Point de vue / L'Irlande rejoue la tragédie grecque

22/11/2010 - 11:02 - Option Finance

(AOF / Funds) - Après la Grèce, c'est au tour de l'Irlande de faire l'actualité des marchés ces jours-ci. Avec un déficit de 32 %, Dublin fait passer les 15 % de déficit de la Grèce pour un chiffre tout à fait honorable. Toutefois, les situations divergent sensiblement. Là où la Grèce avait un problème de finances publiques, d'évasion fiscale et de fiabilité statistique, l'Irlande apparaît relativement protégée de ce côté-là. Le pays, en effet, a terminé son programme de financement 2010 depuis sa dernière émission, le 21 septembre. Le pays est financé jusqu'à l'été prochain et ne fera face qu'à un seul remboursement sur sa dette en 2011, au mois de novembre. Le véritable problème de l'Irlande est celui de ses banques, victimes des excès immobiliers passés. Les dépôts fuient leurs guichets, le marché interbancaire leur est fermé et elles dépendent quasi exclusivement de la Banque centrale européenne (BCE) pour se refinancer. En octobre, elles ont ainsi emprunté près de 130 milliards d'euros (soit deux tiers du PIB irlandais !) à la BCE, ce qui correspond à 25 % des sommes distribuées à l'ensemble des banques européennes. L'annonce vendredi dernier que les dettes européennes émises avant 2013 étaient garanties et les discussions entreprises par Dublin cette semaine avec la troïka (FMI, BCE et Commission européenne) ont rassuré les marchés. Ainsi, les papiers irlandais ont profité de ces négociations pour s'apprécier de nouveau, les rendements baissant ainsi de 30 pb à 110 pb selon les maturités depuis ces cinq derniers jours. La semaine précédente, l'écart de rendement entre les papiers irlandais et allemand de maturité dix ans avait dépassé les 600 pb, soit un record depuis la création de la zone euro. Dans le sillage de l'Irlande, les rendements portugais et grecs ont eux aussi chuté cette semaine mais dans des proportions inférieures. Le Portugal a été pénalisé par une communication jugée trop alarmiste du gouvernement de Socrates (possible sortie de la zone euro, "risque élevé" d'appel à une aide financière extérieure pour résoudre ses difficultés budgétaires). Les papiers portugais ont ainsi moins profité du soulagement du marché et la baisse des taux n'excède pas les 45 pb cette semaine. A l'instar de l'Allemagne, la France et les Pays-Bas ont connu une importante dépréciation de leurs papiers cette semaine suite à l'arrêt du "flight to quality", notamment sur la partie longue de la courbe avec une hausse de ces rendements de plus de 20 pb sur la zone trente ans. Au final, les écarts dix ans des papiers grecs et portugais face au papier allemand se sont resserrés, respectivement de 26 pb et de 56 pb. L'euro, qui avait connu un point bas cette semaine en atteignant 1,3485 face au dollar, a profité également des annonces rassurantes provenant de l'Irlande pour reprendre de la vigueur en dépassant la valeur des 1,36. Le CAC 40 s'est lui stabilisé cette semaine autour de 3 860 points. L'indice parisien reste néanmoins en baisse de 2,7 % depuis le début de l'année. Aux Etats-Unis, le S&P et le Dow sont restés stables sur la semaine. L'événement de la semaine a été le retour en Bourse en fanfare ce jeudi de General Motors qui a constitué la plus grosse introduction en Bourse des Etats-Unis : plus de 20 milliards de dollars ont été levés. Outre-Atlantique, le débat reste centré sur l'efficacité du Quantitative Easing 2 (second plan de mesures non conventionnelles décidé par la Fed) sur l'économie américaine. L'augmentation des prix à la consommation de 0,2 % en octobre semble valider la stratégie prise par la Fed qui est de vouloir faire augmenter l'inflation et ainsi éviter le scénario déflationniste à la japonaise des années 1990. Les chiffres qui semblaient dessiner un léger mieux continuent néanmoins d'être très contrastés. Ainsi, l'indice d'activité de la Réserve fédérale de Philadelphie est ressorti en nette hausse en novembre et a dépassé les attentes. Il s'inscrit ainsi à 22,5 contre 1 en octobre. A l'inverse, les mises en chantier de logements pour octobre ont diminué de 11,7 %, à 519 000 en rythme annualisé. Il s'agit du niveau le plus bas depuis avril 2009 et nourrit les craintes d'une crise immobilière qui ne serait pas venue à terme. La semaine prochaine, les statistiques à surveiller seront les indicateurs avancés en Europe avec les PMI alors que, aux Etats-Unis, les marchés regarderont les ventes de logements neufs et les ventes au détail dans une semaine raccourcie par le Thanksgiving jeudi. Surtout, les opérateurs continueront de regarder les dettes périphériques de la zone euro avec l'éventuelle confirmation d'un plan au soutien des banques irlandaises ou encore le vote final du budget portugais vendredi prochain dans l'espoir que, pour une fois, la tragédie à la grecque se termine bien. Par Jean-François Robin, stratégiste, Natixis AUT/CHR