Actions intéressantes tant que le scenario de double dip est infirmé

23/12/2010 - 15:31 - Option Finance

(AOF / Funds) - "A l'heure où nous écrivons ces lignes, l'indice MSCI AC World affiche une hausse à un chiffre et de façon générale, celle des marchés émergents, des obligations et des matières premières dépasse largement les 10%. Pourtant, le sentiment des marchés est toujours teinté d'inquiétude, ce qui explique peut-être la progression de l'or (près de 30%)", écrit Alan Brown, directeur des gestions de Schroders. "Cela n'est guère surprenant pour une année dont la première moitié a été dominée par des craintes entourant les pays périphériques de la zone euro et la seconde par des menaces de guerre des devises, de protectionnisme et d'impact négatif de la seconde salve de mesures d'assouplissement quantitatif (QEII) américain. Et alors que nous entrons dans la période des fêtes, les problèmes liés à la dette souveraine de la zone euro sont de nouveau au coeur de toutes les attentions." "Les craintes autour d'une possible récession en double dip sont réelles, et cela n'a rien d'étonnant. Les systèmes bancaires sont toujours fragiles. Ce qui était à l'origine une crise du crédit privé a fini par s'étendre à de nombreux marchés de dette souveraine en difficulté. De plus, beaucoup de pays développés lancent des plans d'austérité budgétaire synchronisés (plutôt que coordonnés...). Pire encore, si nous devions plonger à nouveau en récession, les marges de manoeuvre sont maintenant très réduites." "Il ne reste plus de leviers politiques. Les taux d'intérêt sont déjà proches de zéro, les autorités ont déjà recours à l'assouplissement quantitatif et les programmes budgétaires entrent désormais plus dans la catégorie des problèmes que des solutions. Face à tant d'incertitude, rien d'étonnant, peut-être, à ce que les actifs risqués offrent des valorisations relativement attrayantes comparé aux moyennes historiques. De fait, l'un des catalyseurs possibles pour 2011 est que si les craintes de rechute économique se dissipent, les marchés bénéficieront d'une grande marge de hausse." "Selon nous, il est fort probable que nous ne connaissions pas de récession en double dip. Notre scénario central table sur une poursuite de la croissance dans les pays développés, mais à un rythme légèrement moins soutenu qu'en 2010. Les investissements des entreprises, la progression faible mais stable de l'emploi et la croissance toujours robuste des marchés émergents devraient permettre de compenser l'impact négatif des plans d'austérité budgétaire." "Dans une étude intéressante en 2009, le FMI avait analysé les récessions survenues après 1960 et avait conclu que lorsque le catalyseur n'est pas d'origine financière, ces crises sont généralement plus courtes et moins prononcées. Lorsque le catalyseur est une crise financière, les récessions sont plus longues et plus profondes. Et sans surprise, lorsque les récessions sont déclenchées par des crises financières synchrones, elles durent encore plus longtemps. Jusqu'ici, tout laisse à penser que les principaux pays développés s'inscrivent dans ce dernier schéma." "Si nous ne nous trompons pas, alors les actions sont plutôt bon marché comparé aux emprunts d'Etat. Fait très inhabituel, sur la plupart des marchés développés, les actions offrent un rendement supérieur à celui de la dette souveraine (sauf en Australie, où la situation est normale). Il faut reconnaître que cela est davantage dû au niveau exceptionnellement faible des rendements souverains qu'à un rendement particulièrement élevé de la part des actions." "A l'heure où nous écrivons ces lignes, les rendements à 10 ans des Gilts s'établissent à 3,3%, tandis que Glaxo offre un rendement des dividendes de 4,8%, Sainsbury de 3,6% et Marks & Spencer de 3,8%. Pour reprendre un bon mot, on peut se demander si les emprunts d'État, qui ont la réputation d'être des actifs sans risque, ne sont pas plutôt maintenant des instruments à