Comment concilier rendement et garantie de capital ?

07/06/2010 - 11:18 - Option Finance

(AOF / Funds) - Un investisseur particulier investissant 5 millions d'euros sur un horizon de placement de huit à dix ans peut-il obtenir un rendement annuel de 4 et 5 % avec une garantie du capital à hauteur de respectivement 100 et 80 % ? La question est délicate car, dans un contexte chahuté et de taux bas, il est difficile de garantir un capital sur du long terme. Néanmoins, sept acteurs de la place ont accepté de jouer le jeu et nous livrent leurs recommandations.

Les conseils de Jean-Michel Starck, directeur général de la société de gestion de la banque privée HSBC Private Wealth Managers et directeur de l'offre de HSBC Private Bank France

Nous privilégions une solution d'investissement. Une diversification vers de l'immobilier, au travers de SCPI notamment, peut procurer des rendements annuels de l'ordre de 6 %, avec la contrainte cependant d'une perte de liquidité. Cette contrainte doit être acceptable pour l'investisseur. Nos convictions aujourd'hui portent notre choix sur des actions de rendement, de la dette émergente en devise locale et le secteur des technologies, ces convictions devant évoluer sur une période aussi longue que dix ans. Dans le contexte de marché actuel, nous anticipons sur un horizon de huit à dix ans une espérance de rendement annuel de 7 % pour les actions, 4 % pour les obligations et de 8 % pour la gestion alternative. Les matières premières étant très volatiles, nous avons tendance à les écarter dans le cas d'espèce. L'évolution de l'environnement mondial nous conduit à nous investir sur une gestion de conviction et flexible.

Pour 4 % annuels sur huit à dix ans avec un capital garanti à hauteur de 100 %

Avec un rendement qui tend vers 3,5 % cette année, et moins à moyen terme, le fonds en euros proposé dans le cadre de l'assurance-vie serait une solution à court terme. Pour atteindre les 4 % par an recherchés, l'investisseur doit aller sur d'autres actifs. Nous proposons un portefeuille avec une espérance de rendement annuel corrigé du risque de choc des marchés de 4 %. Il serait composé de 15 % d'actions (en restant prudent sur l'Europe pour leur préférer les zones émergentes et en n'hésitant pas à prendre nos profits et à réduire l'exposition jusqu'à 5 % si besoin), 75 % de taux (avec, en priorité, le crédit noté BBB ou mieux, mais en excluant les sociétés financières, et en second choix des obligations d'Etat avec une maturité inférieure à cinq ans), ainsi que 10 % de gestion alternative.

Pour 5 % annuels sur huit à dix ans avec un capital garanti à hauteur de 80 %

Nous proposons un portefeuille avec une espérance de rendement annuel corrigé du risque de choc des marchés de 5 %. Il serait composé de 30 % d'actions (avec une approche identique à celle du portefeuille ci-dessus), 50 % de taux (en intégrant, en plus de l'allocation proposée ci-dessus, 10 à 15 % de dette high yield, ainsi qu'une diversification de 5 à 7 % sur la dette émergente en monnaie locale) et 20 % de gestion alternative.

Les conseils de Lionel Saint Georges Chaumet, directeur général des métiers du patrimoine d'Aforge Finance

L'instabilité actuelle des marchés financiers rappelle à l'investisseur que les risques même considérés jusqu'alors comme les moins plausibles peuvent devenir une réalité concrète : qui eut crû qu'un état membre de l'UE pouvait faire faillite ? qu'une des plus grandes banques internationales comme Lehmann Brothers pouvait purement et simplement disparaître ? Il apparait donc que les stratégies de gestion trop concentrées et insuffisamment évolutives sont des facteurs de risque de plus en plus importants. [-73]· l'inverse, la diversification et la mobilité des positions constituent les outils les plus adaptés pour protéger un actif des risques inhérents au marché sur lequel il est investi. Dans ces conditions, quatre types d'actifs sont à priori envisageables pour satisfaire à un objectif de rendement et de sauvegarde du capital investi : l'actif général des compagnies d'assurance, qui répond à l'objectif de sauvegarde du capital investi (sous réserve du maintient de la solvabilité de la compagnie...), mais il est impossible aujourd'hui de préjuger de leur capacité à maintenir un taux de rendement de 4 à 5 % pendant les huit à dix années à venir. L'immobilier commercial présente aujourd'hui des niveaux de rendement de l'ordre de 6 à 8 % associé à un risque de dévalorisation très faible pour des emplacements en hyper centre-ville. Les obligations privées, qui seraient à privilégier au détriment des obligations d'état offrant actuellement un ratio rendement/risque encore peu favorable. Enfin des produits structurés pourraient certes satisfaire à l'objectif de rendement, mais au prix d'une quasi-impossibilité de garantir le capital à l'échéance et d'une absence de liquidité avant l'échéance.

