Dettes européennes : il aurait fallu accepter un défaut (Natixis)

11/01/2011 - 15:32 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Beaucoup d'économistes soutiennent l'idée qu'il faudrait accepter très rapidement une restructuration (un haircut) sur les dettes publiques des pays en difficulté de la zone euro (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne...). Quels sont leurs arguments ? Ces pays sont dans une crise de solvabilité, pas de liquidité ; les prêts (de l'UE, de l'EFSF, du FMI) ne sont donc pas la bonne solution ; la monétisation (achat de la dette par les banques centrales) non plus", évoque Patrick Artus, de Natixis. "Les pays concernés, pour éviter une restructuration, mettent en place des politiques budgétaires très restrictives, très coûteuses en termes de croissance, d'emploi, et qui pénalisent injustement les populations ; si, après quelques années, il doit quand même y avoir défaut, le gâchis est énorme. Il est normal que les détenteurs des dettes de ces pays soient pénalisés, et pas l'ensemble des citoyens." "Mais il existe aussi des arguments puissants allant en sens opposé : si ces pays font défaut, ils perdront probablement durablement l'accès aux marchés financiers, d'où la nécessité de faire disparaître leurs déficits extérieurs, et aussi une politique économique très restrictive ; quel est l'intérêt de transformer la crise souveraine en une crise des banques et des sociétés d'assurance détentrices des dettes souveraines ? pénaliser les porteurs de dette souveraine est injustifié car, lorsque ces dettes ont été achetées, elles étaient présumées sans risque, y compris par les régulateurs ; un haircut pourrait s'appliquer aux futures dettes, mais pas aux dettes existantes." "Quelles solutions restent si on exclut le haircut ? l'inflation (qui est une taxe sur les prêteurs) ne se décrète pas ; on peut restructurer les dettes sans qu'il y ait de perte actuarielle pour les détenteurs (allongement des maturités), mais ceci ne change pas le problème de solvabilité intertemporelle ; il resterait une solution de solidarité : transfert d'une partie des dettes sur les autres pays de la zone euro (ce qu'ils rejettent évidemment)." "Supposons un haircut de 25% sur les dettes publiques de l'Espagne, de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal. La dette de ces pays serait réduite de 290 milliards d'euros, et il en coûterait : 20 milliards d'euros aux banques allemandes (14% de leurs fonds propres) ; 7 milliards d'euros aux banques françaises (5% de leurs fonds propres) ; 14 milliards d'euros aux banques grecques (58% de leurs fonds propres) ; 4 milliards d'euros aux banques britanniques (2% de leurs fonds propres) ; 53 milliards d'euros aux banques espagnoles (50% de leurs fonds propres)." AUT/ALO