Une approche sélective pour les actions européennes

07/06/2010 - 11:22 - Option Finance

(AOF / Funds) - uelques semaines après le plan de sauvetage concocté par les pays membres de la Communauté européenne pour aider la Grèce à financer sa dette, les gérants spécialistes de la zone considèrent que la crise systémique, voire l'éclatement de la zone euro ne sont plus d'actualité. Ils peuvent ainsi à nouveau se pencher sur les fondamentaux des entreprises et y trouver de nombreuses raisons d'être optimistes. La principale d'entre elles réside dans les niveaux de valorisation des marchés. En effet, la crise grecque a stoppé net la progression des marchés intervenue entre le mois de mars 2009 et la fin de l'année alors que les niveaux de valorisation qui précédaient la crise n'avaient pas été encore rattrapés. "Les niveaux de valorisation sont très bas, affirme Marc Craquelin, directeur de la gestion d'actifs chez Financière de L'Echiquier. Les PER - à savoir les résultats attendus par rapport aux bénéfices - de l'année tournent aux alentours de 11,5. L'environnement est donc très favorable aux actions". Par ailleurs, la situation des entreprises s'est nettement améliorée car elles ont profité de la crise pour réduire leur endettement et renforcer leur bilan. "Les résultats des sociétés sont de très bonne qualité, indique Thierry Le Clerc chez Allianz Global Investors France. Le chiffre d'affaires progresse tandis que les plans de réduction des coûts mis en place dès le début de la crise ont été très efficaces." Les niveaux des stocks ont été en effet drastiquement réduits depuis 2008 et l'investissement stoppé, tandis que toutes les dépenses ont été passées au crible afin de les diminuer et ultérieurement de les contrôler. Cependant, si le diagnostic quant à l'amélioration des comptes financiers des entreprises est largement partagé par les gérants et les analystes, il n'est pas pris en compte dans le niveau de valorisation des entreprises constaté sur les marchés, ce qui explique l'attrait des marchés actions actuellement. Autre argument en faveur des actions, l'environnement macroéconomique mondial redevient positif. "La croissance mondiale n'est pas si mauvaise, estime Marc Craquelin. Les Etats-Unis et le Japon viennent de revoir leurs perspectives de croissance annuelles à la hausse." Les économies émergentes montrent elles aussi des signes clairs d'amélioration, la crise a été en effet de très courte durée pour la plupart d'entre elles. Celles-ci ont rapidement rebondi et affichent à nouveau des taux de croissance en progression. Par conséquent, les entreprises et plus particulièrement celles qui sont tournées vers les marchés extérieurs - à savoir les pays émergents et les Etats-Unis - devraient bénéficier d'un contexte porteur, tout en possédant des bilans très sains. Nombreux sont alors les gérants qui préconisent de se focaliser sur ce type d'entreprises. "Nous privilégions les entreprises ouvertes sur le reste du monde et dont les marchés ne se limitent pas à l'Europe", indique Marc Craquelin. Ces entreprises devraient d'ailleurs être favorisées par la dépréciation de l'euro face au dollar. Si cette tendance se confirme, la baisse de l'euro devrait en effet largement soutenir dans les prochains mois, les exportations de la zone. La sélection des entreprises exportatrices constitue donc une stratégie assez commune aux gérants. "Nous possédons plusieurs fonds sur les actions européennes, indique Marc Olivier, directeur général de Nordea en France. Ils sont gérés chacun avec des optiques différentes. Par exemple, l'un d'entre eux est géré selon une approche top-down, tandis qu'un autre privilégie une approche bottom-up. Néanmoins, un point commun lie toutes nos gestions : les gérants privilégient les entreprises qui vont chercher leur croissance en dehors de l'Europe, en Asie ou encore en Amérique latine, où beaucoup d'entreprises européennes sont installées." Cette approche peut parfois se combiner avec d'autres thèmes d'investissement comme celui des fusions et acquisitions. "Nous sommes positifs sur les multinationales qui tirent leurs croissances des émergents, indique Catherine Huguel, directeur