Potentiel de nouvelle surévaluation du franc suisse (Lombard Odier)

17/01/2011 - 15:17 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Le passage à la nouvelle année a vu le franc suisse atteindre de nouveaux sommets. Avec un taux de change effectif (pondéré des échanges commerciaux) en hausse de 15% en 2010 et supérieur de 30% à son niveau d'octobre 2007, date du début de la crise financière, le franc est désormais surévalué par rapport à l'euro et au dollar américain. Quels facteurs sous-tendent cette évolution et quelles perspectives pour le franc ?", s'interroge Lombard Odier. "L'explication la plus évidente réside dans les caractéristiques de valeur refuge du franc, ravivées par la crise financière et par la problématique de la dette européenne. Le statut de valeur refuge du franc suisse n'est pas inné, mais le fruit d'une longue histoire de stabilité géopolitique et de discipline financière. Avec un double excédent budgétaire et des comptes courants, la Suisse dispose d'un niveau d'épargne domestique plus que suffisant pour s'autofinancer et ne dépend donc pas de l'appétit d'acteurs étrangers pour les actifs suisses." "La dette publique est remarquablement basse en comparaison internationale (45% du PIB) tandis que la dette du secteur privé est élevée (176% du PIB, contre 95% en Allemagne et 172% en Espagne) et principalement de nature hypothécaire (comme en Espagne). Ceci dit, la valeur des actifs immobiliers est plus que deux fois supérieure à la dette, fournissant une importante protection en cas de correction immobilière. Enfin, la stabilité financière a rapidement été rétablie par le renflouement réussi d'UBS fin 2008, et l'intermédiation du crédit n'a souffert aucune interruption durant la crise." "Dans un contexte où la plupart des pays développés se débattent avec leurs bilans et leurs systèmes bancaires, la vigueur du franc s'apparente en grande partie à un cachet d'excellence des solides fondamentaux de la Suisse. Cela étant, un autre facteur a joué un rôle dans l'appréciation du franc : la réaction de la Banque nationale suisse (BNS). De mars 2009 à mai 2010, cette dernière a en effet procédé à des interventions massives visant à écarter le risque de déflation lié à l'envolée du franc par rapport à l'euro (70% des importations suisses provenant de la zone euro)." "Ces interventions sur le marché des changes ont non seulement failli à infléchir la hausse du franc, mais ont fortement affecté le bilan de la BNS et alimenté le risque d'une future bulle immobilière. Le quasi triplement des réserves de change, concentrées sur les positions en euro (qui représentent désormais 55% des réserves monétaires), n'est pas sans conséquences pour la gestion des risques de la banque centrale. Les pertes sur réserves de change, un problème principalement politique à ce stade pour la BNS, s'élevaient déjà à 21 milliards de francs suisses pour les trois premiers trimestres 2010, provoquant une perte totale de 8,5 milliards de francs suisses (contre un bénéfice net de 7 milliards de francs suisses en 2009)." "Les provisions destinées à amortir les pertes futures, quant à elles, diminuent et ne représentent plus que 20% des réserves de change et d'or, contre 74% avant ces interventions. Ces contraintes de bilan ont probablement retenu la BNS de prendre des mesures supplémentaires depuis mai malgré des risques de déflation persistants, laissant la porte grande ouverte à la spéculation. Le fait que les spéculateurs aient mis à l'épreuve le niveau de tolérance de la BNS explique aussi la poursuite de la hausse du franc dans un environnement marqué par un regain d'appétit pour le risque." "Dans l'ensemble, les interventions unilatérales de la BNS se sont révélées contre-productives et restreignent considérablement sa marge de manoeuvre. Elle devra désormais mettre dans la balance d'un côté les problématiques de risque bilantaire et les craintes d'inflation à long terme (en particulier sur le marché immobilier), et de l'autre les risques immédiats de déflation dus au renchérissement du franc. Tandis que la déflation constitue un risque évident selon nous, nous pensons que les risques bilantaires et les signes de surchauffe immobilière dans certaines régions de la Suisse prévaudront pour la BNS, et la maintiendront en attente pour le moment." "De même, sauf fluctuations de change majeures faisant naître un risque systémique, la toile de fond actuelle caractérisée par une compétitivité accrue entre les monnaies rend peu probable une action concertée avec d'autres banques centrales. Quelles perspectives pour le franc ? L'année 2011 sera à nouveau, marquée par une volatilité élevée sur les marchés des changes, alors que le rééquilibrage mondial se poursuivra. La spéculation excessive sur le franc renforce la probabilité d'un repli à court terme." "A plus long terme, la quête de sécurité restera un facteur déterminant, notamment par rapport à l'euro, les problèmes souverains en Europe étant loin d'être résolus, et la marge de manoeuvre de la BNS pour contrer l'appréciation de la monnaie suisse étant désormais limitée. La surévaluation du franc pourrait donc encore s'accentuer, surtout par rapport à l'euro. Nos comptes en francs n'intègrent par conséquent aucune exposition à l'euro, tandis que les comptes en euros sont exposés au franc." AUT/ALO