Les marchés de taux commencent à ressembler aux marchés du crédit

25/01/2011 - 15:41 - Option Finance

(AOF / Funds) - "La politique monétaire américaine entre dans sa phase la plus délicate. Dans la première phase, qui a mené la Fed, et bon nombre de banques centrales, à pousser les taux courts à la baisse, les marchés étaient en terrain connu : elles procédaient à un cycle d'assouplissement monétaire traditionnel. Les craintes de double dip, risquant de précipiter un scénario de déflation ont forcé quelques banques centrales à baisser leurs taux courts vers des niveaux proches de zéro, et à recourir à d'autres moyens", note Amundi dans ses perspectives mensuelles. "Dans la deuxième phase, la Fed a ainsi recherché des taux longs plus bas via un instrument non traditionnel, le quantitative easing (QE). Cette phase n'en avait pas moins des conséquences claires : difficile en effet d'imaginer que les gigantesques programmes de rachat de dette ne se soldent pas par des taux longs nominaux plus bas et durablement bas. La troisième phase, tôt ou tard nécessaire, est sans conteste plus périlleuse : la Fed va rechercher désormais des baisses de taux réels tout en générant des anticipations d'inflation." "Les taux longs réels (mesurés comme la différence entre le taux 10 ans et l'inflation sous-jacente sur un an) sont restés positifs. Il s'agit là d'une différence fondamentale avec les grandes récessions (années 1970 et années 1980) durant lesquelles les taux réels étaient tombés en territoire négatif. Même si la politique de taux d'intérêt bas (favorable aux marchés d'actions) et la politique de rachat de titres via les programmes de QE (favorable aux marchés obligataires) forment une combinaison idéale pour la croissance, le risque va grandissant pour les marchés de taux." "Plusieurs raisons à cela : le regain de croissance et l'éloignement des risques de rechute vont inciter la Fed à abandonner le quantitative easing à la mi-2011, et il sera délicat pour les autorités monétaires de gérer cela sans générer davantage de volatilité sur les marchés de taux. Générer des anticipations d'inflation est un exercice particulièrement difficile à maîtriser, et nul ne connaît par ailleurs les effets à moyen, long terme du QE. Une chose est sûre, l'inflation ne menace pas de surgir à court terme du côté des biens et services." "D'une part, parce que les excès de capacité ne sont pas résorbés. D'autre part, parce que le canal du crédit n'est pas reparti. L'expression faire tourner la planche à billets est d'ailleurs pour partie impropre. Il n'y a en effet pas davantage de billets de banques en circulation dans l'économie. Au total, par un jeu d'écritures, les banques disposent de réserves excédentaires (rémunérées) dans les coffres de la Fed. Toutefois, même si ce n'est pas une menace à court terme, les débats sont ouverts, y compris au sein même de la Fed." "Si l'on peut estimer l'impact du QE sur la baisse de taux longs nominaux (entre 70pb et 120pb selon pays et estimations), il est très difficile d'évaluer l'ampleur de leur hausse lorsque les marchés anticiperont la fin de ces programmes, tant ils ont une fâcheuse tendance à sur-réagir. Le retour de la croissance va de pair avec le creusement des déficits publics. L'accumulation de dettes publiques en réponse à la nécessité de réduire l'accumulation de dettes privées ne peut pas être neutre pour les marchés de taux." "A cause de ces facteurs, les taux d'intérêt ont assez fortement progressé ces dernières semaines, notamment sur les parties longues de la courbe obligataire souveraine. Les investisseurs demandent sans doute un rendement supplémentaire pour prendre en compte les risques d'inflation, la baisse de la qualité de la dette, et le risque sur la devise. Au total, le marché des obligations gouvernementales est devenu très asymétrique (peu de potentiel d'appréciation, beaucoup de risques de perte en capital), une caractéristique réservée habituellement au marché du crédit." "Pourquoi un tel changement ? Précisément parce que l'on se préoccupe désormais bien plus de la qualité du crédit des Etats, et que ces mêmes Etats, par leurs programmes non traditionnels, ont fortement faussé les équilibres du marché des taux, ce qui les rend plus vulnérables qu'auparavant." AUT/ALO