Carmignac Gestion reste prudent sur les actions et favorise les émergents

10/12/2010 - 14:49 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Le tigre celtique est à genoux. Non du fait de l'inconséquence de son gouvernement en matière fiscale, comme ce fut le cas pour la Grèce, mais à cause du système bancaire privé qui a trop longtemps abusé de façon débridée des facilités de crédit offertes par des investisseurs peu regardants. Rappelons à ceux qui voudraient cantonner l'édiction de nouvelles règles au secteur public qu'en 2007, juste avant la crise, la dette publique de l'Irlande n'était que de 12% du PIB, celle de l'Espagne de 27% du PIB, contre un niveau de 50% en Allemagne et déjà de 80% en Grèce", note Eric Le Coz. "Le problème de l'Irlande aujourd'hui est donc lié à l'effet de levier de son système bancaire. Là aussi, qu'il nous soit permis de rappeler que les banques irlandaises ont passé avec succès en juillet dernier les fameux stress tests comme 84 des 91 banques européennes participantes." "Ainsi, les ratios de capital tier 1 d'Allied Irish Bank et de Bank of Ireland étaient de 6,5% et 7,1% respectivement. [-73]· quoi bon ? Le pare-feu grec n'aura duré que le temps d'un été, la tempête en mer d'Irlande a conduit à un plan de sauvetage de 85 milliards d'euros avec une difficulté supplémentaire, d'ordre politique. L'argent débloqué par l'Union Européenne (EFSM et EFSF) et par le FMI ne sert pas à renflouer les caisses de l'État mais, indirectement, le système bancaire. Ce répit apporté à la crise de la zone euro est-il durable ? Nous pouvons en douter. Il n'y a qu'un pas du Fastnet au Portugal. Et après ? La grippe espagnole ? On ne peut l'exclure." "Nous pouvons saluer les efforts du gouvernement Zapatero qui a réussi à réduire de près de 47% le déficit budgétaire du pays sur les dix premiers mois de 2010 par rapport à la même période de 2009. Cela pourrait néanmoins être insuffisant. L'Espagne est un pays difficile à réformer (et en France, nous savons ce que cela veut dire) du fait de la relative indépendance des 17 provinces autonomes, dont les finances ont été fragilisées par la crise. Là aussi, comme en Irlande, le problème provient d'un excès de levier financier du secteur privé. Et les investisseurs sont en grève. En particulier depuis que Mme Merkel et M. Sarkozy ont trouvé, le 18 octobre dernier, un accord qui obligerait les investisseurs privés à cotiser dans le cadre du mécanisme de résolution de crise." "On reproche aujourd'hui à l'Allemagne de faire cavalier seul. Attirer l'attention sur la mauvaise gestion du risque qui, sous couvert de monnaie commune et de notation identique, a conduit les investisseurs à financer à l'excès et sans discrimination la Grèce, l'Irlande, le Portugal, et l'Allemagne, est oeuvre de salubrité publique. Otmar Issing, dans un récent article publié dans le Financial Times, a raison de le rappeler. L'Allemagne est donc réticente à tout futur plan de sauvetage." "Car la crise européenne n'est pas terminée. Sa résolution ne peut être apportée par les seuls Trichet et Strauss-Kahn. Ce serait le comble. Elle ne se fera qu'au prix d'une volonté politique de nos dirigeants. Une volonté qui ne pourra venir que de l'Allemagne quand un pays important sera touché (un rendez-vous politique avec l'Europe que l'Allemagne ne saurait manquer) tout en sachant se faire prier avant de céder. Car la Grèce, l'Irlande et le Portugal ne réalisent en agrégé que 6% du PIB de la zone euro et n'en portent que 8,5% des actifs bancaires. L'Espagne avec plus de 10% du PIB et 10,8% des actifs bancaires est un cas sérieux. On évoque déjà l'Italie avec sa dette de 120% du PIB, mais que dire de la France et de sa belle assurance sur la qualité de la notation de sa dette ?" "Avec un déficit en compte-courant de près de 4% du PIB, un déficit public prévu par Bruxelles de 6,3% du PIB en 2011 (contre 2,7% pour l'Allemagne) et une croissance de 1,6% (contre près de 2% pour l'Allemagne), la France