Ep. entreprise: les salariés toujours frileux face aux actifs risqués

05/10/2010 - 10:46 - Option Finance

(AOF / Funds) - L'épargne d'entreprise poursuit régulièrement sa progression malgré le contexte de marché peu favorable. Ainsi, en 2009, les plans d'épargne retraite collectifs (Perco) ont atteint un encours sous gestion de 3 milliards d'euros selon les chiffres publiés par l'Association française de la gestion financière (AFG). Ils affichent ainsi une croissance annuelle de 63 %, bien supérieure à celle du CAC 40 (22 %), le taux d'équipement des entreprises ayant progressé de 41 % en un an ! Les actifs globaux en épargne salariale gagnent aussi du terrain mais dans une moindre mesure : ils s'établissaient à 84,8 milliards d'euros fin 2009 contre 71,4 milliards en 2008 et 87,6 milliards en 2007. Le taux d'équipement des entreprises a ainsi continué à croître sur la période de 9 % sur un an. Si l'appétit des entreprises et des salariés pour ces dispositifs ne se dément pas, leur comportement s'est en revanche radicalement modifié sous l'effet de la crise. Les entreprises manifestent un intérêt plus marqué pour la gestion financière. "Jusqu'à récemment, le choix des entreprises s'effectuait davantage autour d'un partenaire teneur de comptes, relate Philippe Mogenot, responsable de la vente corporate chez HSBC Global Asset Management. Les offres des teneurs de comptes se sont maintenant nettement standardisées. Par conséquent, le vrai élément de différenciation porte sur la qualité de la gestion financière et sur la communication qui peut en être faite." La crise financière est bien passée par là. "Il y a toujours eu des écarts de performance entre les sociétés de gestion, précise Philippe Mogenot. Ceux-ci sont devenus plus significatifs avec la crise, poussant les entreprises à sélectionner les gérants en fonction de leur capacité à générer de la performance." Cette évolution est également liée au développement du Perco, le plan d'épargne entreprise dédié à la retraite. "La qualité de la gestion financière est d'autant plus importante que la durée d'investissement est significative (Perco), indique Philippe Mogenot. Ainsi, une offre de qualité permet de se constituer un complément d'épargne pour la retraite." Cette tendance est très nette au sein des grandes entreprises, mais pas seulement. "On constate ces évolutions, y compris pour des entreprises de taille intermédiaire, ce qui est tout à fait nouveau à cette échelle, poursuit Philippe Mogenot. Par conséquent, les interlocuteurs évoluent. Les directeurs des ressources humaines s'associent de plus en plus aux directeurs financiers pour sélectionner les fonds, ces derniers les conseillant." Les nouveaux produits proposés utilisent l'architecture ouverte et intègrent un nombre conséquent de fonds. "Au minimum, les salariés peuvent choisir entre un fonds investi en titres de l'entreprise, un fonds monétaire, un fonds obligataire, un fonds actions diversifiées et un fonds solidaire puisque c'est une obligation depuis le 1er janvier de cette année", précise Henri Alline, président du club de l'épargne salariale. A cela peuvent s'ajouter des fonds thématiques ou des fonds avec différents niveaux de risque comme les fonds actions internationales ou à l'autre bout de l'échelle les fonds garantis. Deux méthodes peuvent être mises en oeuvre dans ce cadre. Les fonds peuvent être attribués à des gérants différents en fonction de leur spécialité, ou bien la multigestion peut être insérée dans chaque fonds. "Nous proposons aux salariés d'investir dans les FCPE que nous gérons ou d'accéder à des gérants externes via nos solutions en multigestion, explique Philippe Mogenot. Cette dernière rencontre un certain succès auprès des entreprises et devrait se développer à l'avenir. Parmi les autres solutions d'avenir, nous croyons aux actions internationales, mais aussi pour les produits à long terme aux obligations indexées sur l'inflation." Les cabinets de consultants qui interviennent de plus en plus en matière d'épargne d'entreprise poussent à ce type de solutions. "La diversification au sein même d'un FCPE, en faisant appel à plusieurs gestionnaires spécialisés, dans le cadre d'une multigestion, constitue le schéma d'architecture ouverte le plus efficient en termes d'informations et de flux financiers, avance Aymeric Sallé de Chou, consultant chez Altedia Investment Consulting. Le gérant de tête peut ainsi utiliser les meilleures expertises et diversifier les classes d'actifs sous-jacentes. L'information est restituée à travers des reportings consolidés. Les grandes entreprises comprennent bien l'intérêt de ce type d'approche car elles ont conscience que la gestion financière nécessite de plus en plus de souplesse et de diversification et qu'il faut aller ainsi au-delà des classes d'actifs traditionnelles afin de capter des moteurs de performances tels que les pays émergents." Reste maintenant à convaincre les salariés car, depuis le début de la crise financière, on assiste à un net repli des épargnants, y compris dans le cadre de l'épargne salariale sur les actifs les moins risqués et notamment sur le monétaire. "La demande pour des produits garantis reste très importante, indique Isabelle Coquelle-Ricq, responsable marketing et appel d'offres épargne entreprise chez Amundi, et lorsque les salariés n'en ont pas à leur disposition dans leur PEE ou Perco, ils sont tentés de privilégier le monétaire." Une tendance qui se retrouve au sein des entreprises de toute taille. "Depuis sa création, notre fonds garanti connaît un succès important auprès de nos clients et prospects, poursuit Isabelle Coquelle-Ricq. Il s'agit véritablement d'un des produits phares de notre offre." Cette demande de protection touche également les Perco, pourtant investis sur le très long terme. "Nous avons lancé récemment un nouveau Perco qui offre une garantie en capital au terme de la phase d'épargne, indique Isabelle Coquelle-Ricq et restitue dans une seconde phase, celle de la retraite, le capital constitué sous la forme de 10 annuités garanties, avec en complément à l'échéance le versement d'un bonus de performance en fonction des performances du fonds." Pour compléter son dispositif, Amundi a lancé au printemps dernier un fonds flexible qui donne une grande latitude au gérant. Une solution également mise en avant par de nombreux gérants spécialisés. "Nous proposons des fonds flexibles car c'est une offre qui fait du sens compte tenu de l'évolution actuelle des marchés financiers, précise Philippe Mogenot. On constate actuellement que les salariés, malgré les choix mis à leur disposition, se tournent de façon privilégiée vers le monétaire. Toutefois, l'évolution des niveaux de taux d'intérêt cumulée à l'optique retraite des produits devraient les inciter à plus de diversification." Une catégorie d'épargnants toutefois se distingue, à savoir la clientèle des professionnels et des chefs d'entreprises. Ces derniers plus avertis utilisent cette épargne de façon patrimoniale, c'est-à-dire qu'ils vont à la fois privilégier les produits flexibles et vouloir des offres très diversifiées en termes de thèmes d'investissement ou de zones géographiques. Ils demeurent tout de même minoritaires dans le paysage de l'épargne salariale.

