La crise budgétaire européenne souffle sa première bougie

15/11/2010 - 10:42 - Option Finance

(AOF / Funds) - En novembre 2009, suite à une succession de mauvaises nouvelles concernant la Grèce, commençait une longue crise budgétaire en zone euro. L'épisode grec a révélé de nombreuses faiblesses dans la construction européenne : il suffisait qu'un des plus petits pays de la zone euro (quand on considère son PIB par rapport au PIB européen) soit attaqué par les investisseurs pour que tout l'édifice européen soit menacé. La menace était telle qu'il a fallu inventer un plan de sauvetage spécifique pour la Grèce, et un autre mécanisme de sauvetage, pour les autres pays en difficulté, qui s'articule autour de l'EFSF. On a pu croire, pendant quelques semaines, que ces nouvelles dispositions allaient décourager ceux qui spéculaient contre l'euro et les dettes périphériques : ainsi, entre début juin et début novembre, l'euro-dollar s'est apprécié de 20 %. Au cours de l'été, les spreads entre les rendements des obligations souveraines européennes semblaient se stabiliser. Mais, assez vite, certains d'entre eux ont renoué avec une tendance haussière. Les deux principales victimes étaient, d'abord, l'Irlande et le Portugal. Le premier pays était sanctionné en raison de la situation de ses banques et sa gestion de la crise bancaire, le second à cause de son incapacité à réduire son déficit budgétaire. Mais il s'agissait là de problèmes spécifiques, rappelant au pire que la "normalisation" de la situation en zone euro n'allait pas se faire de manière linéaire. Puis Angela Merkel a présenté un projet de "mécanisme permanent de résolution des crises" dans lequel le contribuable ne serait plus le seul à supporter le poids d'un éventuel bailout, que l'investisseur, le "bondholder", serait lui aussi mis à contribution. Les marchés ont alors immédiatement intégré dans les spreads souverains et les spreads de CDS un risque accru de défaut des dettes périphériques. Les rendements des obligations des pays les plus fragiles ont atteint des sommets : 9 %, 11,5 %, et 7,25 % respectivement pour les obligations irlandaises, grecques et portugaises. Dans le cas irlandais, la situation a même été aggravée par plusieurs articles alarmistes publiés dans la presse locale en début de semaine, notamment celui de Morgan Kelly dans le Irish Times, intitulé : "If you thought the bank bailout was bad, wait until the mortgage defaults hit home." Le spread IGB-bund a atteint, au plus haut, 650 pb jeudi et le spread de CDS 5 ans plus de 600 pb. Bien sûr, les dettes privées des pays périphériques souffraient autant, voire plus (leur bêta, autrement dit leur sensibilité aux fluctuations des rendements souverains, dépasse souvent 1). Puis il y eut vendredi matin l'annonce faite par la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni en vertu de laquelle les détenteurs actuels de dettes périphériques ne seront pas obligés de constater une perte sur ces obligations en cas de bailout. Le communiqué suggère par ailleurs que la participation, de la part d'un investisseur, au coût d'un éventuel sauvetage procèderait d'un engagement volontaire, non d'une obligation. Cette annonce a provoqué un rebond très marqué de toutes les dettes périphériques, en particulier de celle de l'Irlande (le spread IGB-bund 10 ans s'est réduit de 75 pb). Pourtant, cette annonce ne donne guère de pistes pour comprendre comment on peut épargner à la fois l'investisseur et le contribuable, ou, alternativement, comment on peut répartir la charge d'une restructuration entre les deux. Angela Merkel disait qu'il y avait une contradiction entre les intérêts du monde financier et ceux du monde politique, ce qui est tout à fait juste. Ce qu'on ne comprend toujours pas, c'est comment les institutions européennes comptent répondre à cette contradiction. Cela dit, si les marchés se rappellent que l'Irlande n'a aucune obligation de se refinancer avant le milieu de l'année prochaine, et qu'il n'y aura, en 2011, qu'une seule obligation souveraine arrivant à maturité dans ce pays (en novembre), cette annonce pourrait calmer temporairement les esprits. Mais les gouvernants européens ne pourront pas faire l'économie d'une explication de texte. Objectivement, la situation est la suivante : à court terme, les dettes des pays périphériques arrivant à maturité avant 2013 sont protégées ; à moyen terme, l'Allemagne n'a aucun intérêt, en dépit de ses gesticulations, pour un défaut souverain ; à long terme, tout dépendra, soit de la capacité des pays fragiles à stabiliser rapidement leur ratio dette/PIB, soit du degré de mutualisation du risque souverain. Les temps forts de la semaine prochaine seront la publication de l'indice ZEW de novembre en Allemagne, les chiffres de production industrielle et l'inflation d'octobre aux Etats-Unis. Le marché sera aussi attentif aux chiffres du chômage de septembre au Royaume-Uni. René Defossez, stratégiste, Natixis AUT/CHR