Les changements de discours de la BCE n'annoncent rien du tout (Natixis)

27/01/2011 - 10:19 - Option Finance

(AOF / Funds) - "La hausse du prix des matières premières pousse l'inflation à des niveaux trop élevés au goût des banques centrales. Beaucoup d'entre elles sont d'ailleurs en train de durcir leur politique monétaire. Mais les banques centrales qui augmentent leurs taux ont un point commun : ce sont celles de pays dans lesquelles la croissance est robuste (les grands pays émergents, le Canada, l'Australie, la Nouvelle Zélande, la Suède, etc...)", note René Defossez, de Natixis. "Jean-Claude Trichet a récemment réorienté son discours, en se montrant davantage préoccupé par l'inflation. En zone euro, elle atteint 2,2%, et dépasse donc la limite de 2%. Mais il dit aussi que la BCE ne devrait pas réagir par une hausse des taux directeurs aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'effet de second tour." "La contradiction n'est qu'apparente. Jean-Claude Trichet est obligé de communiquer quand l'inflation totale dépasse 2%, puisque les textes définissent la stabilité des prix en zone euro par une inflation totale inférieure à 2%. Mais en même temps, il est parfaitement conscient que le choc matières premières actuel a l'effet d'une taxe sur la consommation, et constitue donc un frein à la croissance, laquelle n'est toujours pas très robuste. Sans passthrough, le risque inflationniste demeure extrêmement limité." "On peut, pour avoir une première idée de l'importance du passthrough, comparer les comportements des inflations totales et sous-jacentes dans les différents pays. En zone euro, il n'y a aucune ambigüité : si l'inflation totale est effectivement fortement affectée par le comportement du prix des matières premières, l'inflation sous-jacente reste très modérée. Du coup, depuis l'accélération de la hausse du prix des matières premières, l'écart entre l'inflation totale (2,2%) et l'inflation sous-jacente (1,1%) ne cesse de croître." "Enfin, depuis 1999, la corrélation entre l'inflation totale et l'inflation sous-jacente est de 0,4. Le même exercice aux Etats-Unis donne des résultats un peu moins convaincants a priori, puisque l'écart entre l'inflation totale est l'inflation sous-jacente n'est que de 0,7 point. Dans les faits, la situation n'est guère différente de celle observée en zone euro, puisque l'inflation sous-jacente (0,8%) est là aussi environ deux fois plus faible que l'inflation totale (1,5%). D'autre part, les niveaux d'inflation sont plus faibles qu'en zone euro." "Le marché a sanctionné la hausse du prix des matières premières, en particulier celle du brut, par une hausse assez sensible, depuis août dernier, des points morts d'inflation. Celui du TIPS 10 ans a ainsi grimpé jusqu'à 2,4% avant de revenir à 2,3%. Autre évolution remarquable : les points morts d'inflation court terme ont augmenté plus vite que les points morts d'inflation long terme, conduisant à un aplatissement marqué des courbes de points morts d'inflation. En zone euro par exemple, celle-ci est pratiquement redevenue plate, comme avant la crise." "Cette évolution est plutôt rassurante, car elle suggère que le risque inflationniste est un risque concentré sur le court terme, associé presque exclusivement au prix des matières premières. Le marché ne croit pas, pour l'instant, au passthrough ou à une hausse durable du prix de ces matières premières." "Aussi longtemps que les marchés du travail demeureront dégradés (cf les chiffres du chômage en France en décembre) et que, en zone euro et ailleurs, les Etats seront engagés dans de gros efforts de réduction de leurs dépenses, le risque inflationniste restera faible. Les gesticulations de JC Trichet au sujet de l'inflation sont donc normales compte tenu de l'objectif de la BCE, mais annonciatrices de rien du tout." AUT/ALO