ne devrait pas trop faire la fière, elle qui n'a pas connu un seul excédent budgétaire depuis 1973 ! La crise n'est donc pas encore résolue, et au concours de la monnaie la moins attractive, l'euro est de nouveau en tête de course. La croissance économique en zone euro restera atone en 2011 et l'Allemagne, qui vise un retour à l'équilibre budgétaire en 2016, continuera d'imprimer des pressions déflationnistes à ses voisins." "Dans ce contexte, et en l'absence de réponse monétaire à l'américaine de la part de la BCE, notre positionnement sur la zone restera prudent, y compris sur les actions, en dépit de niveaux de valorisation relativement bas et d'une sous-performance marquée pour certains marchés dans un contexte de forte volatilité. Nous continuerons de privilégier les entreprises qui bénéficieront de la meilleure croissance des États-Unis ou des pays émergents." "Outre-Atlantique, le Quantitative Easing va bon train. En début de mois, on a pu s'interroger sur le bien-fondé de cette nouvelle injection monétaire de 600 milliards de dollars, et M. Bernanke a reçu les plus vives critiques de toute part aux États-Unis. La croissance américaine a en effet été revue à la hausse pour le troisième trimestre à 2,5%, avec une croissance de 2,8% de la consommation, une révision à la hausse des exportations et de l'investissement. Le Quantitative Easing n'allait-il pas dès lors générer de l'inflation, ce qu'ont semblé craindre les marchés de taux qui se sont légèrement tendus sur la période ? Ce n'est pas si sûr." "L'immobilier résidentiel reste un marché moribond, avec des baisses de 27,5% et 25,9% respectivement, en glissement annuel, pour les dépenses de construction et pour le volume de reventes de maisons. L'inflation demeure sur des niveaux très bas (0,6% en rythme annuel contre un objectif proche de 2%) qui font craindre à la Réserve fédérale une entrée en déflation. De plus, la Fed a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2011. Certes, c'est beaucoup mieux que chez nous en vieille Europe, mais la croissance attendue a été ramenée d'une fourchette comprise entre 3,5% et 4,2% à une plage de 3% à 3,6%." "D'après le gouverneur de la Fed de Chicago, Charles Evans, l'inflation pourrait atteindre péniblement 1% fin 2012 et il n'est pas déraisonnable de penser qu'elle ne sera que de 1,5% en 2013. Quant au chômage attendu, il devrait rester autour de 9% fin 2011 et à plus de 8% fin 2012, année de l'élection présidentielle américaine. Ces prévisions prudentes ont été confirmées en ce tout début de mois. L'indice ISM des Directeurs d'Achat a reculé par rapport à octobre, même s'il reste à 56,6 confortablement au-dessus du seuil critique de 50, indiquant une poursuite de la reprise manufacturière. Mais surtout les chiffres de l'emploi ont déçu. Avec 2,5% de croissance, l'économie américaine ne parvient pas encore à créer des emplois, ce qui indique la frilosité des chefs d'entreprises face à une économie qu'ils estiment encore en convalescence." "M. Bernanke a aussitôt repris l'avantage en justifiant sa pro-activité et en affirmant que si les mesures déjà prises s'avéraient insuffisantes, il n'hésiterait pas à les amplifier. Et voilà déjà que les commentateurs nous parlent de QE3, le troisième round putatif de mesures monétaires quantitatives. Cela semble prématuré. Si le chômage est encore persistant, la détermination de la Réserve Fédérale à abreuver le système bancaire en liquidités et à réaffirmer que les taux resteront pour longtemps à zéro, soutiendront et conforteront l'économie réelle en consolidant l'effet richesse dans la sphère financière. Dans ce domaine, les rendements offerts sur les emprunts d'État sont toujours peu attrayants. La possible dégradation à venir de cette classe d'actifs ne devrait pas prendre trop d'ampleur, compte tenu de la faiblesse de l'inflation et de l'activisme de la Fed." "Néanmoins, après de tels afflux de capitaux sur cette classe obligataire, un report partiel sur les