"L'euro devrait continuer de baisser contre dollar cette année"

13/04/2010 - 10:50 - Option Finance

(AOF) - Interview d'Eric Vergnaud, responsable Economies OCDE, direction des études économiques, BNP Paribas.

L'euro peut-il durablement se déprécier ?

L'euro devrait continuer de baisser contre dollar cette année, la parité eurodollar pouvant se situer autour de 1,25 en fin d'année et même passer sous ce seuil au cours du premier semestre 2011. Plusieurs facteurs plaident pour ce mouvement. Tout d'abord, l'écart de croissance qui s'est creusé dès la fin de l'année dernière en faveur des Etats-Unis par rapport à la zone euro devrait se confirmer cette année et l'année prochaine, avec des taux de croissance de, respectivement, 1 % et 1,25 % dans la zone euro, et proche de 3 % les deux prochaines années aux Etats-Unis. Ensuite, le relèvement des taux directeurs sera probablement plus précoce aux Etats-Unis. Nous tablons sur une remontée de l'objectif des fed funds dès le premier semestre 2011, tandis que la BCE pourrait attendre le second semestre pour relever le refi. En outre, nous prévoyons une remontée moins rapide et plus limitée des taux longs dans la zone euro. A l'horizon de la fin de 2011, les rendements sur les titres d'Etat américains à dix ans pourraient atteindre 4,50 %, contre 3,5 % pour le rendement du Bund de même échéance. Enfin, les inquiétudes persistantes concernant la dette grecque et, peut-être, celles d'autres Etats de la zone euro devraient continuer de peser sur la monnaie unique. Les taux sur les obligations publiques grecques à dix ans sont de nouveau passés au-dessus de 7 %, à cause des incertitudes sur les modalités d'un déclenchement effectif du dispositif européen de soutien à la Grèce. Nous n'attendons pas pour autant un effondrement de l'euro : la parité eurodollar pourrait renouer avec un niveau à 1,35 à fin 2012.

Pour quelles raisons envisagez-vous une remontée des taux plus précoce aux Etats-Unis ?

Notre scénario en matière de politique monétaire se fonde essentiellement sur les perspectives macroéconomiques, telles que nous venons de les décrire. Au quatrième trimestre 2009, le PIB de la zone euro a stagné. La reprise dans la zone euro sera plus tardive et de moindre ampleur qu'aux Etats-Unis. L'ajustement sur le marché de l'emploi américain semble parvenu à son terme (avec plus de 160 000 emplois créés en mars, dont plus de 120 000 dans le secteur privé) et l'on peut attendre un retour durable des créations de postes très prochainement, alors que le marché du travail devrait continuer de se dégrader tout au long de l'année dans la zone euro, ce qui aura bien sûr des conséquences très importantes sur les ménages.

Les problèmes actuels de la Grèce peuvent-ils avoir un impact sur la politique monétaire de la BCE ?

Il n'existe pas de lien direct entre les problèmes de la dette grecque et la politique menée par la BCE. Néanmoins, tout facteur susceptible d'affecter la stabilité financière ou d'accroître la pression sur le marché monétaire est naturellement pris en compte par la Banque centrale. De surcroît, la nécessité de la consolidation budgétaire conduit à des politiques restrictives de nature à peser sur l'activité. Dans ce contexte, conserver une politique monétaire accommodante plus longtemps pourrait se justifier.

Doit-on craindre un retour de l'inflation, en cette période de sortie de crise ?

Dans la zone euro comme aux Etats-unis, l'inflation sous-jacente reste très modérée. Elle devrait même diminuer davantage au cours des prochains mois. Ceci devrait laisser l'inflation totale en moyenne très inférieure à 2 % au cours de la période 2010-2012. Dans ce contexte, la Fed et la BCE vont se montrer à la fois prudentes et patientes. Cette année sera consacrée à la sortie progressive des politiques non conventionnelles. Propos recueillis par Angèle Pellicier