risque... sans rendement !" "L'on peut se demander raisonnablement qui peut se prévaloir des recettes les plus prévisibles et les dépenses les plus maîtrisables : le gouvernement britannique ou Sainsbury ? Si l'on observe les ratios cours/bénéfices prévisionnels dans le monde, la quasi-totalité des marchés d'actions présentent des valorisations inférieures à leur moyenne sur vingt ans. L'orientation de la croissance jouera un rôle déterminant pour les prix des actifs en 2011. Ainsi, si la croissance économique se maintient comme nous le prévoyons, les marchés afficheront un potentiel de hausse des ratios cours/bénéfices, même si la croissance des résultats ralentit quelque peu." "En revanche, si nous nous trompons, et en l'absence de leviers politiques additionnels, il difficile de savoir jusqu'où les marchés pourraient plonger. C'est sans doute la question la plus importante pour les investisseurs à l'entrée 2011. En l'absence d'union politique, ou du moins budgétaire (mais l'un va-t-il sans l'autre ?), l'emploi d'un taux de change et d'une politique monétaire uniques est déstabilisant car il favorise la divergence, et non la convergence économique." "Pendant les dix premières années d'existence de l'euro, les pays en périphérie de la zone ont perdu 20 à 33% de leur compétitivité par rapport à l'Allemagne ; sauf dépréciation du taux de change (ce qui n'est clairement pas possible dans une union monétaire), toute amélioration des finances publiques se fera aux dépens du secteur privé. Cette situation met à l'épreuve la détermination des politiques et peut entraîner des manifestations populaires importantes, comme nous l'avons déjà vu." "Si la Grèce fait tous les efforts qui lui sont demandés, son ratio dette/PIB se stabilisera à environ 150% à condition qu'elle puisse dégager un excédent primaire de 6 à 8% du PIB ! Les efforts demandés à la Grèce (j'utilise l'exemple de la Grèce mais cela vaut pour toutes les économies d'Europe périphérique) sont tout bonnement herculéens. Le pays devra faire les choix suivants : rester du mauvais côté de la barrière et accepter une décennie d'austérité en rééquilibrant ses finances publiques et en restaurant progressivement sa compétitivité ; restructurer sa dette (défaut) ; quitter la zone euro (autre forme de défaut)." "Difficile d'imaginer d'autres issues possibles. Chacun de nous doit se faire son idée de la probabilité d'un ou plusieurs de ces scénarios. Cependant, les unions monétaires sont essentiellement des projets politiques. Tant que l'esprit politique perdurera, l'union monétaire survivra elle-aussi. Les pays qui forment la zone euro sont tous des démocraties. Nous devons donc nous demander s'il est possible qu'un parti soit élu avec la mission de restructurer la dette ou de quitter la zone euro. Ce problème politique ne concerne pas que les pays très endettés, il touche également l'Allemagne." "Alors que d'autres pays tentent d'assainir leur situation budgétaire, il aurait été plus qu'utile que l'Allemagne mette en place un léger plan de relance pour équilibrer la balance. Mais cette dernière veut équilibrer son propre budget dans les prochaines années, ce qui complique nettement la tâche des pays d'Europe périphérique. Peut-on raisonnablement se demander si l'Allemagne et ses électeurs ont atteint les limites de leur volonté de financer l'union monétaire ?" "Si les électeurs grecs choisissent d'élire un parti qui aura fait le choix d'une restructuration de sa dette, quelle forme cela pourrait-il prendre ? Prenons l'hypothèse d'un remboursement de la dette arrivant à échéance non pas en numéraire, mais avec une nouvelle obligation à 30 ans et coupon 4%. Sur le marché, le titre pourrait facilement se retrouver à 60% du pair, mais tant que les banques ne le détiendront pas dans leurs portefeuilles de trading, elles auront la possibilité de le comptabiliser au pair dans leur portefeuille bancaire. Tour de passe-passe comptable, mais peut-être le moindre de deux