BNP Paribas IP, Fortis Investments : les grands travaux ont commencé

17/02/2010 - 18:57 - Option Finance

(AOF / Funds) - Avec 359 milliards d'euros d'encours à fin septembre 2009, BNP Paribas Investment Partners (BNPP IP), renforcé des activités de gestion d'actifs de Fortis se classe dorénavant dans le top 5 des sociétés de gestion européennes, devant Natixis AM et derrière Amundi, qui concrétise au même moment la fusion des activités de gestion d'actifs de Crédit Agricole et Société Générale. Avec cette opération, source d'économies d'échelles principalement sur l'informatique et les opérations, la société de gestion intègre de nouvelles expertises de gestion et étend sa couverture géographique sur des zones de développement à fort potentiel. Elle prend ainsi une nouvelle envergure. Interview de Philippe Marchessaux, responsable BNP Paribas Investment Partners.

Comment avance la fusion des activités de gestion d'actifs de BNP Paribas et de Fortis ?

Il s'agit d'un projet passionnant, qui va permettre à nos clients d'accéder à des solutions d'investissement encore plus performantes et riches. Aujourd'hui, nous finalisons la fusion juridique des holdings de tête des deux groupes, qui devrait être effective au printemps. Le nouvel ensemble prendra le nom de BNP Paribas Investment Partners. Cette fusion est une formidable opportunité car elle repose avant tout sur de nombreuses complémentarités. Nous avons d'ailleurs déjà bien avancé sur la structuration du nouvel ensemble et sur l'organisation des équipes. L'essentiel de la gestion d'actifs de Fortis va rejoindre BNP Paribas Asset Management, dirigé par Christian Dargnat. Certaines spécialités viendront compléter les "Partners" de BNPP Investment Partners. A titre d'exemple, la multigestion de Fortis Investments (FI) est apportée à FundQuest, les gestions devises rejoignent Overlay AM tandis que les expertises de global fixed income de FI sont intégrées à FFTW. Certaines filiales de FI, à l'instar de la boutique scandinave Alfred Berg ou la joint-venture chinoise Fortis Haitong conservent leur autonomie et viennent renforcer les partenaires de BNPP IP. BNPP AM, le partenaire en gestion fondamentale structurée et indicielle représentera plus des deux tiers des encours du nouvel ensemble. Nous sommes encore juridiquement deux entreprises séparées, mais nous avons déjà réuni les 150 cadres dirigeants désignés de la future entité. Tout le monde a manifesté une forte envie de travailler ensemble. Il était important d'annoncer rapidement l'essentiel des nominations, et nous l'avons fait avant la fin de l'année 2009. Au total, nous avons procédé à près de 500 nominations. Tous les responsables de gestion sont identifiés et l'organisation est finalisée. Cette fusion doit être la plus fluide et transparente possible pour nos clients. Même si elles sont encore juridiquement séparées, les équipes commerciales sont déjà en ordre de marche, elles connaissent leurs objectifs et leur organisation. Je suis très satisfait de l'état d'esprit qui règne au niveau du management et des équipes.

Quelles sont les principales différences de culture entre les deux sociétés de gestion ?

L'ambition du projet crée une réelle dynamique et montre que les ressemblances et les complémentarités l'emportent sur nos quelques différences. En termes d'organisation, par exemple, FI avait adopté un modèle intégré et à quelques rares exceptions n'avaient pas de partenaire. Par ailleurs, FI tire de sa culture anglo-saxonne, une expertise forte notamment en marketing et commercialisation internationale, qui vient renforcer notre dispositif. Mais, globalement, on ne peut pas parler de choc des cultures quand il y a aussi peu de zones de recouvrement.

Quels sont les grands chantiers pour les mois qui viennent ?

Au-delà des chantiers juridiques, les grands travaux ont commencé. Nous allons notamment transférer les plateformes informatiques dès cette année et rationaliser la gamme de produits dans les prochains mois. Dans le cadre de nos expertises, nous allons mener une revue de détail des différents process de gestion pour donner aux gérants les moyens d'atteindre l'excellence dans leur domaine. Notre projet a bien sûr une vocation industrielle puisqu'il va nous permettre des économies de coûts, mais l'essentiel de notre rapprochement tient à l'association de forces complémentaires, notamment les expertises de gestion que nous tenons à préserver dans leur singularité. On peut adopter une approche plus industrielle, mais à la condition exclusive de le faire dans l'intérêt du client. D'ailleurs, je ne crois pas à l'industriel mondial. Il faut nécessairement adapter les fonctions support et l'architecture informatique zone par zone, par exemple sur la base de principes communs. En termes d'offre, il y aura toujours des gammes locales dans les pays où nous sommes fortement implantés. La dimension multilocale de notre projet constitue le facteur de succès de notre modèle, grâce à la proximité géographique et culturelle que nous apportons à l'ensemble de nos clients.

Que vous apporte FI au niveau des expertises de gestion ?

