Il sera peu aisé de mettre en place des E-bonds (Natixis)

15/12/2010 - 09:49 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Depuis maintenant quelques semaines, de nombreux officiels européens dont Jean-Claude Junker, le président de l'Eurogroupe, estiment que la création d'euro-bonds permettrait de résoudre la crise souveraine européenne. Cette proposition, qui a rapidement été rejetée par l'Allemagne et la majorité des pays du nord de la zone euro, est logiquement soutenue par les pays les plus fragiles", estiment les économistes de la recherche de Natixis. "En cas de substitution d'un mode de financement domestique à un financement supranational, les dettes de la périphérie deviendraient mécaniquement moins vulnérables aux fluctuations des marchés financiers." "En effet, les pays du sud bénéficieraient directement de la crédibilité budgétaire des pays les plus sûrs de la zone, notamment l'Allemagne. Ceci s'accompagnerait toutefois d'une homogénéisation des politiques budgétaires avec la mise en place d'un modèle allemand, interdisant notamment tout déficit structurel. Terminés donc les écarts de conduite pour les pays de la zone euro qui, en cas de dérapage, seraient certainement sanctionnés par les autres pays membres. Des sanctions qui, dans l'absolu, resteraient bien inférieures à celles subies par la Grèce ou l'Irlande sur les marchés obligataires cette année." "L'Agence de la dette européenne, si elle voit le jour, couvrira les besoins de financement des pays de la zone euro. Cette année, ce sont près de 950 milliards d'euros en euro-bonds qui auraient pu être adjugés. Logiquement, ce nouvel émetteur européen se placerait comme l'un des plus importants au monde, devancé uniquement par les Etats-Unis qui en 2010 ont émis près de 1.600 milliards d'euros de Treasuries. Avec un volume d'adjudication moyen de 80 milliards (les plus gros Trésors européens émettent au maximum 18 milliards d'euros par mois), l'agence pourrait adopter une stratégie d'émissions semblable à celle du Trésor US ou de l'AFT qui semble mieux adaptée aux gros programmes (deux dates d'émissions par mois avec trois-quatre papiers abondés)." "Dans un second temps, après avoir placé sa dette, l'agence pourrait transférer les montants obtenus vers les pays de la zone euro en appliquant des marges (similaires aux marges d'ASW par exemple) calculées selon des critères budgétaires définis au préalable. Sur le papier, en termes de profondeur de marché, de liquidité et de volatilité, les euro-bonds auraient de nombreuses similitudes avec la dette allemande. Ils auraient aussi l'avantage pour les investisseurs non-européens de représenter une signature 100% européenne liquide (les obligations de l'EFSF ou de la Commission européenne s'apparentent à des signatures euro), donc un actif attractif s'ils souhaitent diversifier leurs réserves de change." "Malgré les avantages cités précédemment, la création des euro-bonds ne saurait être une chose aisée, pour les raisons suivantes : à la différence de l'EFSF qui bénéficie d'une note AAA grâce à un système de garantie, la note moyenne pondérée des dettes de la zone euro se situe à mi-chemin entre AA+ et AA. Même si l'agence européenne applique des coûts de funding différents selon les pays, il est compréhensible que les pays notés AAA refusent cette option. " "En cas de substitution totale du funding, les pays de la zone euro devront gérer leurs anciennes dettes (5.300 milliards d'euros pour la dette M/LT). Non abondées, ces dernières risquent dans certains cas de devenir totalement illiquides. Dans le pire des cas, elles pourraient aussi subir des attaques en règle sur les marchés. Cela signifierait aussi la disparation des marchés futures sur les dettes allemandes et italiennes à moyen terme." "Les pays de la zone euro ne seront pas totalement protégés. Le risque supporté par l'Agence sera transféré vers les pays membres via l'indexation probable des coûts de funding. Par ailleurs, être plus gros en termes de volume ne signifie pas forcément être plus solide. Le warning donné dernièrement par Moody's aux Etats-Unis en est un bon exemple. Enfin, la mise en place d'un marché E-bonds rendrait quelque peu inutile voire délicate la mise en place de l'European Stability Mechanism en juin 2013. En cas de crise de solvabilité pour un pays, une partie de la dette supra risque en effet d'être restructurée. Une mutualisation du risque souverain européen est possible mais, compte tenu des éléments cités ci-dessus, cette dernière devra être partielle et progressive." AUT/ALO