Pour 4 % annuels sur huit à dix ans avec un capital garanti à hauteur de 100 %

Nous investirions 2 millions d'euros en immobilier commercial, dont 1 million en fonds propres et un levier bancaire de 1 million : outre l'avantage d'un rendement annuel élevé mais capitalisé (paiement des intérêts du crédit), l'autre caractéristique de cet actif est sa revalorisation en fonction du taux d'inflation, compte non tenu de l'impact de l'indexation des loyers. Nous provisionnerions 4 millions d'euros sur les deux premières années sur un actif général de compagnie d'assurance, montant qui, au titre des années 3 à 8/10, serait réparti comme suit : 3,1 millions d'euros en obligations privées, sur la base d'une forte diversification des émetteurs en termes de rating (IG et HY) et de marchés géographiques, 0,5 million d'euros en dette souveraine émergente (libellée en monnaies locales), et 0,4 million d'euros en actions internationales, privilégiant les valeurs de rendement.

Pour 5 % annuels sur huit à dix ans avec un capital garanti à hauteur de 80 %

Nous investirions 2,5 millions d'euros en immobilier commercial, dont 1 million d'euros par levier bancaire, les 3,5 millions d'euros restants seraient répartis entre des obligations privées (2,2 millions d'euros), des obligations convertibles (0,6 million d'euros), des actions internationales (0,5 million d'euros) de la dette émergente (0,2 million d'euros).

Les conseils de Benoît Vesco, directeur de la gestion de Meeschaert Asset Management

Pour créer un portefeuille avec un rendement annuel de 4 à 5 % avec une idée forte de protection du capital, nous conseillerions un portefeuille 100 % obligataire.

Pour 4 % annuels sur huit à dix ans avec un capital garanti à hauteur de 100 %

Compte tenu de l'évolution de l'endettement des Etats, de la situation des entreprises qui s'améliore (Moody's prévoyant encore une baisse du taux de défaut dans les prochains mois) et des écarts de rendement entre les obligations souveraines et privées notées investment grade, ces dernières nous paraissent plus sûres que celles des Etats qui pourraient en plus pâtir d'une reprise de l'inflation. Cependant, nous resterions prudents en sélectionnant des maturités inférieures à cinq ans et donc en conseillant à l'investisseur de réduire son horizon de placement à cinq ans. Parmi les vingt-huit titres de crédit qui constitueraient ce portefeuille se trouveraient Havas (4,63 % à échéance 2014), Artemis Conseil (4,04 % à échéance 2011), Axa (3,52 % à échéance 2014), Rexel (4,16 % à échéance 2016), Peugeot (4,03 % à échéance 2014), Thyssenkrupp Fin Neder (3,76 % à échéance 2013) ou encore Gaz Capital (3,92 % à échéance 2015).

Pour 5 % annuels sur huit à dix ans avec un capital garanti à hauteur de 80 %

Pour ce portefeuille, qui nous autoriserait à prendre du risque sur 20 % du montant investi, nous pourrions, en plus de l'allocation proposée ci-dessus, ajouter des actions, car nous sommes positifs en général sur cette classe d'actifs et en particulier sur celles qui bénéficient de la croissance mondiale, comme Inditex, Unilever, AB Inbev et Siemens.

