Obligataire euro : sans accord politique, la volatilité persistera

01/12/2010 - 17:53 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Les investisseurs doivent tenir compte des craintes persistantes relatives à la santé des finances publiques dans les pays périphériques de la zone euro. Ces dernières ont, en effet, refait surface au cours de ces dernières semaines. Les primes de risque de certains pays périphériques ont ainsi dépassé les niveaux records de mai 2010. L'Irlande a été contrainte de demander l'aide de l'Union européenne. Les turbulences devraient se poursuivre sur les marchés aussi longtemps qu'un accord n'est pas atteint sur un mécanisme de crise permanent", note ING IM. "Le débat politique sur la façon de promouvoir une union monétaire plus solide à long terme est largement responsable du sentiment négatif du marché. L'Allemagne souhaite une modification du Traité de Lisbonne afin d'y inclure un mécanisme permanent remplaçant l'actuel Fonds européen de stabilité financière (FESF) qui prendra fin en 2013. Dans le cadre de ce mécanisme permanent (mécanisme de restructuration de la dette souveraine, MRDS), les détenteurs d'obligations ne seraient plus épargnés en cas de restructuration de la dette." "L'idée est que la fonction disciplinaire du marché obligataire serait renforcée si les investisseurs étaient obligés d'assumer eux-mêmes une partie du risque. Le plan de l'Allemagne a toutefois donné au marché l'impression que le risque d'une restructuration de la dette augmentera significativement après 2013. Ce risque a, par conséquent, été escompté par le marché, ce qui a propulsé les primes de risque à la hausse, en particulier en Irlande et au Portugal." "L'Irlande est en difficulté en raison de son secteur bancaire relativement important, qui a été fortement touché par la crise du crédit. Les banques irlandaises sont tributaires du financement de la BCE depuis quelque temps. Or, la BCE a annoncé son intention de refermer le robinet monétaire l'année prochaine. En outre, les banques irlandaises ont été confrontées à un nombre croissant de retraits au cours de ces derniers mois. Le gouvernement irlandais a garanti en 2008 qu'il couvrirait toutes les pertes des banques irlandaises. L'ardoise dépasse désormais les 50 milliards d'euros et le déficit budgétaire irlandais a, par conséquent, fortement augmenté (32% du PIB cette année). Le PIB de l'Irlande s'élève à près de 160 milliards." "Le dimanche 21 novembre, l'lrlande a cédé face à la pression internationale et a fait appel au FESF. Le montant de l'opération de sauvetage avoisine les 85 milliards (tandis que le sauvetage de la Grèce avait nécessité 110 milliards). Le programme sera utilisé tant pour financer le déficit budgétaire irlandais que pour recapitaliser les banques irlandaises. Le Royaume-Uni et la Suède ont également offert d'aider l'Irlande via des prêts bilatéraux." "Le 7 décembre, le gouvernement irlandais doit passer une motion visant à réduire le déficit budgétaire de 15 milliards supplémentaires afin de le ramener à 3% du PIB en 2014. Ce plan viendra s'ajouter aux réductions des dépenses publiques de 20 milliards d'euros en 2010 annoncées précédemment. Les réductions budgétaires pourraient ne pas atteindre leur objectif étant donné que les mesures d'austérité pèseront sur la demande domestique et, par conséquent, sur la croissance économique. Le gouvernement de coalition est, de surcroît, sous pression et pourrait perdre sa majorité au parlement. On évoque maintenant des élections anticipées à condition que le nouveau budget soit approuvé le 7 décembre." "Nous pensons que le sauvetage de l'Irlande n'est qu'une victoire temporaire et qu'il reste probable que le marché mettra d'autres pays faibles de la zone euro (notamment le Portugal) sous pression. Après tout, aucun mécanisme de crise permanent (MRDS) n'existe pour l'instant pour succéder au FESF lorsque celui-ci prendra fin en 2013. Bien que les responsables européens aient déclaré à plusieurs reprises que le mécanisme ne s'appliquera qu'aux obligations émises après 2013, ils ne sont jusqu'à présent pas parvenus à convaincre les détenteurs d'obligations des pays périphériques. Ces derniers ont en effet commencé à anticiper une forte probabilité de restructuration de la dette existante." "Le mécanisme de restructuration de la dette souveraine sera un instrument complexe, dont de nombreux aspects doivent encore être mis au point par les hommes politiques. L'une des questions cruciales