BIONERSIS : interview / Nicolas Heuzé (directeur général)

26/11/2010 - 16:41 - Option Finance

(AOF) - [-73]· l'occasion du sommet de Cancun sur le Climat qui se déroulera du 29 novembre au 10 décembre, Nicolas Heuzé, Directeur Général de Bionersis, spécialiste français de la valorisation de biogaz de décharges, a accepté de revenir pour AOF sur les problématiques liées au changement climatique et sur les perspectives du groupe.

Dans quelle mesure Bioneris est-il impliqué dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

C'est notre vocation. Le groupe est d'ailleurs né en 2005 alors que la question environnementale devenait incontournable avec l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto.

Pouvez-vous nous rappeler les principaux points de cet accord historique ?

Le principal objectif fixé à Kyoto est connu : limiter le réchauffement de la planète à deux degrés. Signé en 1997 par plus de 180 pays dans le cadre de négociations au sein de l'ONU, ce premier traité international de lutte contre les changements climatiques prévoit une réduction des quantités de gaz à effet de serre émises par les pays industrialisés d'au moins 5,2% d'ici à 2012, par rapport aux niveaux de 1990. Les pays en développement ne sont en revanche tenus à aucune réduction, mais incités à favoriser une croissance propre. Dans cette perspective, sont apparus sous l'égide de l'ONU des nouveaux mécanismes de Développement Propres (MDP) destinés à favoriser les investissements et les transferts de technologies vertes vers les pays en voie de développement. [-73]· l'avant-garde de la lutte contre le changement climatique, l'Europe s'est déjà engagée à diminuer de 20% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 et a lancé le premier système européen d'échange de quotas d'émissions de carbone (ETS).

Comment fonctionne ce marché du crédit carbone ?

L' ETS est à ce jour le plus grand marché de crédit carbone au monde. Il détermine les quotas d'émissions de gaz à effet de serre autorisées pour chaque pays et ses sites industriels les plus polluants et organise la vente des crédits carbone (CER et EUA) au sein de l'Union Européenne. Les EUA (European Union Allowances) sont les crédits carbone accordés aux entreprises les autorisant à émettre un certain quota de gaz à effet de serre. 1 EUA équivaut à 1 tonne de CO2 émise. Les entreprises doivent compenser leurs éventuels excès en achetant des crédits carbones supplémentaires : soit des CER, soit des EUA d'entreprises restées en dessous de leur seuil autorisé d'émission de gaz à effet de serre. De son côté, un CER (certified emission reduction) est un crédit carbone qui équivaut également à la destruction d'une tonne de CO2. Les CER, certifiés par l'ONU, sont attribués aux entreprises qui participent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en développant des projets MDP. Échangeables sur les marchés du carbone, ils permettent aux entreprises soumises à quotas des pays signataires du protocole de Kyoto de compenser leurs excès d'émissions de gaz à effet de serre.

Quelle place joue Bionersis sur ce marché ?

En Amérique Latine, en Afrique et en Asie, la plupart des décharges en fin de vie étaient laissées à l'abandon. Aucune réglementation ou incitation financière n'avait jusque-là encouragé la capture et la transformation en énergie propre des importantes émissions de méthane communes à tous ces sites. ;Avec Kyoto et la création des MDP, le traitement du biogaz des décharges dans les pays en développement pouvait désormais être rentable. Sur chacun de nos sites, nous détruisons et valorisons un lourd passif environnemental responsable de fortes émissions de gaz à effet de serre. Bionersis est ainsi devenu en quelques années le spécialiste mondial du captage de méthane issu des décharges et de sa transformation en énergie propre et en crédits carbone. Nous sommes désormais actifs dans une douzaine de pays avec dix-huit sites opérationnels ou en cours de construction et des dizaines d'autres en prospection.

L'ONU évoque une " accélération " du changement climatique, vos perspectives s'annoncent donc d'autant plus favorables ?

Effectivement, le marché du CER est prometteur. Dans les pays occidentaux, l'énergie nucléaire n'est guère plébiscitée (exception faite de la France) tandis que le développement des énergies durables ne saurait suffire à répondre aux besoins, même à moyen terme. Aucune région du monde ne peut se passer de l'énergie thermique, fortement émettrice des gaz à effets de serre.

Pour autant, le marché du CER a été durement frappé par la crise.

Effectivement le CER a touché fin 2009, un plus bas en dessous de 8 euros. Il évolue actuellement autour des 13 euros, loin de son plus haut de 25 euros atteint fin 2008. Mais la tendance des CER est clairement haussière dans les années à venir en raison de la reprise économique et du durcissement de la législation. En effet, la demande des industriels soumis à la contrainte carbone devrait mécaniquement augmenter compte tenu de la suppression progressive de l'attribution gratuite de droits à polluer en Europe et du durcissement des conditions d'attribution des CER pour certaines filières qui réduiront sensiblement l'offre de CER de celles-ci.

Qu'attendez-vous du sommet de Cancun après l'échec de celui de Copenhague ?

Le pragmatisme sera de mise. Il est illusoire de s'attendre à la signature d'un accord global international et contraignant. Aux Etats-Unis, Barack Obama, pénalisé par sa récente défaite électorale, ne devrait pas être en mesure de froisser les lobbys industriels si puissants à Washington. En Chine, les autorités restent réticentes à accepter des obligations susceptibles de brider son développement. En revanche, Cancun peut être considéré comme une étape vers un accord global. Des progrès seront inéluctablement accomplis de parts et d'autres. Ainsi, on semble par exemple s'acheminer vers la création de marchés régionaux de CER interconnectés entre eux. [-73]· termes, la Chine et les Etats-Unis, les deux principaux pollueurs de la planète, devraient accepter eux aussi le principe d'un marché du crédit carbone.

Dans cette perspective, Bionersis est-il susceptible de tirer son épingle du jeu ?

Bionersis est idéalement positionné pour bénéficier des évolutions à venir : nous sommes un fournisseur de CER fiable en raison de la qualité de notre procédé de fabrication de CER et en raison notre expertise pour l'enregistrement et la vérification des projets MDP. Preuve de notre efficacité, notre nouveau projet MDP à Hanoï a été enregistré en un temps record, soit moins de 10 mois après l'acquisition du consortium propriétaire du biogaz de la décharge. Ce projet développé en partenariat avec E.ON constitue le plus important projet MDP en Asie du Sud-Est.

Que pensez-vous par la volonté de Bruxelles de remettre en cause certains projets de compensation carbone ?

La Commission européenne cible le trifluorométhane (ou HFC 23), un gaz à effet de serre particulièrement nocif issu de la fabrication du gaz réfrigérant HFC 22 ainsi que de l'oxyde nitreux (N2O). Selon la Commission, ouvrir un droit au crédit sur la réduction de HFC 23 peut déboucher sur une incitation à produire davantage de HFC 22 que cela n'aura été le cas sans le MDP. L'Union européenne a souhaité clarifier sa position avant le sommet de Cancun. Cela permet de lever une première incertitude concernant la question des CER éligibles à l'ETS. Il faut savoir que les installations de réduction de gaz HFC et N2O ont représenté 70% des crédits émis jusqu'à maintenant, avec un coût de production très faible. Selon nous, la fin de ce mécanisme pervers devrait réorienter les investissements vers des projets plus vertueux comme ceux développés par notre société. Sur le marché, le prix de ces CER "vertueux" devrait bénéficier de cette mesure qui pourrait intervenir à compter du 1er janvier 2013.

Propos recueillis par Pierre-Jean Lepagnot.

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