actions n'est pas à exclure pour 2011. Le bénéfice par action du S&P 500 devrait approcher les 95 dollars en 2011, ce qui valoriserait l'indice, sur les niveaux actuels, autour de 12,5 à 13 fois les résultats, un niveau qui nous semble relativement attrayant dans la perspective que nous décrivons. Ce même constat peut être fait dans l'univers émergent. Les valorisations sont globalement en ligne avec les perspectives de croissance et, si nous sommes amenés à prendre des bénéfices sur les valeurs qui ont déjà pleinement atteint les objectifs que nous nous étions fixés, la représentation de cet univers d'investissement au sein de nos portefeuilles devrait rester importante." "Ces marchés ont connu une consolidation au cours du mois, sans remettre en cause leur avance sur l'ensemble des marchés internationaux avec une progression depuis le début de l'année de près de 20% en euro pour l'indice mondial des actions émergentes. Au cours du mois, un voyage au Brésil a conforté la première impression que nous avions eue à l'issue de l'élection de Mme Rousseff à la tête du pays, largement adoubée par son populaire prédécesseur Lula. Les nominations au gouvernement sont rassurantes et la politique devrait viser à consolider les acquis et à poursuivre la longue route des réformes. La croissance économique restera forte en 2011 et l'inflation est sous le contrôle vigilant de la Banque centrale." "En Inde, autre pays dont la croissance repose essentiellement sur la demande domestique, des affaires de corruption ont été mises sur la place publique au cours du mois sans que cela parvienne à déstabiliser de manière significative le marché. Cela constitue un signe encourageant de robustesse après l'afflux de capitaux qu'a connu le pays depuis le début de l'année. La Chine continue quant à elle à souffrir d'un mal que nous aimerions connaître : une économie trop vigoureuse. Cette croissance de plus de 10% s'accompagne de pressions inflationnistes qu'un taux de change encore trop administré ne parvient pas à enrayer. La croissance des crédits a déjà atteint les limites des quotas octroyés aux banques par le gouvernement, et les derniers chiffres d'inflation ont été publiés en hausse à 4,4% en glissement annuel. Faut-il s'en inquiéter ? Nous ne le croyons pas." "D'une part, la composante alimentaire a largement contribué à cette dégradation de l'inflation et le gouvernement a déjà pris quelques mesures pour contrôler le prix des denrées les plus importantes. D'autre part, la Chine a démontré au cours du mois qu'elle était désormais capable de prendre des mesures macroéconomiques prudentielles. Nous sommes déjà sortis de l'ère de la croissance maximale à n'importe quel prix. Le relèvement du niveau des réserves obligatoires des banques à 18%, et le resserrement des taux directeurs, montrent que la politique chinoise a franchi une étape vers une croissance un peu moins forte mais mieux équilibrée, permettant à la consommation domestique de constituer à terme le principal contributeur à la croissance. Le rééquilibrage de la croissance mondiale est donc bien réel." "Ainsi, le monde à trois vitesses se confirme. La vertu de la discipline allemande imprime (parfois dans la douleur) sa marque à l'économie de la zone euro, au prix d'une croissance attendue faible et de pressions déflationnistes qui devraient maintenir l'euro sous pression. Aux États-Unis, qui craignent autant la déflation que l'Allemagne redoute l'inflation, point de salut sans croissance, c'est ce que nous dit la Fed. Il y aura donc autant de dopage monétaire que nécessaire pour remporter la course de la reflation, de la croissance et donc de l'emploi." "Dans les économies émergentes enfin, qui appuient gentiment sur la pédale de freins, mais qui connaîtront le sort enviable d'une croissance moyenne agrégée de plus de 6% en 2011. Un contexte attrayant pour la classe d'actifs la plus risquée, les actions, dans l'ensemble raisonnablement valorisées. Sans négliger les crédits ém