La directive AIFM sur les hedge toujours soumise à controverses

21/06/2010 - 11:56 - Option Finance

(AOF / Funds) - Le projet de directive AIFM qui réglemente la gestion alternative au sens large, à savoir les hedge funds, le capital investissement et l'immobilier est entré dans une nouvelle phase avec la finalisation de deux nouveaux textes au moi de mai, celui de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen et celui du conseil des ministres des Finances (Ecofin). Si le premier se rapproche du texte initial proposé par la Commission européenne il y a un an - au mois de mai 2009 -, celui de l'Ecofin est radicalement différent en ce qui concerne la réglementation des hedge funds. Par conséquent, depuis la fin du mois de mai, des réunions ont été entamées afin de concilier ces différentes positions. "Le premier trilogue s'est tenu le 31 mai, indique Stéphane Janin, directeur des affaires internationales de l'Association française de la gestion financière (AFG), la présidence espagnole du Conseil qui s'arrête fin juin pour laisser le relais à la présidence belge souhaite mettre en place des réunions hebdomadaires afin de faire progresser le dossier. L'objectif est de permettre une adoption de cette directive au Parlement européen en réunion plénière dans la première quinzaine de juillet. Toutefois, si le vote du texte nécessitait une seconde lecture, celle-ci interviendrait sous présidence belge et donc, dans les faits, pas avant le mois de septembre." Cependant, pour beaucoup de spécialistes, ces délais ne seront pas tenables car les points de vue du Parlement européen et de la Commission européenne sont en effet assez difficiles à concilier avec celui de l'Ecofin. "La directive est souvent associée à tort aux seuls hedge funds, elle possède à ce titre une dimension très politique, avance Stéphane Janin. La Commission européenne avait souhaité répondre très vite aux inquiétudes des gouvernements face à la crise financière qui réclamaient un plus grand contrôle des acteurs financiers et, notamment, des hedge funds, souvent accusés à tort d'avoir accentué la crise." Le principal point de discorde entre les deux projets de réglementation porte sur le passeport européen. A ce titre, les professionnels de la gestion d'actifs penchent plutôt en faveur du texte élaboré par l'Ecofin, car il leur semble plus équilibré. "Le texte du Conseil qui a été adopté à l'unanimité nous semble être une base de travail raisonnable, indique Stéphane Janin. Il limite le passeport européen aux fonds domiciliés en Europe, mais, en complément, il maintient le statu quo en matière de régime de placements privés qui permet à des investisseurs de souscrire à des fonds de pays tiers." Les investisseurs avertis, qu'ils soient des particuliers - en général fortunés - ou des institutionnels, ont dans ce cadre la possibilité d'acheter des fonds domiciliés en dehors de l'Europe et notamment dans les places off shore où sont domiciliés la majorité des hedge funds. Toutefois, dans ce projet, les fonds gérés dans des pays tiers ne seraient pas soumis aux normes européennes. Cette liberté d'investissement s'accompagne donc d'une prise de risque qui peut être conséquente. A contrario, le texte adopté par le Parlement ne différencie pas les hedge funds domiciliés en Europe de ceux domiciliés dans les pays tiers. "Selon la proposition actuelle du Parlement européen, les fonds non européens, s'ils veulent être commercialisés en Europe, devraient être soumis aux mêmes règles que celles applicables aux fonds européens, explique Stéphane Janin. A défaut, les investisseurs européens ne pourraient pas y souscrire. Si on réduit le nombre de fonds accessibles, cela peut conduire, d'une part, à créer une barrière protectionniste en Europe et, d'autre part, à réduire la diversification des fonds et à augmenter en conséquence le risque pour les investisseurs." Les fonds européens et les fonds non-européens, quelle que soit leur domiciliation, seraient dans le cadre de ce projet de directive soumis aux mêmes contraintes. Parmi celles-ci figure notamment la nécessité pour les sociétés de gestion de divulguer des informations aux régulateurs concernant la composition des portefeuilles. "Les meilleurs gérants, ceux chez qui nous sommes investis, sont tout à fait prêts à communiquer la composition de leur portefeuille aux régulateurs", indique Christophe Chouard, directeur général de HDF. Cela suppose toutefois des moyens importants à développer du côté des régulateurs pour traiter et agréger ces informations. Par ailleurs, en ce qui concerne la multigestion, le texte du Parlement stipule que 70 % des fonds sous-jacents doivent être domiciliés dans l'Europe communautaire et un maximum de 30 % dans des pays tiers. Pour les gérants de fonds de fonds, cette règle est difficilement applicable actuellement sans une augmentation des risques. "80% de l'univers des investissements des fonds de fonds se situe en dehors de l'Europe", rappelle Fabrice Cuchet, responsable de la gestion alternative chez Dexia Asset Management. Enfin, ce texte pourrait limiter la capacité de l'industrie européenne à s'imposer sur son marché domestique et à l'extérieur. Le label UCITS est internationalement reconnu, il dispose d'une bonne image de marque auprès des investisseurs internationaux, car il répond à des normes de sécurité précises. Le fait de ne pas différencier les fonds européens des fonds non européens va à l'encontre de la création d'un véritable label pour la gestion alternative. "Le label UCITS est un vrai succès en dehors de l'Europe, relate Stéphane Janin, il faudrait créer un vrai label pour les fonds non-UCITS, ce que ne permet pas le texte du Parlement qui ne différencie pas les fonds gérés dans l'espace européen et les autres." Un regret partagé par l'ensemble des professionnels qui aimeraient pouvoir s'appuyer sur un tel label pour commercialiser leurs fonds auprès de la clientèle européenne mais aussi à l'extérieur des frontières de l'Europe. "La directive AIFM cherche à réguler les gérants de fonds, non les fonds, regrette Fabrice Cuchet. Il aurait mieux valu créer un vrai fonds de droit européen dédié aux placements alternatifs." En attendant que ces débats soient tranchés, le secteur se transforme par anticipation via la promotion de fonds alternatifs UCITS. "L'environnement juridique est pour l'instant incertain. On ne sait pas quelles seront les règles applicables et quels seront nos concurrents, indique Fabrice Cuchet. De ce fait, depuis dix-huit mois nous n'avons lancé que des fonds alternatifs UCITS, même si cette tendance s'explique avant tout par d'autres mobiles comme la liquidité ou encore la demande pour plus de régulation et de transparence." Certaines places financières européennes y voient par ailleurs une opportunité afin de promouvoir leurs services. "Nous ne sommes pas trop inquiets quant à une interdiction éventuelle de commercialisation en Europe des fonds domiciliés dans les places offshore, indique Christophe Chouard, car Dublin et le Luxembourg sont en train de mettre en place un marketing actif et devraient pouvoir convaincre les gérants londoniens dont les fonds sont basés aux îles Caïmans de rapatrier leurs fonds chez eux." Ces débats auront ainsi peut-être servi les objectifs des régulateurs et des législateurs européens, à savoir permettre le rapatriement des fonds gérés dans les paradis fiscaux en Europe. [8] Sandra Sebag