Mettre à profit les thémes du crédit et de la différenciation technique

06/10/2010 - 10:08 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Les difficultés économiques sont toujours présentes au niveau mondial et établir un choix stratégique global serait hasardeux. En revanche, certaines situations particulières sont identifiables et peuvent être mises à profit, notamment les thèmes de la différenciation économique et du crédit", juge Benjamin Melman, Directeur Gestion Performance absolue et allocation quantitative chez Edmond de Rothschild IM. "Le juge de paix, à cet égard, est l'immobilier. Aux Etats-Unis, la situation de l'immobilier est délicate. C'est le propre d'une situation de déflation : les particuliers qui ont envie d'acheter un bien attendent car ils pensent que la baisse des prix va se poursuivre. Entre ce contexte spécifique et les saisies nombreuses, le marché de l'immobilier aux Etats-Unis dispose aujourd'hui de trois ans de stocks, contre 10 mois en moyenne historique", ajoute le gestionnaire. "Il est difficile de prévoir si les transactions vont reprendre, mais une telle reprise serait le meilleur indicateur de la fin de la crise. D'une manière générale, si ce secteur se stabilise en Europe - et particulièrement en Espagne et Grande-Bretagne -, on pourra dire que la crise est arrivée à maturité. En revanche, si l'immobilier se dégrade à nouveau, nous saurons que nous n'avons vécu qu'un répit. Or, les pays occidentaux n'ont plus de marge budgétaire pour contrer une poursuite ou une aggravation de la crise." "Au printemps dernier, la Réserve fédérale indiquait qu'elle allait limiter son usage de la planche à billets... pour, quelques mois plus tard, revenir au quantitative easing (politique de détente du crédit par l'augmentation de la masse monétaire). De surcroît, les marchés émergents n'ont pas encore la capacité de nous sauver. C'est pourquoi les marchés réagissent de manière brutale à chaque publication de statistiques économiques : si la situation se dégrade, comme il n'y a plus de force de rappel, chacun craint le puits sans fond. Faire des choix d'investissements est de ce fait particulièrement délicat, et nous préférons privilégier les scénarios individuels, plus lisibles, à des positions globales." "En 2009, les stratégies value et rendement ont été efficaces. Depuis le début de cette année, la gestion macro a été une importante source de performance. Miser sur la différenciation économique a été payant. Certaines régions comme les Etats-Unis, l'Europe ou encore le Japon sont au bord de la déflation, mais d'autres, le Canada, la Suisse, l'Australie, la Norvège et l'Asie ne connaissent pas de crise immobilière et leurs systèmes financiers sont en bonne santé. Pour ces zones, la crise a été conjoncturelle et non structurelle", ajoute le gestionnaire. Il explique avoir ainsi joué, par exemple, le dollar australien contre le dollar américain, la couronne suédoise contre l'euro. "Ce dernier exemple illustre parfaitement ce que nous cherchons à obtenir : en début d'année, la couronne était très décotée et les taux à zéro. Le redémarrage brutal de l'immobilier a fait craindre une bulle et provoqué la remontée des taux d'intérêt. Par rapport à l'euro, la couronne s'est appréciée de plus de 10% depuis le début de l'année !" "Un autre bon exemple est le Canada. L'économie canadienne se distingue de plus en plus de celle des Etats-Unis. Le Canada est riche en matières premières, dispose d'un excellent système financier et ne connaît pas de bulle immobilière. Nous avons vendu les taux courts canadiens et acheté les taux courts américains. Certes, la différenciation économique est de jour en jour mieux évaluée par les marchés, mais ce thème a été simple et profitable à exploiter au cours des derniers mois." "Le thème de la différenciation économique est encore porteur. En Grande-Bretagne, la préoccupation majeure concerne une rechute du marché immobilier. Pour jouer ce thème, nous vendons la livre contre d'autres devises et nous achetons les obligations d'Etat anglaises. Toujours en matière de devises, nous apprécions beaucoup les monnaies asiatiques. Les marchés actions des pays émergents sont aujourd'hui relativement bien cotés, de même que leurs dettes, mais leurs devises sont encore bon marché. Après la crise financière de 1997 et 1998, ces pays avaient pris le parti de ne plus laisser leurs devises s'envoler. Aujourd'hui ils les maintiennent à un niveau raisonnable. Mais l'inflation réapparaît dans de nombreux pays, et va contraindre ces derniers à laisser leurs devises s'apprécier. La Chine, qui va mieux, va devoir faire un effort et réévaluer un peu le yuan." "Les autres devises asiatiques pourraient repartir à la hausse dans le sillage de la Chine. Tous ont besoin d'aider leurs citoyens afin d'augmenter la part de la consommation interne dans le Produit intérieur brut (PIB). La roupie indonésienne, par exemple, est aujourd'hui plus rémunératrice que les obligations à haut rendement. Ce pays devrait être noté Investment Grade dès l'année prochaine. Certains analystes estiment que l'Indonésie pourrait être le Brésil des prochaines années. Nous sommes également présents sur l'Inde et sur la Corée du Sud." "Nous privilégions actuellement la gestion en performance absolue, mais nous avons noté que l'environnement est de plus en plus favorable à des prises de position directionnelles. Au début de l'année 2010, les craintes majeures portaient sur la Chine. Au printemps, celles sur l'Europe ont pris le relais, mais le niveau de stress est aujourd'hui revenu à la normale. Pendant l'été, le risque de déflation aux Etats-Unis a suscité des interrogations. Démocrates et républicains trouveront peut-être un accord sur les baisses d'impôts. Les élections américaines seront probablement favorables aux actions, car les marchés aiment bien les divergences de majorité entre administration et gouvernement outre-Atlantique." "La décote sur les actions est compréhensible et justifiée si la déflation se confirme, mais si celle-ci n'intervient pas, et que l'immobilier résiste, les marchés actions vont rebondir. Il existe aujourd'hui une place pour un rebond, et un rallye de fin d'année est possible, mais l'immobilier est à nos yeux un vrai facteur de risque. Nous sommes en revanche clairement positifs sur le crédit corporate. Le taux de défaut est faible alors qu'il est difficile de trouver du rendement sur les emprunts d'Etats. En revanche les entreprises se sont très bien restructurées et constituent un gisement intéressant." AUT/ALO