Est-il toujours temps de miser sur l'or ?

18/10/2010 - 10:55 - Option Finance

(AOF / Funds) - Rien ne semble démentir la hausse vertigineuse de l'or. Le métal jaune a en effet maintenant dépassé allègrement les 1 300 dollars l'once alors que pendant longtemps la barre des 1 000 dollars semblait constituer une limite. Certains prédisent même la possibilité maintenant de franchir le cap des 2 000 dollars l'once voire plus selon l'évolution de la situation macro-économique. John Paulson, fondateur du fonds éponyme, a ainsi indiqué fin septembre que l'once pouvait atteindre à l'horizon 2012 les 2 400 dollars voire les 4 000 en cas d'emballement des cours. Cet optimisme n'est pas partagé par tous les gérants spécialisés sur l'or et les matières premières dont les avis divergent quant à l'évolution du cours du métal précieux. "A très court terme, le marché est suracheté, précise Jean-Philippe Roos, co-gérant du fonds Fructifonds International Or chez Natixis Asset Management. Une consolidation pourrait ainsi intervenir dans les prochains jours ou les prochaines semaines. En revanche, les perspectives 2011 restent positives. Le cours de l'once pourrait atteindre 1 500 dollars notamment si la guerre larvée des monnaies se poursuit." Cette possibilité de correction est attendue par beaucoup. "L'analyse technique indique que l'or est actuellement en territoire suracheté, renchérit Alain Corbani, gérant et directeur général de Commodities Asset Management. Une correction technique de faible amplitude à court terme est donc possible et saine. Cela ne devrait toutefois pas entraver l'augmentation des cours à moyen long terme. L'or suit une tendance à la hausse et cette croissance n'est pas linéaire". Une certitude qui laisse certains dubitatifs. "Des phénomènes convergents sont favorables à l'or, précise Thiébaut de Buyer, gérant du fonds Allianz Multi Valeur Or. Toutefois, ils ne sont pas définitifs. Il convient donc aujourd'hui d'être plus prudent. En ce qui nous concerne, nous avons déjà commencé à alléger nos positions sur l'or." Plusieurs facteurs associés expliquent l'envolée de l'or, le premier étant lié à l'incertitude macro-économique. Si une croissance molle semble s'installer dans toutes les économies développées, elle semble encore pour le moins fragile. Par conséquent, la perspective d'une nouvelle récession resurgit régulièrement. Depuis plusieurs jours, l'incertitude se focalise sur les niveaux des changes. "Les politiques monétaires expansionnistes pour relancer la croissance ont démontré leurs limites, précise Alain Carboni. La fragilité actuelle des Etats liée à des déséquilibres cumulés - déficits extérieurs, déficits budgétaires, endettement croissant - freine leurs capacités à mener des politiques fiscales de soutien. Reste uniquement à la disposition des Etats, la possibilité de mener des politiques de dévaluation compétitive pour stimuler la croissance. Cette tendance devrait s'exacerber dans les prochains mois." A tel point que beaucoup évoquent le spectre d'une guerre des changes. "De nombreux pays tentent actuellement d'agir sur leur devise : le Japon, la Chine, la Corée, etc.", poursuit Jean-Philippe Roos. Ces politiques de change agressives favorisent l'or qui est considéré dans cette perspective par les investisseurs avant tout comme une réserve de valeur, qui a en plus l'avantage d'être très liquide. "L'or est extrait des mines, précise Jean-Philippe Roos, la quantité en circulation ne peut donc être modifiée par les banques centrales à la différence des monnaies fiduciaires." Par ailleurs, on peut noter traditionnellement une relation inverse entre l'or et le dollar : quand le dollar baisse, l'or grimpe. Si cette relation se vérifie actuellement, ce n'est pas toujours le cas, a contrario, du lien unissant les niveaux des taux d'intérêt réels à celui des cours de l'or. "Il existe une corrélation historique entre les taux d'intérêt réels et le cours de l'or, indique Alain Corbani. Des taux d'intérêt réels proches de zéro, voire négatifs ont une incidence positive sur l'or." En effet, la détention d'or entraîne un coût d'opportunité car celui-ci n'est pas rémunéré en comparaison à une créance par exemple. Par conséquent, des taux d'intérêt réels très bas diminuent quand ils ne réduisent pas à néant ce coût d'opportunité. "Depuis la crise, les investisseurs n'hésitent plus à détenir des actifs très peu rémunérés, à l'exemple des produits monétaires, dans la mesure où ils leur permettent de préserver leur capital, précise Alain Corbani. L'or constitue dans ce cadre un actif de choix dans la mesure où son cours ne cesse de s'apprécier." Comparativement aux actions classiques, les entreprises aurifères ont