général d'Hugau Gestion. Ces dernières disposant de réserves en cash importantes liées à l'amélioration de leur bilan, elles pourraient ainsi être amenées à développer des stratégies de fusion et acquisitions. Un thème d'investissement que nous privilégions dans nos allocations d'actifs". Si les gérants ont tendance à se focaliser sur les entreprises exportatrices, c'est parce qu'ils considèrent que le contexte macroéconomique en Europe va peser encore pendant de longs mois sur la progression des marchés actions. Les pays européens restent en effet handicapés par une croissance faible et surtout par une généralisation des politiques de rigueur. Après la Grèce, l'Espagne, le Royaume-Uni, mais aussi la France ont annoncé des mesures de réduction des déficits publics. "Nous sommes très circonspects quant à la qualité de la croissance domestique, poursuit Marc Olivier. Il existe maintenant un consensus sur le fait que la croissance devrait rester atone en Europe". Tous les pays au sein de la zone euro, et a fortiori les pays européens n'appartenant pas à la zone euro, ne sont toutefois pas logés à la même enseigne. Ainsi, au sein de la zone, l'Allemagne rencontre la faveur des gérants ainsi que les Pays-Bas et, mais dans une moindre mesure, la France. "Depuis le début de l'année, le Dax - l'indice représentant les grandes valeurs allemandes - est resté étal au contraire du CAC 40 ou de la bourse espagnole qui ont baissé", relate Marc Craquelin. Hugau Gestion privilégie également l'Allemagne dans son allocation d'actifs au sein de la zone euro. En dehors de celle-ci, les pays nordiques à savoir le Danemark et la Scandinavie sont plébiscités par les gérants. "Le Danemark, la Suède, la Norvège et l'Allemagne disposent de valeurs industrielles de très bonne qualité et très présentes sur les marchés émergents, indique Marc Olivier. Le MSCI Nordique est en avance depuis le début de l'année d'environ 8 % par rapport aux MSCI Europe car les économies du Nord de l'Europe ont un biais très procyclique. A contrario, les pays d'Europe du Sud qui se focalisent davantage sur leurs marchés domestiques sont les grands perdants et ont été particulièrement affectés par la crise grecque." La France se situe entre les deux : elle dispose de quelques fleurons industriels mais est toutefois largement dépendante de sa consommation intérieure. En termes de secteurs, les gérants privilégient donc plutôt l'industrie, les valeurs technologiques et sont très réservés sur les télécommunications ou encore les services aux collectivités dont la croissance du chiffre d'affaires est liée à la consommation domestique. "Nous surpondérons les valeurs industrielles notamment en Allemagne, indique Marc Craquelin, et avons sélectionné avec succès des valeurs du luxe qui bénéficient de la croissance dans les pays émergents. A contrario, nous ne possédons pratiquement pas de financières en portefeuille, ni de valeurs liées aux services aux collectivités, aux télécommunications ou encore au pétrole". Sur les matières premières, les avis sont plus partagés. Certaines sociétés de gestion misent en effet sur ce secteur. "Nous sommes surpondérés sur les matières premières, indique Marc Olivier. Nous avons dans le cadre de nos fonds une très forte exposition à la Norvège qui est le troisième exportateur au monde de gaz et le sixième de pétrole, tout en bénéficiant d'entreprises aux meilleures normes en matière de gouvernance." Les gérants qui s'en sortent le mieux en termes de performance sont ainsi ceux qui possèdent des méthodes de gestion active et font des paris au sein de la zone euro ou entre les économies européennes et au sein des secteurs. "Nous sommes très sélectifs sur les actions de la zone", indique Marc Craquelin. Même si les performances des fonds indiciels restent en deçà de ceux de la gestion active, il peut être malgré tout intéressant pour certains investisseurs, dans un contexte de forte volatilité tel que le connaissent actuellement les marchés, d'utiliser des ETF pour s'exposer à un marché européen particulier - sur le Dax par exemple - ou sur un secteur déterminé. Mais là encore, le maître mot reste la sélectivité. Sandra Sebag