Taux : l'"hystérité" occidentale va peser sur le rendement obligataire

29/11/2010 - 15:50 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Le Royaume-Uni a adopté un ambitieux plan de rigueur, les Etats-Unis pourraient prendre le chemin de la reflation, et la zone euro flirte avec le défaut de paiement. Les perspectives à long terme pour chacune de ces économies sont si mauvaises que des mesures draconiennes sont nécessaires. Austérité, inflation ou défaut (AID) : quelle est la voie à suivre ? Sur le long terme, les perspectives sont sinistres pour plusieurs années en Europe et aux Etats-Unis, compte tenu du règlement des excès de la période précédant la crise des subprimes", affirme SG Cross Asset Research. "Avec en toile de fond des difficultés structurelles de plus en plus importantes - dégradation de la situation démographique, accélération de la mondialisation et de la concurrence, et déficits publics démesurés en Occident. En effet, les crises bancaires d'il y a trois années n'étaient que le symptôme d'un mal plus profond." "A chacun de nos voyages vers l'Est (nous revenons tout juste d'Asie et du Moyen Orient), nous sommes frappés par le caractère régional des actuelles crises de la dette souveraine. Les déséquilibres mondiaux jouent en faveur de l'Asie, avec un rattrapage de croissance en évidence, à mesure que le continent s'approche de la frontière technologique. A l'inverse, les Etats-Unis et l'Europe restent plombés par de vaines tentatives, de plus en plus désespérées, pour maintenir leur train de vie. L'opinion publique, sous l'influence des hommes politiques, a des attentes irréalistes. On lui fait croire qu'elle connaît une période d'austérité. Nous ne sommes absolument pas d'accord. L'année prochaine, l'Irlande - sans compter le soutien aux banques - affichera encore un déficit bien supérieur à 10% de son PNB. Et l'on ose appeler cela de l'austérité." "Si l'on en croit le dictionnaire, le contraire d'austérité est abondance ou opulence. L'Occident est la région la plus riche au monde et n'a jamais connu pareille opulence, mais peu de gens voient les choses sous cet angle. Nous préférons le terme d'hystérité pour décrire le fait que les habitants des pays les plus riches du monde doivent actuellement se serrer un peu la ceinture, mais sont globalement incapables de le faire de façon convaincante." "Tant que cela sera le cas, tant que l'Occident vivra bien au-dessus de ses moyens, avec un gouffre entre les attentes et la réalité, et un désengagement des Etats dans l'économie, la croissance restera freinée en Europe et aux Etats-Unis. Un état d'hystérité - en l'absence d'inflation - favorise donc la faiblesse des rendements obligataires. Le secteur privé doit endurer les inconvénients des deux mondes - désengagement de l'Etat, et crainte que les mesures d'austérité durent trop longtemps, entraînant un ralentissement de la croissance. Un état d'hystérité favorise incite également les investisseurs obligataires à la prudence, puisque les Etats imprudents n'arrivent pas à comprendre la nécessité d'une bonne dose d'AID." "Il y aura d'autres mini-crises, comme celles de ces trois dernières années. Mais elles vont devenir de plus en plus fortes, à moins d'une forte impulsion vers l'AID, qu'il s'agisse de véritable rigueur dans les finances publiques, ou d'une forme d'inflation ou de défaut de paiement. L'inflation, comme le défaut, implique un transfert de richesse des épargnants vers les caisses de l'Etat. Nous préférons la solution de l'inflation." "M. Blanchard du FMI a aussi suggéré un assouplissement des objectifs officiels d'inflation. Les Etats-Unis prennent un risque modéré dans cette direction, avec leur deuxième phase d'assouplissement quantitatif. Tellement modéré toutefois qu'il a à peine modifié les attentes d'inflation ces trois dernières années - jusqu'à présent." "Un état d'hystérité - en l'absence d'inflation - conduit inévitablement à une certaine forme de défaut de paiement. Face à sa crise, l'Europe, comme le Japon avant elle, s'est voilé la face. Aucune banque en Europe (à une seule exception près) n'a été autorisée à faire faillite. Un défaut a donc été exclu, ou a en tout cas été perçu comme impossible. Mais il n'a en réalité jamais été aussi proche." "Avec l'hystérité, et sans inflation, la re-privatisation du risque nous semble avoir un sens (comme le suggèrent les autorités allemandes). C'est là une façon sophistiquée d'emprunter la voie du défaut, sans employer ce terme tant redouté. Si elle peut stabiliser les souverains à long terme, nous craignons la re-privatisation du risque en Europe pourrait se révéler traumatisante dans les mois qui viennent. Ce traumatisme pourrait être adouci par l'augmentation des fonds de sauvetage." "Mais il serait tout à fait erroné de penser qu'une telle générosité va rétablir la situation. Un défaut sur la dette bancaire senior permet de re-privatiser le passif. Mais il n'y a qu'en Irlande que cela peut encore avoir un impact fort (et même là-bas, cela n'aidera pas à combler le fossé existant entre dépenses sociales et collecte de l'impôt, en dehors de la question des banques). Partout ailleurs, le problème ne se situe pas dans les banques ; il se situe dans les dépenses publiques démesurées, même si les autorités voudraient nous faire croire autre chose." "Les responsables nous demandent parfois comment les actuelles tensions au niveau de la dette souveraine peuvent être atténuées. Notre réponse : une bonne dose d'AID. Mais ce n'est pas ainsi qu'ils souhaitent procéder. Ils restent convaincus - aujourd'hui encore - de l'existence d'un remède express. L'amélioration de la communication est l'une de leurs solutions favorites. Tout comme les sauvetages par l'Etat (encore aujourd'hui l'Irlande). Ces remèdes peuvent cacher la misère pendant quelque temps, mais ils ne font rien pour inverser la spirale de la hausse de la dette publique et de l'affaiblissement de la croissance et de la stabilité financière. Tant que cela ne changera pas, des crises de plus en plus dures sont à prévoir." "Nous nous dirigeons donc inexorablement vers un défaut de paiement. Notre solution politique préférée, compte tenu de l'hystérité et de l'absence d'inflation, a été l'amour vache, avec le défaut pour ultime châtiment. Les autorités américaines ont fait preuve de courage en laissant Lehman, et bien d'autres banques, aller dans le mur. La notation AAA du gouvernement fédéral ne s'en est jamais trouvée menacée. Et le fait de permettre un défaut dans le secteur privé n'aurait pas non plus mis en difficulté l'Irlande ou d'autres Etats européens (même si les responsables n'ont eu de cesse d'affirmer le contraire)." "En effet, une véritable volonté de protéger la dette publique des pertes privées aurait même pu aider les notations des souverains. Hélas, les suggestions faites en ce sens aux responsables n'ont trouvé aucun écho. Pour résumer, l'Occident doit financer un train de vie bien au-dessus des moyens de son économie. Sur le banc des accusés, les dépenses publiques excessives sont en première ligne. Les déficits publics américain et irlandais restent proches de 10% du PIB. La Grèce, l'Irlande et le Portugal ont déjà atteint le redouté point d'inflexion pour les porteurs d'obligations - et peut-être bientôt l'Espagne, à moins d'une forte dose d'AID. Les Etats-Unis atteindront ce point d'inflexion également, à moins que l'AID porte rapidement ses fruits - disons dans les deux ou trois prochaines années." AUT/ALO