La taxation des indemnités "Tapie" balayée par les sénateurs

08/12/2010 - 10:37 - Sicavonline
La taxation des indemnités 'Tapie' balayée par les sénateurs

Suite à l'indemnisation « exorbitante » attribuée à Bernard Tapie en réparation d'un préjudice moral, les députés souhaitent que désormais de telles sommes ne puissent plus échapper à l'imposition sur le revenu comme c'est actuellement le cas. Une proposition que les sénateurs viennent de rejeter.

Très discrètement, les députés ont décidé d'imposer à l'impôt sur le revenu, comme des traitements et salaires, les indemnités perçues par un particulier au titre de l'indemnisation d'un préjudice moral. Une taxation qui s'appliquerait uniquement aux indemnités supérieures à 1 million d'euros. Une nouvelle taxation qui n'a pas été introduite par hasard. Souvenez-vous, en 2006, du conflit qui a opposé Bernard Tapie et le Crédit lyonnais. A l'époque l'affaire avait fait grand bruit. Le tribunal arbitral chargé de régler ce litige avait donné raison à l'ex-propriétaire d'Adidas et lui a attribué une confortable indemnité (plusieurs centaines de millions d'euros) en réparation du préjudice moral qu'il a subi.

La taxation des indemnités « Tapie »

Une somme qui du fait de sa nature n'a pas été imposée. En réaction, les députés ont donc décidé de modifier la loi et de rendre imposables les sommes versées au titre de dommages et intérêts pour un préjudice non économique. « Lorsque les indemnités perçues au titre du préjudice moral sur décision de justice dépassent un certain seuil, elles doivent être considérées comme une source de revenus à part entière. Ainsi, dans un souci d'équité, cet amendement vise à ce qu'au-delà d'un million d'euros, les indemnités perçues au titre du préjudice moral sur décision de justice soient soumises aux règles d'imposition de droit commun. », Sans faire directement référence à l'affaire Tapie, les motivations de cette proposition ne sont sans doute pas complètement détachée de celle-ci.

Les sénateurs donnent une leçon de droit aux députés

Les sénateurs qui viennent d'adopter le projet de loi de finances 2011 en première lecture sont revenus sur la proposition de leurs collègues. M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances a tenu à rappeler que « selon la jurisprudence constante du Conseil d'État en matière fiscale et la doctrine du droit de la responsabilité civile, les indemnités versées au titre de dommages et intérêts pour un préjudice non économique n'entrent pas dans le champ d'application de l'impôt sur le revenu. Il s'agit d'un principe constant de notre droit : il faut s'y tenir. » De plus, la fixation d'un seuil d'imposition du préjudice moral pourrait influencer les juges dans leur décision. Or, un autre grand principe du droit de la responsabilité civile est celui de la réparation intégrale du dommage. On pourrait même craindre que la fiscalisation de ces indemnités ait pour conséquence la fixation de montants encore plus élevés de manière à ne pas modifier le montant « net » perçu par le bénéficiaire. Selon Philippe Marini cette mesure, « qui vise rétrospectivement un contribuable bien connu », serait sans effet, car les condamnations à des dommages et intérêts fixées par des tribunaux, arbitraux en particulier, seront manifestement adaptées pour tenir compte du poids de cette nouvelle fiscalité. L'imposition des indemnités perçues au titre du préjudice moral sur décision de justice  » demeure avant tout un débat de principe qui ne saurait se réduire à une discussion sur la détermination d'un seuil d'imposition, même si celui-ci est très élevé. »

Une situation particulière sans influence sur les fondements légaux

C'est pourquoi, bien que le dispositif proposé ne soit pas rétroactif, il n'en reste pas moins fondé sur l'analyse d'une situation particulière, « qui vise rétrospectivement un contribuable bien connu », dont on peut se demander, quelle que soit l'appréciation que l'on porte sur son déroulement et son issue, si elle justifie une entorse à un principe de droit bien établi. Une mesure qui pourrait bien être réintégrée dans les débats qui vont reprendre à l'Assemblée nationale. Les députés doivent dans les prochains jours examiner le projet tel qu'il a été adopté par les sénateurs.

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