Les conseils de Jean de Quatrebarbes, gestionnaire de portefeuille senior chez JP Morgan Banque Privée

Le modèle propriétaire quantitatif de JP Morgan, mis en oeuvre par une cinquantaine de personnes basées à New York étudiant à moyen et long terme la rentabilité, la volatilité et la corrélation des classes d'actifs entre elles (actions, obligations, devises et matières premières) sur les marchés Etats-Unis et Europe, mais également Asie, Japon et marchés émergents, nous permet de définir une allocation stratégique de long terme. Notre gestion active (allocation tactique) autour des pondérations initiales permet de délivrer un rendement additionnel (l'alpha) annuel de + 0,5 % à + 2 % par rapport au portefeuille stratégique.

Pour 4 % annuels sur huit à dix ans avec un capital garanti à hauteur de 100 %

Le portefeuille stratégique serait composé de 95 % d'obligations (dont 32 % de court terme, 60 % d'obligations souveraines et 3 % de crédit noté BBB), 3 % d'actions et 2 % de fonds de fonds alternatifs diversifiés. Il délivrerait une performance cumulée de + 48 % au bout de dix ans, avec une volatilité de 1,7 %. Dans le pire des cas, il y aurait 5 % de chances qu'elle soit inférieure à + 36 %. Sur dix ans, à fin mars 2010, il aurait réalisé une performance de 4,5 % par an avec une volatilité de 1,7 %.

Pour 5 % annuels sur huit à dix ans avec un capital garanti à hauteur de 80 %

Le portefeuille stratégique serait composé de 12 % d'actions (dont 6 % Europe, 3 % Etats-Unis et 3 % marchés émergents et Asie), 82 % d'obligations (12 % de court terme, 57 % de souveraines, 10 % de crédit noté BBB et 3 % de high yield), ainsi que 6 % de fonds alternatifs (dont 5 % de fonds de fonds diversifiés et 1 % de commodities). Il délivrerait une performance cumulée de + 62 % au bout de dix ans, avec une volatilité de 2,7 %. Dans le pire des cas, il aurait 5 % de chances de faire moins bien que 42 %. Sur dix ans, à fin mars dernier, ce portefeuille aurait progressé de 4,3 % par an avec une volatilité de 2,6 %. En comparaison, un portefeuille de croissance (a priori plus dynamique) qui vise 8 % de croissance à long terme et serait composé de 54 % d'actions (25 % Europe, 15 % Etats-Unis, 4 % Japon, 10 % Asie et émergents), 21 % d'obligations (14 % de souveraines, 1 % de high yield, 1 % de dette émergente, 2 % de crédit BBB, 2 % de placement court terme) et 25 % de fonds alternatifs (20 % de fonds de fonds diversifiés et 5 % de commodities) aurait 95 % de chance d'avoir une performance supérieure à + 25 % dans dix ans.

Les conseils de Hajir Khabiri, gérant de portefeuilles de Quilvest Banque Privée

Pour obtenir un capital garanti à un horizon de huit à dix ans et être certain d'obtenir un coupon de 4 à 5 %, les produits structurés peuvent apparaître comme une solution, mais je ne connais pas à ce jour de fonds répondant à ces objectifs de rendement et de préservation du capital. Une autre solution serait les obligations d'Etat à dix ans de très bonne qualité (notées AAA), mais leur taux est très bas. Quant aux obligations du secteur privé, leur rendement est intéressant, mais leur maturité se situe généralement aux alentours de deux à cinq ans. Le fonds en euros dans le cadre de l'assurance-vie est donc pour nous la meilleure solution, dans la mesure où le capital est garanti par la compagnie d'assurances.

Pour 4 % annuels sur huit à dix ans avec un capital garanti à hauteur de 100 %

Nous proposons d'investir 100 % sur le fonds en euros du contrat d'assurance-vie de notre partenaire. Globalement investi à hauteur de 80 % en obligations, 10 % en actions et 10 % en immobilier, nous pouvons espérer un rendement de l'ordre de 3,7 % nets de frais de gestion pour 2010, sachant que, entre 2000 et 2009, le taux moyen annuel a été proche de 5 % nets de frais de gestion. Sur un horizon de huit à