Point de vue / Quelle rationalité d'investir à 2,50 % sur 10 ans ?

14/06/2010 - 10:33 - Option Finance

(AOF / Funds) - La baisse des taux à 10 ans des emprunts d'Etat allemand vient d'atteindre un niveau record de 2,50 %, encore jamais vu depuis la mise en place de la zone euro. Face à ces rendements exceptionnellement bas, tout investisseur obligataire se pose légitimement cette question : un placement à 10 ans sur le Bund résulte-t-il encore d'un comportement rationnel ? En effet, sur le marché des emprunts d'État de la zone euro, l'appât du gain a fait place à une montée vertigineuse de l'aversion au risque. La fameuse convergence des taux des emprunts d'État de la zone euro bascule aujourd'hui dans une dangereuse divergence des rendements. Ils pourraient bien retrouver ceux qui prévalaient avant la constitution de l'euro. L'Allemagne est devenue l'unique refuge de tous les intervenants alarmés, opérant dans la monnaie européenne. Cependant, cette concentration de la demande sur un seul État n'explique qu'en partie le taux de 2,50 %. Des éléments plus fondamentaux justifient également ce niveau de rendement. L'Allemagne vertueuse impose, non seulement à ses concitoyens, mais aussi à ses partenaires de la zone euro, une discipline budgétaire sans précédent. Celle-ci s'échelonne sur plusieurs exercices fiscaux, afin d'en atténuer les effets récessifs sur l'économie réelle. Ainsi, la croissance potentielle européenne sera diminuée de moitié pour atteindre environ 1 %. Dans un tel contexte, les surcapacités vont continuer de peser durablement sur l'inflation, qui va s'inscrire dans une tendance résolument baissière. L'inflation totale, à présent de 1,5 % devrait constituer un plafond pour les prochaines années. C'est pourquoi, la banque centrale européenne n'aura d'autre choix que de maintenir ses taux directeurs les plus bas possibles, pour une durée particulièrement prolongée. Cet ancrage par les taux monétaires valide de fait une stabilisation des taux à long terme sur un niveau proche des 2,50 % actuellement observés. En définitive, l'évolution des taux d'intérêt à 10 ans des emprunts allemands affiche une parfaite corrélation avec l'amplification de la crise des titres souverains, engendrée par la perte irréversible de crédibilité que traverse la zone euro. De surcroît, l'absence de risques inflationnistes à moyen terme contraindra la BCE à rester l'arme au pied. Donc, dans cet environnement, se contenter d'une rémunération de 2,50 % sur 10 ans tout en étant (quasiment) certain de retrouver son capital, est peut-être plus rationnel qu'il y paraît. Thierry Million, directeur de la gestion obligataire et de la recherche quantitative, Allianz Global Investors France