L'engouement pour les fonds émergents ne se dément pas

22/02/2010 - 11:05 - Option Finance

(AOF / Funds) - Depuis quelques mois, l'engouement pour les fonds émergents, qu'ils soient investis en actions ou en obligations, ne cesse de croître. Ils affichent, il est vrai, de belles performances, souvent nettement supérieures à celles des fonds investis en Europe et aux Etats-Unis, sans parler du Japon. Mais, au-delà de la performance, si les investisseurs, institutionnels ou privés, allouent une part de plus en plus importante à ce type d'investissement, c'est parce qu'ils considèrent que les économies émergentes contribuent de façon croissante au dynamisme de l'économie mondiale. "Nous croyons beaucoup à la thématique des fonds émergents, indique Franck Nicolas, directeur de l'allocation globale et de l'ALM chez Natixis Asset Management (NAM). Les projections effectuées par les économistes montrent qu'en 2020 le produit intérieur brut chinois (PIB) aura rattrapé celui des Etats-Unis et que celui du Brésil cumulé à celui de l'Inde représentera celui de l'Europe dans son ensemble. Ce chemin ne sera certainement pas linéaire, notamment en termes boursiers. Cependant, les capitalisations des places émergentes devraient fortement croître dans les prochaines années et pas seulement par le biais d'introductions en Bourse." Les places émergentes représentent déjà 12 % de la capitalisation mondiale. On ne peut donc faire l'impasse sur cette classe d'actifs, qui devrait progressivement s'imposer dans le coeur des portefeuilles des investisseurs institutionnels et ne plus se limiter à une portion modeste comme simple produit de diversification parmi d'autres. Par conséquent, toutes les sociétés de gestion, notamment les plus grandes, disposent d'équipes dédiées aux marchés émergents. En Europe, les principaux pôles de gestion spécialisés dans ces classes d'actifs (dettes et actions émergentes) se situent à Londres. On y trouvera des filiales de grands groupes, mais aussi des acteurs indépendants. En France, peu d'acteurs indépendants gèrent directement des fonds émergents, à l'exception notable de Comgest et de Carmignac Gestion. Ces deux sociétés possèdent des équipes dédiées qui se rendent fréquemment dans ces pays et suivent de près ces marchés à partir de Paris. "Nous possédons une équipe de 15 gérants spécialisés sur l'Asie et les pays émergents, indique Vincent Strauss, directeur général de Comgest. Il s'agit d'une des plus importantes équipes en Europe continentale. Nous travaillons en équipe selon une approche exclusivement de bottom up, c'est-à-dire, que notre activité principale consiste à identifier des entreprises qui peuvent apporter de la performance à moyen/long terme. Nos portefeuilles ont une faible rotation." Les deux sociétés de gestion constituent un phénomène un peu à part sur le marché français, car les marchés émergents sont plutôt l'apanage des filiales de grands groupes. Ces filiales de gestion de banques ou de compagnies d'assurances possèdent des relais locaux afin d'être proches de ces marchés. "La plupart des sociétés de gestion implantées dans les économies émergentes sont des filiales de grands groupes internationaux, relate Bernard Aybran, directeur général délégué d'Invesco Asset Management. Il existe quelques sociétés de gestion purement locales, en Asie notamment, mais elles sont rares à offrir des produits en Europe." Franklin Templeton, Fidelity, JPMorgan pour les Anglo-Saxons, disposent d'équipes importantes au niveau local. Franklin Templeton, par exemple, a créé une équipe dédiée aux marchés émergents en 1987. Elle compte actuellement 39 gérants de portefeuilles et analystes, basés dans 15 villes réparties sur tous les continents. L'équipe est dirigée par Mark Mobius, un spécialiste reconnu de ces marchés. En France également, les grandes maisons de gestion sont implantées dans les émergents. Amundi dispose de plusieurs centres de gestion dans les pays émergents, notamment en Asie, à Hong Kong et à Singapour. BNP Paribas Investment Partners est présent dans de nombreux pays émergents : en Amérique latine (Brésil et Argentine), en Arabie saoudite, en Chine, en Inde, en Corée du Sud, en Turquie et au Maroc. Selon les cas, des sociétés de gestion ont été créées ou des partenariats avec des entreprises locales d'investissement ont été noués afin de proposer des