Vers une nouvelle réforme de l'épargne entreprise

S'il est un domaine dans lequel les réformes se succèdent à un rythme effréné, c'est bien celui de l'épargne entreprise. Depuis le début des années 2000, chaque gouvernement a eu à coeur de réformer cette épargne. En cette rentrée, le gouvernement de François Fillon n'échappe pas à la règle. La chasse aux niches fiscales devrait ainsi conduire à une hausse de la fiscalité sur la participation et l'intéressement. Il est ainsi prévu d'augmenter le taux de cotisation sociale à 6 % contre 4 % précédemment. Par ailleurs, le projet de réforme des retraites devrait intégrer des aménagements visant a contrario à favoriser l'épargne retraite. De nombreux amendements ont été déposés en vue d'étendre ces dispositifs. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a proposé par exemple un amendement visant à permettre la création d'un Perco par accord national interprofessionnel afin que tous les salariés y aient accès, des négociations de branche devant être engagées au plus tard le 31 décembre 2012. Un autre amendement prévoit l'alimentation automatique du Perco si le salarié ne se prononce pas en faveur du plan d'épargne entreprise (PEE) ou d'une disponibilité immédiate. De la même façon, "il a été proposé que les entreprises qui possèdent un dispositif catégoriel (article 83) doivent obligatoirement l'étendre à l'ensemble des salariés", précise Henri Alline, président des clubs de l'épargne salariale. Les possibilités de transferts entre le compte épargne temps (CET) et le Perco pourraient aussi être élargies, passant de 10 à 20 jours et à 5 pour les salariés qui ne disposent pas de CET dans leur entreprise. Des aménagements sont également prévus pour permettre aux employeurs d'abonder le Perp ou aux salariés de verser leur participation dans un Perp ou un article 83. [8]Sandra Sebag AUT/AUT