également réduit leurs désavantages compétitifs car maintenant elles versent des dividendes conséquents. "Compte tenu des niveaux atteints par l'or, les marges nettes après impôts des sociétés aurifères productrices se sont fortement améliorées, précise Alain Corbani. Elles s'élèvent maintenant en moyenne à 20 %, ce qui permet à ces entreprises d'annoncer des distributions de dividendes. Cet élément nouveau, même s'il est encore marginal en termes de rendement, contribue à l'intérêt d'investir dans ce type d'entreprises." Enfin, autre élément qui agit en faveur d'une hausse des cours, la demande d'or est soutenue par les émergents. "Les particuliers dont les revenus augmentent dans les économies émergentes s'intéressent sans cesse davantage au métal fin, explique Jean-Philippe Roos. A cela s'ajoute la demande des banques centrales qui souhaitent diversifier leurs réserves. Les banques centrales de la Chine, de l'Inde, de l'Arabie saoudite ou encore de la Russie sont acheteuses d'or. Une situation inédite car depuis de nombreuses années, les banques centrales étaient plutôt vendeuses." Plus globalement, l'or s'inscrit dans une tendance de long terme à la hausse en association avec l'ensemble des matières premières. "Depuis dix ans, le cours de l'or s'est aligné sur celui des autres matières premières, indique Alain Corbani. Au troisième trimestre 2010, le cours du cuivre a gagné 23 % tandis que celui de l'or ne s'est apprécié que de 5 % en US dollars et que ses performances sont négatives en euros. Nous sommes encore bien loin des niveaux qui pourraient constituer une bulle spéculative." A noter, l'or entraîne dans son sillage d'autres matières premières précieuses, à commencer par l'argent. "L'argent est encore plus volatil que l'or, précise Jean-Philippe Roos. Les cours de l'argent suivent ceux de l'or en les accentuant à la hausse ou à la baisse." Par conséquent, nombreux sont les gérants qui diversifient leur portefeuille aurifère en investissant à la marge sur l'argent tout en restant prudents sur ce métal. "L'argent réagit de façon plus cyclique que l'or, précise Alain Corbani. Nous privilégions donc actuellement plutôt l'or en raison des incertitudes macro-économiques." Le platine est également utilisé, mais la diversification reste faible pour les gérants qui anticipent une poursuite de la hausse de l'or. En revanche, pour ceux dont les perspectives sont inverses, l'heure est à la diversification. "Nous commençons à réduire les mines d'or au profit de l'énergie, des ressources en eau et des forêts", indique Thiébaut de Buyer. Outre les anticipations par rapport à l'évolution de l'or, on peut noter aussi quelques divergences entre les gérants, en matière de répartition géographique. Si la plupart privilégient l'Amérique du Nord et notamment le Canada où se situent les majors du secteur, les avis sont partagés concernant les investissements en Afrique du Sud, un pays où l'on trouve pourtant de nombreux gisements. Natixis Asset Management est ainsi absent de ce pays compte tenu des incertitudes politiques qui y règnent ainsi que de la Russie. D'autres comme Commodities Asset Management considèrent que l'on ne peut faire l'impasse sur ce pays. Les anticipations se réconcilient par rapport à une éventuelle hausse des taux d'intérêt. Tous les gérants spécialisés considèrent en effet qu'une hausse des taux d'intérêt aurait un impact direct négatif sur les cours de l'or. Reste à déterminer si cet impact sera définitif ou pas. Mais là encore le contexte macro-économique donnera le ton du mouvement. Dans le classement d'Europerformance des fonds actions investis sur le thème de l'or et des matières premières, les 19 premiers du classement sont des fonds dédiés aux valeurs aurifères, ce qui ne les empêche pas à la marge de faire des paris sur d'autres métaux précieux, voire sur d'autres matières premières. Les premiers fonds investis plus largement sur le thème des matières premières arrivent à partir du vingtième rang. On trouvera notamment des ETF proposés par Lyxor Asset Management sur les matières premières hors énergies, qui peuvent inclure à ce titre les matières premières agricoles. Les ETF se distinguent des fonds investis sur les mines par une moindre volatilité car ils sont investis sur de l'or physique. "L'effet de levier des mines est de 1,5 ou 1,4 par rapport à l'or physique, précise Alain Corbani. Un investisseur qui privilégie la performance préférera donc les mines, tandis que les investisseurs plus prudents choisiront plutôt les ETF sur l'or physique, l'optimisation du couple rendement/risque consistant à associer les deux." La diversification a là encore vocation à réduire le risque. [8]Sandra Sebag AUT/AUT