L'économie mondiale est en surliquidité (Amundi)

25/01/2011 - 11:47 - Option Finance

(AOF / Funds) - "En considérant les taux d'intérêt directeurs pratiqués par l'ensemble des banques centrales dans le monde, le loyer moyen de l'argent, pondéré selon le poids des économies, ressort à +2,4%. Au regard des prévisions de croissance nominale mondiale du FMI (+7,1% en 2010 et +5,6% en 2011), les termes d'une règle de Taylor sous-entendent un caractère globalement accommodant des politiques monétaires, d'autant qu'elles s'accompagnent de mesures non conventionnelles comme l'injection de liquidité ou les achats d'actifs", note Amundi dans sa nouvelle revue mensuelle. "La surliquidité mondiale joue un rôle d'amortisseur du deleveraging dans les pays développés et de catalyseur de croissance dans les économies émergentes. Cela permet de dissiper les craintes d'une rechute de l'économie mondiale à court terme, mais peut, dans le même temps, impliquer la formation de dislocations nominales (couplées à un risque de surchauffe inflationniste. dans certaines zones émergentes) et le développement de déséquilibres financiers, notamment sur les devises et les prix d'actifs." "Les mesures de stimulation monétaire ont bénéficié aux marchés d'actions, engendré une détente supplémentaire des taux longs (govies et crédit) et déclenché une baisse du dollar. Cela a également favorisé un rebond des indicateurs avancés et s'est accompagné de perspectives plus favorables en termes d'emplois. Les gains salariaux totaux s'élèvent à près de +3% t/t annualisé depuis deux trimestres. Grâce aux effets de richesse positifs qui aident à stabiliser le taux d'épargne, les dépenses des ménages évoluent positivement. La reprise tend ainsi à devenir plus robuste, grâce au renforcement d'un moteur de croissance autonome, tournant autour du couple emploi-consommation." "Le sentier de croissance emprunté par l'économie américaine ne permet néanmoins pas de combler rapidement l'output gap et la reprise a jusqu'à présent été trop pauvre en emplois pour générer une diminution notable du taux de chômage. Cela implique la persistance d'un certain nombre de risques : le développement d'un chômage de masse nuit à la fluidité et à la mobilité de la main d'oeuvre, ce qui constitue un frein à un rebond du marché immobilier. Les transactions s'en trouvent déprimées et les stocks de logements invendus demeurent conséquents. Néanmoins, la diminution des saisies, consécutive à l'arrêt des procédures automatiques dans les banques, devrait prolonger le mouvement de stabilité des prix observé sur l'indice Case Shiller depuis mars, permettant d'éviter qu'il y ait un choc patrimonial sur les ménages." "La confiance des consommateurs demeure sur des niveaux historiquement faibles et incite les entreprises à rester prudentes sur leurs dépenses. Même si ces dernières ont accumulé des liquidités importantes et bénéficient de conditions monétaires et financières particulièrement accommodantes, elles ne devraient pas accroître substantiellement leurs investissements productifs. Elles devraient profiter des liquidités disponibles pour privilégier des opérations de restructurations financières, conduisant à une multiplication des opérations de rachat d'actions et de F&A, une tendance qui n'est pas nécessairement favorable à l'emploi." "L'output gap ne se referme pas assez rapidement pour envisager la résurgence de tensions inflationnistes. L'inflation sous-jacente a atteint +0,6% en octobre, soit le niveau le plus faible historiquement mesuré par le BLS depuis 1961. Le spectre de la déflation, qui plane au-dessus de l'économie américaine ne devrait néanmoins pas se matérialiser. L'évolution des loyers constatée depuis un an en glissement mensuel et la dynamique récente des facteurs de production suggèrent que l'inflation sous-jacente est dorénavant proche de son point bas et qu'elle devrait ensuite reprendre graduellement une tendance haussière." "En dehors du scénario central décrit précédemment, auquel nous adossons une probabilité de réalisation de 70%, le premier scénario alternatif reste celui de la formation de spirales déflationnistes (pondéré à 20% contre 25% le mois dernier). Le faible niveau atteint par l'inflation et son inertie actuelle (vu l'atonie du multiplicateur de crédit) ne peuvent permettre d'évacuer l'hypothèse de trappe à la liquidité. Une telle éventualité a été clairement explicitée par la Fed, puisque c'est pour cela que la banque centrale a décidé d'un QE2." "Ces mesures non conventionnelles pourraient néanmoins générer des dislocations nominales, pour certaines temporaires : les divergences entre inflation totale et inflation sous-jacente pourraient perdurer voire s'accentuer. La variation annuelle des deux indices est presque du simple au double, du fait des tensions sur les prix des matières premières. Il pourrait en résulter une hausse temporaire de l'inflation totale, avant que l'effritement du pouvoir d'achat des ménages ne provoque de nouvelles pressions sur la consommation, et des craintes de rechute économique et de déflation." "Une fracture pourrait se former entre salariés et demandeurs d'emplois, affectant les liens empiriques entre chômage et revenu. Grâce aux gains de productivité réalisés et au maintien de conditions financières accommodantes, les entreprises pourraient concéder des hausses de salaires, tout en restant particulièrement précautionneuses à l'embauche, prévoyant des perspectives de demande structurellement contraintes par le deleveraging et par le développement d'un chômage de masse. Une telle divergence entre la situation des salariés et celle des chômeurs (insiders/outsiders) se traduirait par une inflation supérieure à ce que suggère l'activité réelle." "Les deux cas envisagés ci-dessus auraient à terme des implications totalement différentes, mais ils pourraient revêtir comme dénominateur commun d'impliquer, de manière transitoire, l'émergence d'une thématique de stagflation sur le marché. La situation ne serait néanmoins aucunement comparable aux phénomènes rencontrés au cours des années 70, caractérisés par une situation de plein emploi initiale et une indexation prix-salaires. Les dynamiques récemment observées sur les indices d'inflation et les salaires nous incitent à renforcer la probabilité (de 5% à 10%) de ce scénario. Cette thématique de dislocations nominales reste de plus actuellement largement non consensuelle." "Le risque de dislocations nominales envisagé précédemment pour les Etats-Unis, consécutivement à la mise en place du QE2, prend une ampleur tout autre dans les pays émergents, avec des tensions inflationnistes avérées, obligeant les banques centrales à durcir leur politique monétaire. Par ailleurs, la surliquidité mondiale amplifie les flux de capitaux et conduit à des tensions sur les devises, notamment dans les pays émergents, impliquant en contrepartie des mesures de contrôle des capitaux." "Ces phénomènes font craindre un atterrissage brutal du monde émergent. Les indicateurs avancés ne valident pour le moment absolument pas ce scenario ; ils indiquent au contraire des perspectives de croissance toujours soutenues. En particulier, en Chine, le PIB a augmenté de +9,6%, en glissement annuel au T3 2010, ce qui signifie que la croissance devrait être supérieure à 10% sur l'année, et le PMI manufacturier est ressorti à 54,7 pour octobre, soit son niveau le plus élevé depuis le mois d'avril." AUT/ALO