamé avec la vente des actifs néerlandais. La réduction consécutive de la dette pourrait rassurer les investisseurs.

LE SECTEUR DE LA VALEUR

Distribution généraliste

Le spécialiste de l'assurance-crédit Euler Hermes ainsi que l'agence de notation Standard & Poor's (S&P) prévoient tous deux que les difficultés vont s'intensifier l'année prochaine pour la grande distribution. Contrairement à d'autres secteurs tels que l'automobile ou le transport aérien, la grande distribution a été peu touchée jusqu'à présent par la crise économique. Déjà, selon l'Insee, avec une consommation alimentaire stable en volumes et des prix en retrait, la période de début juin à fin septembre a représenté le pire trimestre depuis le début de la crise financière. Selon les experts, la consommation sera impactée par la progression du taux de chômage en zone euro. Ces prévisions tombent mal à un moment où neuf distributeurs ont été assignés en justice par l'Etat pour des clauses abusives dans leurs contrats avec des fournisseurs. Cette accusation fait suite à l'application de la loi de modernisation de l'économie (LME), qui vise à faire disparaître progressivement le système de ristournes accordées par les fournisseurs aux distributeurs pour mettre en valeur leurs produits (" marges arrières ").