Risque stagflationniste limité (Natixis)

12/01/2011 - 15:42 - Option Finance

(AOF / Funds) - "La perception du risque inflationniste est très différente d'un pays à l'autre. Dans certains pays (Etats-Unis), la préoccupation première demeure le risque déflationniste. Dans d'autres (Royaume Uni), l'inflation dépasse depuis longtemps l'objectif officiel. Certains analystes craignent que plusieurs pays soient confrontés à un scénario de type stagflationniste. Qu'en est-t-il exactement ?", s'interroge René Defossez, de Natixis. "Les craintes inflationnistes sont nourries, principalement, par la robustesse de la conjoncture dans un certain nombre de pays et par la hausse du prix des matières premières. De nombreux pays émergents, mais aussi l'Australie, la Nouvelle Zélande, le Canada ou même la Suède ont durci leur politique monétaire, en réponse au dynamisme de l'activité et au risque inflationniste associé. Les inflations atteintes dans ces régions sont parfois élevées (5,1% en Chine, 8,3% en Inde, 5,9% au Brésil ou encore 8,8% en Russie)." "Le premier risque proviendrait de l'importation de l'inflation de ces pays. Le deuxième risque viendrait donc du prix des matières premières. Celui du baril de Brent a bondi, depuis mai dernier, de plus de 43%, et n'est plus désormais qu'à une encablure de 100 dollars. Les métaux, mais aussi les produits alimentaires, s'affichent également en forte hausse. La hausse du prix du brut semble avoir deux explications : la demande en provenance des pays émergents et la spéculation." "Les questions qu'il faut se poser sont les suivantes : dans quelle mesure le prix des matières premières contamine-t-il les autres prix, et en particulier les prix sous-jacents (passthrough) ; dans quelle mesure ce choc, s'il est important, est-il compensé par l'output gap ? Dans le cas américain, l'inflation importée n'a pas d'impact sur l'inflation sous-jacente (la corrélation est nulle). En revanche, l'ouput gap demeure très important, ce qui contraint évidemment les salaires (le Nairu gap, par exemple, est conséquent, puisque le taux de chômage est actuellement de 9,4% et le taux de chômage naturel sans doute quelque part entre 5% et 6%)." "Cela explique pourquoi l'inflation sous-jacente n'est que de 0,8% et pourquoi la Fed maintient une politique monétaire extrêmement accommodante. Au Royaume Uni, la situation est différente : Mervyn King entretient une relation épistolaire soutenue avec le chancelier pour lui expliquer pourquoi l'inflation se situe durablement au-dessus de son objectif (et même au dessus de sa limite supérieure de 3%). Le taux de chômage, dans ce pays, est plus faible qu'aux Etats-Unis, alors que le Nairu ne l'est pas forcément." "Il y a bien sûr des chocs provisoires, comme la hausse de la TVA, mais ils n'expliquent pas tout (la BoE s'est trompée de manière assez spectaculaire dans ses prévisions d'inflation, ce qui est a priori gênant pour une banque qui se vante de pratiquer l'inflation targeting). Dans ce pays, l'impact des prix import sur les prix core pourrait, en fait, être plus important qu'aux Etats-Unis (on a une corrélation de 0,12 entre la hausse annuelle du prix du brut et l'inflation sous-jacente sur une période de 10 ans). Il y aurait donc un peu de passthrough, qui expliquerait une partie du niveau relativement élevé de l'inflation sous-jacente (2,7%)." "En zone euro, l'inflation dépasse l'objectif de la BCE à cause, principalement, du prix des matières premières. Mais l'inflation sous-jacente demeure faible, et semble assez peu impactée par les prix imports (on a même une corrélation négative entre la hausse annuelle du prix du brut et les prix core). Au total, seule la BoE devrait s'inquiéter un peu, dans les pays développés, du comportement du prix du brut et des risques inflationnistes. Mais un peu seulement..." AUT/ALO