porte sur la façon dont les coûts seront partagés si un pays est confronté à une dette insupportable. Si le FESF actuel devait être reconduit, les pertes reposeraient uniquement sur les épaules des contribuables de la zone euro. Ceci soulève évidemment des objections puisqu'un pays pourrait se comporter de façon irresponsable s'il s'attend à ce que les autres pays viennent en fin de compte à son secours (sous la forme d'un plan de sauvetage, comme c'est actuellement le cas pour l'Irlande). Le FESF doit par conséquent être complété par un mécanisme décourageant les comportements irresponsables." "Le MRDS comporte des avantages. Il renforcera le rôle disciplinaire du marché obligataire, lequel sera reflété par la prime de risque, et encouragera les pays à mener une politique budgétaire plus stricte. Il est toutefois important que les hommes politiques adoptent une position uniforme et s'accordent sur une mise en oeuvre rigoureuse. S'ils le font, les marchés anticiperont la nouvelle situation, avec des restructurations parmi les conséquences possibles. Ceci est susceptible d'avoir un impact négatif sur certaines banques. Dans ce cas, les bons élèves souffriront à cause des mauvais, mais nous pensons que ceci constitue la moins mauvaise option." "Il y a, à nos yeux, grosso modo, deux alternatives au MRDS, donc aucune ne nous semble néanmoins réaliste. La première est l'abandon de l'euro, ou la désintégration de la zone euro. Si un pays quitte la zone euro, une restructuration substantielle est quasiment une certitude. Le pays en question reprendrait son ancienne devise, laquelle se déprécierait considérablement, alors que la dette du pays resterait libellée en euro. Les États membres restants de la zone euro seraient confrontés à une nette appréciation de l'euro, avec toutes les conséquences négatives que cela implique. Nous pensons toutefois que la volonté politique de préserver l'union monétaire est telle que la probabilité d'un tel scénario est minime." "L'autre alternative est un transfert budgétaire, ou un renforcement de l'intégration (budgétaire) de la zone euro. Cela implique que les pays du noyau dur effectuent un transfert ponctuel - estimé à 350 milliards d'euros - afin de financer les pays faibles, soit la Grèce, l'Irlande et le Portugal. Dans ce cas, le ratio d'endettement (dette/PIB) des pays faibles redescendrait à des niveaux gérables, alors que le ratio d'endettement des pays du noyau dur augmenterait de quelques points de pourcentage. Une telle décision impliquerait un renforcement de l'intégration budgétaire de la zone euro et rendrait une restructuration de la dette superflue. Ici aussi, la volonté politique semble toutefois très limitée, en partie pour des raisons électorales." "La probabilité que la dette publique doive être restructurée à un moment donné est, selon nous, considérable dans le cas de la Grèce et un peu moins élevée pour l'Irlande. Une prime de risque plus importante se justifie dès lors, mais l'ampleur de cette dernière fait l'objet de discussions. Ces restructurations, si restructurations il y a, ne devraient pas intervenir l'année prochaine, ne fût-ce que parce que les autorités ne sont toujours pas convaincues qu'elles sont inévitables et débattront encore de ce sujet pendant des mois. Les pays ne sont, en outre, pas tentés de restructurer leur dette aussi longtemps que leur balance primaire (dépenses sans paiements d'intérêts) n'est pas négative. Si cette dernière est négative, ils doivent en revanche faire appel au marché des capitaux." "Ceci nous laisse deux options possibles. Les pays en difficulté pourraient recourir à l'aide du FESF qu'ils aient besoin ou pas de faire appel au marché au cours des mois suivants. L'avantage de ce système est que le risque de contagion aux autres pays et le sentiment négatif du marché resteraient limités. Pour les pays demandant de l'aide, ceci pourrait toutefois signifier qu'ils devraient accepter des conditions plus strictes que les plans d'austérité déjà adoptés. L'alternative est que les pays périphériques décident de continuer à se débrouiller tant bien que mal jusqu'à ce qu'ils ne souhaitent plus le faire ou puissent récolter des capitaux sur le marché obligataire." "Dans un tel scénario, la volatilité actuelle persisterait. Nous nous attendons dès lors à ce que le marché obligataire demeure volatil aussi longtemps que les responsables politiques européens ne se seront pas accordés sur les modalités précises de la mise en oeuvre du MRDS." AUT/ALO