La clé de voûte de ce rapprochement, c'est la complémentarité de la couverture géographique et des expertises. Sur la soixantaine de spécialités de gestion, nous n'avons identifié que quelques redondances. Au sein des différentes classes d'actifs, nous gagnons de nouveaux styles de gestion ou des orientations clients différenciantes. A titre d'exemple, nous nous enrichissons d'une équipe de gestion londonienne sur les actions européennes, spécialisée sur les clients institutionnels qui développe une gestion de conviction (tracking error élevé, portefeuille concentré) très différente de nos propres expertises dans ce domaine. Ce projet nous apporte une étendue de gamme et une profondeur de produits en styles et en cibles de clientèle qui nous permet de nous orienter vers un positionnement de "Solution Providing System" dont seuls quelques gérants dans le monde peuvent aujourd'hui se prévaloir. En effet, pour répondre à la problématique d'un client, de plus en plus complexe et sophistiquée, il faut avoir à sa disposition les capacités d'analyse et les moyens de mettre en oeuvre une solution à l'aide de multiples expertises. Nous faisons désormais partie des rares acteurs qui disposent des briques nécessaires en interne et de la capacité à les assembler pour proposer des solutions globales aux investisseurs. Cela passe par notre équipe d'ingénierie financière, renforcée par une équipe de FI spécialisée dans le LDI et le fiduciary management, qui constitue un atout exceptionnel. Cette équipe, aujourd'hui basée à Londres, a en effet développé un savoir-faire unique auprès des investisseurs institutionnels hollandais, parmi les plus exigeants en Europe. Il y a des clients qui savent exactement ce qu'ils veulent et recherchent un produit. D'autres, et ils sont de plus en plus nombreux, sont confrontés à des problématiques de gestion actif-passif et cherchent une solution plus complète. Il y a peu d'acteurs dans le monde et encore moins en Europe qui ont la capacité à répondre à ces problématiques. Nous en faisons désormais partie. Dans ce domaine, la relation démarre la plupart du temps par un échange sur les problématiques d'allocation pour aller jusqu'à l'analyse et la délégation de gestion. C'est un axe de développement majeur pour nous.

Quel est le nouveau profil de BNP Paribas IP à l'international ?

Avec cette fusion, nous gagnons des implantations à l'international très complémentaires des nôtres. Nous servons désormais 1 700 clients institutionnels dans 70 pays. BNP Paribas IP n'en perdra pas pour autant son modèle de gestionnaire "multilocal", plutôt que global. Nous ne souhaitons pas imposer une solution unique au monde entier. Nous devons préserver notre capacité à rester proche des clients en nous adaptant à leurs spécificités et à leurs contraintes. C'est essentiel si nous voulons développer la dimension "solutions" de notre métier. Avec Fortis Investments, nous sommes un gérant d'actifs véritablement européen avec de nombreux pays ou centres de gravité forts : Belgique, Luxembourg, Italie, Hollande, et Scandinavie, même si la France garde un poids important. Nous figurons désormais parmi les leaders en Hollande et en Belgique. Nous faisons notre entrée en Scandinavie grâce à Alfred Berg (16 milliards d'euros d'actifs sous gestion), tandis que la coentreprise en Russie nous permet d'intégrer une équipe de spécialistes situés à Saint-Pétersbourg. Au-delà de l'Europe, cette opération nous apporte des positions importantes en Asie, et plus généralement dans les pays émergents. La plupart des pays importants seront couverts. Avec 50 milliards d'euros sous gestion, la zone Asie-Pacifique sera au centre de notre développement. Nous voulons y doubler de taille en trois ans. Nous souhaitons être présents sur les pays émergents à la fois en local et en global, en gestion et en distribution. Nous avons de bons produits purs et nous souhaitons désormais développer des produits "global emerging" en alliant notre capacité d'allocation et la gestion pays. Nous avons constaté une forte demande pour ce type de produits, notamment de la part des investisseurs asiatiques.

Votre image change-t-elle vis-à-vis de la clientèle française ?

Je ne le pense pas. La signature de BNP Paribas est très forte, elle incarne la continuité, la rigueur et la solidité. Notre très belle collecte de 2009 en atteste, même si elle s'est beaucoup concentrée sur le monétaire dans un contexte de crise des marchés. Nous sommes les mêmes, avec une gamme enrichie de produits et de services, et une plus grande ouverture internationale. Nos clients bénéficieront largement des nouvelles opportunités créées par notre organisation.

Quelle est votre stratégie vis-à-vis de la clientèle retail ?

Dans les réseaux, nous allons poursuivre notre politique de formation. Nous pensons que les sociétés de gestion doivent former les équipes des réseaux pour qu'elles soient mieux à même de conseiller leurs clients. Ce travail de formation a déjà porté ses fruits. En Italie, où le marché a été dévasté par la crise, nous avons été le premier collecteur net d'OPCVM en 2009 grâce au travail que nous avons fait avec BNL. En termes de produits, nous misons sur une gamme concentrée et simple. L'investisseur particulier se tourne le plus souvent vers les gammes de fonds profilés et quelques fonds purs (monétaire, actions, obligataire). La gestion à horizon est la manière la plus simple de déléguer l'allocation d'actifs, mais elle a enregistré moins de succès que les fonds profilés. Dans ce domaine, nous ne croyons pas aux gestions totalement flexibles auprès de ce type de clientèle. Nous tenons à intégrer dans nos produits des budgets de risque permettant aux gérants d'exprimer leurs convictions dans des conditions équilibrées. Nous proposons ainsi des solutions avec différents niveaux de protection du capital pour les clients du Retail, il s'agit de l'offre Cliquet tandis que notre gamme STEP, avec des niveaux différenciés de garantie, est plus adaptée à la clientèle de la banque privée.

Comment se positionne BNP Paribas IP dans le débat entre la gestion active et la gestion passive ?

Les clients institutionnels utilisent les deux types de gestion en permanence. Quand on a l'ambition de fournir des solutions globales de gestion, on ne peut pas faire l'impasse sur une des deux approches. La gestion indicielle et la gestion active sont complémentaires. Il peut être utile de proposer du bêta comme alternative à la gestion active dans certaines configurations de marché. Nous pratiquons depuis longtemps la gestion indicielle et avons transféré cette expertise en lançant en 2002 la gamme EasyETF, que nous comptons développer. Largeur et profondeur de gamme alliées à une expertise d'a