Les couvertures contre les risques d'inflation bon marché (Dylan Grice)

26/10/2010 - 15:33 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Que se passe-t-il lorsque vous êtes face à un argumentaire d'investissement attrayant et un excédent de liquidité ? Vous obtenez une inflation rampante des actifs. Si les banques centrales ont un savoir-faire, c'est bien celui de faire éclater les bulles ; et les valorisations des marchés émergents pourraient encore sensiblement augmenter avant d'être sérieusement considérées comme trop tendues. Pour les sceptiques concernant les marchés émergents, un tel scénario représente un tail risk positif", juge Dylan Grice de Société Générale Cross Asset Research. "Actuellement, le prix des options suggère que la couverture d'un tel risque est relativement bon marché", ajoute l'analyste. "(...) pour un stratégiste Monde maladivement fasciné par les crises hyperinflationnistes, chaque banquier central est un Rudolf von Havenstein (...) le déplorable président de la Reichsbank durant l'hyperinflation des années 1920 en Allemagne (...) Face aux plaintes d'honnêtes citoyens qui - le temps d'avoir retiré leurs économies à la banque, rempli leur brouettes avec leur butin et s'être rendus tant bien que mal chez l'épicier du coin pour acheter des vivres pour une semaine - n'avaient même pas de quoi se payer une pomme de terre, von Havenstein avait réfléchi puis ajouté deux plus deux pour arriver à environ 16 millions, le taux d'hyperinflation alors en vigueur." "Remarquant que la monnaie confère du pouvoir d'achat et observant que celui-ci faisait cruellement défaut à travers le pays, le problème relevait à ses yeux d'un manque de monnaie et il en conclut que l'émission de nouveaux billets était la solution. Ainsi, le 17 août 1923, il tenait ce discours : Actuellement, la Reichsbank émet quotidiennement 20.000 milliards de nouveaux marks. La semaine prochaine, notre Banque centrale aura accru sa capacité quotidienne à 46.000 milliards. Le total des émissions atteint ce jour 63.000 milliards. Dans quelques jours, nous devrions par conséquent être en mesure d'émettre en une journée les deux tiers de la masse monétaire totale actuelle." "Aujourd'hui, nous nous moquons rétrospectivement de l'incroyable naïveté dont a fait preuve von Havenstein. Mais les banquiers centraux actuels en savent-ils vraiment davantage ? Certes, si les gens n'en sont pas réduits à pousser des brouettes d'argent, Bernanke et ses condisciples oublient peut-être à leur tour l'équivalent contemporain de cet épisode du passé : l'inflation des actifs de marché. Que se soient les marchés émergents, les métaux précieux ou les produits agricoles, tout cela a un goût de déjà vu ! Des bulles naissantes émergent actuellement. Et quelle conclusion havensteinienne nos banquiers centraux, dont le sens logique est altéré, en tirent-ils ? Que le monde a bien sûr besoin de plus de liquidité !" "Si l'on devait dresser une très courte liste des compétences de notre banquier central moyen, j'inscrirais en premier chef : alimenter des bulles et les ignorer jusqu'à leur éclatement. Le casse-tête occasionné par les bulles dépend bien du point de vue des gérants d'actifs : pour les sceptiques, la formation de la bulle constitue la période douloureuse, pour les plus fervents haussiers, c'est la phase baissière qui est difficile." "Les bulles commencent toujours par une histoire attrayante. Au milieu des années 1990, l'heure était à la technologie en général et à l'internet en particulier, deux tendances qui devaient changer nos modes de vie, notre manière de commercer et d'interagir les uns avec les autres. Et c'est bien la tournure qu'ont pris les événements, donnant ainsi raison à ces hypothèses, mais ne justifiant en rien les valorisations extravagantes des valeurs technologiques avant le crash de 2000." "Aujourd'hui, les marchés émergents focalisent l'attention : leurs démographies sont globalement favorables, leurs populations, qui partent d'un niveau relativement bas, travaillent dur et leurs gouvernements sont solvables. Mieux encore, leurs marchés boursiers ne semblent pas fortement valorisés. Les graphiques suivants montrent les ratios de PER réel ajusté des effets du cycle de Shiller pour les marchés des BRIC (i.e. ratio de PER réel, avec un ajustement cyclique de 7 ans)." "(...) des quatre marchés, l'Inde est le pays le plus cher, à 25. L'Inde affiche également une inflation à deux chiffres (ce qui augmente même l'estimation de PER réel ajusté des effets du cycle) et d'importants déficits (budgétaire et de la balance des paiements courants)... Je suis sûr qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter, quoique." "La Russie est le pays le moins cher, à 10, reflétant sans doute l'excédent mondial de gaz naturel. La Russie est-elle pour autant bon marché ? Personnellement, si je peux accepter les arguments pour le Brésil, l'Inde et la Chine, je n'ai jamais été convaincu par ceux pour la Russie." "Mais la Chine et le Brésil s'échangent à environ 16x, un niveau pas tellement plus élevé que le plus-bas atteint par le S&P500 en mars 2009. Par conséquent, à l'exception de l'Inde, il est difficile d'avancer que ces marchés sont clairement survalorisés. La comparaison entre une simple moyenne des valorisations des BRIC et le S&P500 montre qu'ils s'échangent avec une décote de quelques points de PER ajusté des effets du cycle. Si ces marchés venaient à flirter avec le niveau de valorisation des pays développés observé en 2008, à l'instar des marchés obligataires récemment, ils pourraient doubler par rapport aux niveaux d'aujourd'hui." "Les marchés émergents représentent, dans le contexte actuel, une opportunité incontestable pour les optimistes dont la question de savoir quand se désengager peut être remise à plus tard. Mais qu'en-est-il des sceptiques, de ceux qui craignent que la Chine provoque un choc déflationniste plus important que la catastrophe financière de 2008 ou de ceux qui s'inquiètent déjà de la tournure, cette fois-ci c'est différent, que prennent de plus en plus les discussions sur les marchés émergents ?" "Que peuvent faire ceux qui craignent la surchauffe de l'économie indienne ou qui pensent qu'il est trop risqué de prendre des positions offensives dans un monde où les plus grands gouvernements sont aussi les moins solvables ? Il y a quelques semaines j'ai analysé rapidement cinq couvertures contre la survenue potentielle d'événements extrêmes (tail risks) et j'en ai déduit que les couvertures contre les risques de déflation étaient généralement trop chères. Mais les couvertures contre les risques d'inflation sont en revanche relativement bon marché." "Qu'est-ce qu'une bulle naissante dans les pays émergents sinon un risque inflationniste à court terme ? Le graphique suivant montre que le skew deux ans - la différence entre la volatilité implicite des puts par rapport aux calls - est très élevé, reflétant la préférence marquée des investisseurs à se protéger d'une baisse des prix plutôt que d'une hausse. Les banquiers centraux ne savent pas grand-chose, mais ils savent toutefois comment faire éclater les bulles ; or le marché des options actions offre actuellement une valeur relative sur la base même de ce scénario." AUT/ALO