produits gérés au plus près des marchés. Natixis Asset Management (NAM) dispose également de trois pôles dédiés aux émergents : à Paris, deux gérants couvrent l'Europe émergente, une filiale en Asie, Absolute Asia, composée de sept personnes, s'intéresse aux marchés asiatiques hors Japon. Enfin, aux Etats-Unis, Hansberger Global Investors suit les marchés financiers d'Amérique latine. L'équipe de gestion d'Hansberger Global Investors comprend 21 personnes. "Nous sommes organisés selon un modèle de multiboutiques, avec des sociétés de gestion au plus proche de leurs marchés cibles, indique Matthieu Belondrade, gérant spécialisé sur l'Europe émergente chez NAM. Le point commun entre nos trois pôles d'expertise sur les émergents est le stock-picking." Le bureau asiatique est l'un des plus anciens. "Le groupe dispose d'une implantation historique en Asie, relate Franck Nicolas. Le bureau américain a été acheté il y a quelques années, il s'agit d'un gestionnaire spécialisé sur l'Amérique latine." Les règles en matière d'organisation et de contrôle des risques propres aux groupes sont appliquées aux filiales locales. "La déontologie, les méthodes de contrôle des risques et de conformité sont définies au niveau du groupe, indique Franck Nicolas. Ensuite, chaque filiale doit se les réapproprier." Celles-ci doivent adapter les contrôles à la spécificité de leur marché. "Les filiales présentes dans les pays émergents appliquent des contrôles spécifiques, poursuit Matthieu Belondrade. Pour l'Europe émergente, par exemple, nous ne sélectionnons pas les entreprises dont la capitalisation boursière est inférieure à 500 millions de dollars car, en dessous de ce seuil, les sociétés peuvent présenter des incertitudes significatives sur la pérennité de leur activité." Les grandes entreprises des pays émergents tournées vers l'international possèdent maintenant un profil assez proche de leurs homologues européennes ou américaines en termes d'organisation ou encore de normes comptables. Cependant, les entreprises de taille plus petite et la myriade de micro-entreprises présentes dans ces économies sont assez loin des standards internationaux. Par conséquent, les indices de la plupart des places financières sont très concentrés. "Cinq valeurs représentent 40 % de l'indice MSCI Europe Emergente, indique Matthieu Belondrade, Gazprom, le géant russe correspond à lui seul à 17 % de l'indice." Pourtant 356 sociétés sont cotées à Moscou ! Toute l'expertise du gérant consistera donc à essayer de diversifier davantage ses fonds que les indices. Toutefois, cet exercice a une limite, il faut trouver des entreprises qui répondent un minimum aux critères de gouvernance propres aux économies développées, ce qui réduit l'univers d'investissement de façon drastique. Par conséquent, même si la plupart des sociétés de gestion ont adopté des méthodes de gestion active, elles peuvent avoir du mal à se différencier les unes des autres, d'autant plus que, étant pour la plupart des filiales de grands groupes, leurs méthodes de gestion sont souvent assez voisines. Enfin, l'afflux de capitaux en direction de ces économies pousse les marchés financiers à la hausse avec peu de différenciation entre les places financières et les grandes entreprises et limite d'autant la capacité des gérants à se distinguer les uns des autres. Par conséquent, les produits indiciels (ETF ou trackers) peuvent constituer un bon compromis pour les investisseurs, car ils peuvent permettre de s'exposer à ces marchés à un moindre coût. Les grandes sociétés de gestion proposent d'ailleurs souvent ces deux solutions. "Nous proposons, en plus des fonds pays, un produit global qui peut être conçu sur mesure et dans lequel l'exposition aux marchés émergents est obtenue via des ETF ou des futures", indique Franck Nicolas. Les produits globaux ont également l'avantage d'utiliser différents moteurs de performance. "Les fonds pays ou sur une région ont du mal à faire autre chose que les indices, avance Bernard Aybran. Les gérants peuvent apporter davantage de valeur ajoutée dans des fonds globaux émergents en jouant sur l'allocation d'actifs entre secteurs, entre thèmes, entre régions et entre devises." Il est en effet nécessaire d'être réactif pour gérer des fonds sur des marchés financiers qui demeurent encore plus risqués que ceux des économies développées. Sandra Sebag