Une coupe de cheveux irlandaise, ou le bienfondé du haircut

28/12/2010 - 16:10 - Sicavonline - Vincent Bezault
Une coupe de cheveux irlandaise, ou le bienfondé du haircut

L'irlande n'a plus de sous

Au dire des détracteurs de l'Irlande, imposer un haircut de 80 % aux porteurs d'obligations des banques irlandaises accroîtrait la défiance des investisseurs obligataires vis-à-vis des Etats. « Peut-être, mais c'est le fondement même du système capitaliste », rétorque Hugues Rialan, directeur de la gestion financière chez Banque Robeco.

Hugues Rialan, l'Irlande souhaite imposer un haircut de 80 % (NDLR : haircut : non remboursement partiel d'une obligation) aux porteurs d'obligation des banques irlandaises. Ceux-ci s'y refusent farouchement. Cependant est-ce à l'Etat irlandais d'assumer les risques pris par des investisseurs privés ?

Non car il s'agit de la logique même du système capitaliste. Quand l'investisseur va sur des produits qui rémunèrent plus que le taux sans risque, il sait pertinemment qu'il est possible que ce risque se matérialise et qu'il puisse subir une perte. Il en a toujours été ainsi. « Pas de risque, rendement faible ; rendement plus élevé, risque plus élevé », telle est la règle. Il serait donc aberrant que les porteurs d'obligation de dette bancaire irlandaise ne prennent pas une perte.

Certains ne partagent pas cet avis...

L'argument de ceux qui veulent que le gouvernement irlandais assume les pertes des investisseurs privés est bien connu : « si vous appliquez un haircut de 80 % », disent-ils les investisseurs obligataires ne reviendront pas, les taux d'intérêt exploseront, et les coûts de financement seront beaucoup plus élevés. Sans doute, mais, si un haircut de 80 % doit avoir lieu, c'est bien parce que le risque a été sous-évalué. Or, si le risque est de nouveau évalué correctement, il est logique qu'il soit plus cher de se financer. Je le répète, c'est l'essence même du fonctionnement du capitalisme. Le porteur d'obligation n'est pas sacro-saint. L'actionnaire ne l'est pas plus. Il est normal qu'ils soient rémunérés à hauteur du risque pris mais ils ne peuvent pas se soustraire au risque une fois qu'il se concrétise.

Et en l'occurrence, ils ont sous-estimé le risque...

Manifestement, et s'il ya une leçon à tirer de cette histoire, c'est qu'il n'existe pas d'actifs toxiques mais des prix toxiques, c'est-à-dire des prix du risque sous- ou sur-évalués, des prix qui sont fatalement appelés à être un jour corrigés. C'est ce qui se produit en Irlande, et je ne vois pas en quoi ce serait inacceptable. Propos recueillis par Vincent Bezault

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