Argentine : craintes sur la viabilité des politiques publiques actuelles

30/11/2010 - 16:06 - Option Finance

(AOF / Funds) - "L'Argentine a brillé cette année dans la classe d'actifs de la dette émergente, surperformant largement le Venezuela dans le groupe de pairs latino-américain à bêta élevé. Son parcours n'est pas totalement surprenant puisqu'en début d'année, les valorisations impliquaient une probabilité de défaillance nettement supérieure à ce que la situation budgétaire relativement saine laissait espérer, et compte tenu des efforts publics destinés à permettre à l'Argentine de revenir sur les marchés internationaux des capitaux", relève Amundi. "Le rebond déclenché par le décès soudain de l'ancien Président Nestor Kirchner le mois dernier souligne le fait qu'en dépit de la forte appétence pour les actifs argentins depuis le début de l'année, de sérieux doutes persistaient concernant la viabilité des politiques publiques actuelles." "En effet, la réélection (crainte par les marchés) de Nestor Kirchner aux fonctions de président d'Argentine aurait sérieusement compromis les chances d'adoption d'une politique moins interventionniste sur les cours boursiers et d'une plus grande transparence dans les politiques et statistiques officielles. Avec la disparition de Nestor Kirchner, les élections présidentielles d'octobre 2011 pourraient marquer la fin de la présidence de son épouse Cristina et de l'ère du couple Kirchner." "La cote de popularité de Cristina Kirchner a progressé après le décès de son époux. Un sondage révèle que l'image positive de la présidente est passée de 36% en octobre à 56% en novembre, ce qui pourrait l'inciter à briguer un second mandat. Lorsque son époux était encore de ce monde, la plupart des analyses pensaient qu'il se représenterait, d'autant plus qu'il avait conservé son influence dans le gouvernement actuel alors qu'il n'en faisait pas officiellement partie. La décision de Cristina Kirchner de se représenter pourrait toutefois se heurter à quelques obstacles au sein de son propre parti." "Ancien vice-président de l'Argentine lors de la présidence de Nestor Kirchner et actuel gouverneur en vogue de la Province de Buenos Aires, Daniel Scioli est considéré comme un candidat prometteur du parti péroniste. Les primaires pourraient faciliter le choix des candidats du parti, mais comme elles ont récemment été réformées et que leur cadre juridique n'est pas encore finalisé, elles risquent de ne pas être organisées du tout. Quelle que soit la méthode employée pour le sélectionner, le candidat du parti péroniste devra être suffisamment compétitif pour faire face à une opposition ragaillardie après des années de popularité décroissante du couple Kirchner." "Actuel vice-président et membre éminent du parti d'opposition centre-gauche Uni[-94]¢n C[-95]¡vica Radical (UCR), Julio Cobos sera l'un des adversaires possibles lors des élections d'octobre 2011. Les responsables politiques et analystes argentins voient toutefois d'un mauvais oeil l'arrivée de l'UCR au pouvoir, et citent à ce sujet la fin désastreuse de la présidence de Fernando de la R[-93]£a en 2001 et la récession profonde dans laquelle le pays a plongé après sa défaillance vis-à-vis de près de 80 milliards de dollars de dette extérieure." "Ces critiques visent moins à énumérer les erreurs politiques de cette époque qu'à mettre en évidence l'absence de représentation au Congrès et l'incapacité d'un candidat non péroniste à gouverner. Ce constat laisse supposer que l'élite politique de Buenos Aires n'est peut-être pas prête à accomplir les changements que les investisseurs du monde entier attendent." "Il y a deux semaines, la présidente Cristina Kirchner a abasourdi les investisseurs en annonçant des négociations officielles en cours avec le Club de Paris afin de trouver un accord de rééchelonnement de sa dette en défaut et intérêts en retard (près de 8 milliards de dollars). La raison d'une telle surprise est que l'Argentine refuse toujours l'intervention du FMI alors que son aval est l'un des piliers des négociations du Club de Paris, pour garantir des conditions transparentes et équitables entre les différents débiteurs." "Le problème, c'est que cela nécessiterait également le rétablissement des relations officielles entre l'Argentine et le FMI par le biais d'une consultation officielle au titre de l'article IV des statuts de ce dernier. Celle-ci implique entre autres l'examen minutieux par le FMI des comptes publics et des statistiques officielles, ce qui est problématique pour un gouvernement qui produit des statistiques qui ne reflètent pas l'état réel de l'économie mis en évidence par la plupart des analystes. Le 23 novembre, le FMI a confirmé avoir reçu une demande d'assistance technique pour redéfinir le calcul de l'inflation argentine, l'agrégat le plus controversé de toutes les statistiques publiques du pays." "Reste toutefois à savoir si ce projet est une première étape vers une consultation au titre de l'article IV. Pour l'heure, le Club de Paris a accepté de reprendre les pourparlers avec l'Argentine, sans préciser jusqu'où ce dialogue peut aller sans la présence du FMI. L'Argentine pourrait parvenir à éviter l'intervention du FMI si elle propose des paiements rapides et substantiels de ses arriérés au Club, avec une réduction minime, voire nulle de sa dette. C'est une option coûteuse sur le plan budgétaire, surtout qu'en plus des versements au profit du Club de Paris, l'Argentine verra la charge du service de sa dette atteindre quasiment 20 milliards de dollars en 2011, pour un excédent primaire qui atteindra au mieux 4 milliards de dollars." "Pour l'instant, le gouvernement argentin s'en tient à sa position officielle : il n'y a pas de projet d'émission d'obligations sur les marchés internationaux en 2011. Le fait qu'il ait la possibilité d'agir autrement est un autre sujet de controverse. Malgré environ 60% de refus de participer à l'échange de dette en 2010, l'Argentine s'est tout de même retrouvée avec 6 milliards de dollars de dette non adjudiquée aux mains de fonds rapaces exigeant le remboursement intégral par voie de poursuites judiciaires." "Si l'Argentine émettait des obligations internationales, il est possible que ces fonds rapaces tentent de s'approprier les fonds levés pour régler leurs créances de longue date. Autrement, le gouvernement argentin pourrait recourir à des solutions de règlements internationaux créatives empêchant que les fonds levés tombent dans des juridictions autorisant de telles saisies. Reste toutefois à déterminer si cette option est faisable." AUT/ALO