maux..." "Quand cela pourrait-il arriver ? Le meilleur test de la détermination du gouvernement sera de voir si et quand la Grèce parviendra à rééquilibrer son budget et si le pays doit prendre de nouvelles mesures d'austérité pour générer un excédent primaire important. Et si la Grèce quitte la zone euro ? Comme aucun mécanisme n'est prévu pour permettre à un pays de quitter l'union monétaire, tout serait ouvert à négociation. De plus, un mouvement de change violent n'est pas exclu, par exemple en cas de panique bancaire si les déposants décident de retirer leurs euros pour les garder en lieu sûr. Souvenez-vous de Northern Rock ! Rappelez-vous la fin de l'union monétaire tchécoslovaque en 1993, dont le démantèlement n'a pris que... 38 jours !" "En cas de crise, nous aurons très peu de temps pour réagir. L'investisseur avisé prendra donc les mesures nécessaires pour s'assurer que ses euros sont placés dans des pays/banques ne présentant aucune ambiguïté ! Un scénario de récession en double dip sera indubitablement défavorable aux marchés d'actions. Les résultats des entreprises seraient soumis à des pressions considérables et le secteur bancaire se retrouverait rapidement en crise, mais cette fois... sans prêteur de dernier ressort !" "Qu'en serait-il des obligations ? Face à la déflation et à l'absence de croissance, les rendements souverains plongeraient vers les niveaux du Japon pour une période prolongée et les obligations d'État enregistreraient des performances satisfaisantes. Toutefois, cette issue n'est pas garantie. Le Japon affiche un taux d'épargne national très élevé et un excédent structurel de sa balance courante. Sa dette est détenue dans une large mesure par ses propres épargnants, et quand le ratio dette/PIB augmente, le stock d'actifs étrangers en fait de même." "Beaucoup de pays développés, à l'image des États-Unis et du Royaume-Uni, ont un taux d'épargne faible et des balances courantes en déficit structurel. Il n'est pas sûr du tout qu'en cas de détérioration rapide des positions budgétaires et de hausse des ratios dette/PIB, ces pays pourraient bénéficier d'investissements étrangers aux taux de change/d'intérêt actuels. En réalité, un double dip pourrait transformer la crise du crédit privé en crise souveraine majeure. Quoi qu'il en soit, avant de sombrer dans la dépression, souvenez-vous que notre scénario privilégié est celui d'une poursuite de la croissance à un rythme modéré." "Si notre scénario central s'avère correct, nous avons toutes les raisons de rester optimistes quant aux perspectives des actions. La poursuite d'une croissance modérée des résultats des entreprises cotées et l'expansion des multiples de capitalisation devraient garantir des performances à deux chiffres pendant quelque temps. Naturellement, il faut toujours quelqu'un pour retirer le saladier du punch quand la fête bat son plein, et ce rôle reviendra de toute évidence au marché des obligations d'État. Le retour à la normale, même s'il prend du temps, passera nécessairement par une normalisation des taux d'intérêt et des rendements obligataires." "Sur de longues périodes, les taux d'intérêt à court terme tendent à s'aligner en moyenne sur le taux de croissance nominal du PIB, ce qui se traduirait par exemple dans le cas des Etats-Unis par un niveau de l'ordre de 4,5%. Si on y ajoute une composante liée à la courbe des taux pour la partie longue du marché et on peut facilement voir les rendements obligataires remonter sensiblement, en particulier sur l'échéance dix ans compte tenu de la forme inhabituelle de la courbe en ce moment." "Une hausse de 250 points de base des rendements à 10 ans freinerait certainement le marché d'actions, mais c'est une autre histoire. Les taux d'intérêt à court terme ne devraient pas remonter prochainement. En fait, dans ce domaine, nous nous sommes montrés trop pessimistes l'année passée et nous n'étions pas conscients que les taux resteraient proches de zéro en 2011... et cer