Les taux US devraient continuer à surperformer taux euro à court terme

12/04/2011 - 10:44 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Les risques qui pèsent sur l'économie mondiale restent entier, mais les marchés obligataires américains et européens (ceux du centre de la zone euro) n'en bénéficient plus. La tendance à la hausse des rendements à long terme des titres allemands et du Trésor américain est redevenue d'actualité. Alors que les taux en 10 ans ont retrouvé une plus grande corrélation entre les deux rives de l'Atlantique, les parties courtes et intermédiaires vivent des vies totalement indépendantes l'une de l'autre, reflet des évolutions différentes à court terme des politiques monétaires", note Aurel BGC. "Depuis la fin de l'année dernière, les rendements des obligations d'Etat à long terme tendent à converger de part et d'autre de l'Atlantique. Aux environs de 50 points de base à la veille de Noël 2010, l'écart est désormais proche de 10 pb." "Cette tendance est-elle appeler à se poursuivre ? Peut-être à court terme, toujours sous l'influence de la divergence, au moins pour un temps, des politiques monétaires américaine et européenne. Plusieurs arguments portent à conclure que les taux américains à long terme devraient être sensiblement plus élevés que leurs équivalents européens. Si l'on considère les perspectives de croissance et d'inflation, les rendements des obligations d'Etat américaines devraient augmenter assez rapidement, plus rapidement en tous cas que les taux d'intérêt attachés à celles de l'Etat allemand." "Les prévisions de croissance restent en effet supérieures aux Etats-Unis et l'inflation y est plus élevée. De plus, dans un contexte où les obligations européennes font à nouveau l'objet d'une discrimination en fonction des fondamentaux propres à chaque membre de la zone euro, les perspectives d'évolution des finances publiques allemandes semblent plus rassurantes que celles des Etats-Unis. Pourtant, en dynamique, le marché obligataire allemand s'est plus dégradé ces derniers mois que celui des titres du Trésor américain." "La politique monétaire a des effets ambigus sur les écarts de taux longs entre les deux rives de l'Atlantique. La politique américaine d'assouplissement quantitatif engendre des craintes d'inflation à terme. Certains lui attribuent déjà une part de responsabilité dans l'envolée des cours des matières premières. Les bénéficiaires des injections de dollars, c'est-à-dire les vendeurs de Treasuries achetés par la Fed, cherchent des emplois pour leurs liquidités dans un contexte où la demande de crédit des ménages et des entreprises reste faible aux Etats-Unis." "De ce point de vue, d'ailleurs, il n'y a pas de réelle raison que le renchérissement des matières premières pénalise plus les obligations américaines qu'européennes, si ce n'est que le QE a aussi tendance à favoriser la dépréciation du dollar, notamment face à l'euro. A l'inverse, les flux d'achats de Treasuries par le Fed semblent suffisamment importants pour soutenir les titres d'Etat américains à moyen et long terme. Les statistiques de Flow of Funds publiées par la Fed montrent qu'elle a acheté l'équivalent des deux tiers des émissions nettes du Trésor au quatrième trimestre 2010. Et ses achats se sont poursuivis sur un rythme proche depuis le début de l'année." "L'assurance donnée par le Fed après chaque FOMC, au moins jusqu'à présent, du maintien d'une politique monétaire très accommodante apporte aussi un soutien indirect à la partie longue de la courbe américaine des taux. Les taux d'intérêt à court et moyen terme restent en effet très faibles, ce qui implique que la pente de la courbe est très forte. Les écarts de taux entre le trois mois et le 10 ans est sur une pente ascendante et il est revenu au plus haut depuis un an. L'écart entre les rendements des titres à 10 ans et à 2 ans restent proche de ses plus hauts historiques. Le potentiel de dégradation de la partie longue de la courbe américaine des taux en est réduit, via les possibilités d'arbitrages profitables que cette pente de la courbe des taux autorise." "Toute autre est la situation sur le marché obligataire de la zone euro, ou au moins sur le marché allemand et des pays du centre de la zone euro. Le durcissement de ton de la BCE, après la réunion du début du mois de mars de son conseil des gouverneurs consacrée à la politique monétaire, puis le passage à l'acte avec un premier relèvement des taux directeurs annoncé le 7 avril accompagné d'un discours laissant clairement entendre que ce mouvement ne serait sans doute pas isolé, ont provoqué un aplatissement de la courbe des taux par remontée brutale des rendements à court et, surtout, moyen termes. Ce brusque mouvement sur la partie intermédiaire de la courbe allemande des taux d'intérêt a permis une hausse plus marquée qu'aux Etats-Unis des rendements à long terme." "Une partie de ces tensions résulte de débouclages mécaniques d'arbitrages devenus moins profitables et plus risqués en période de durcissement de la politique monétaire. Elles peuvent toutefois aussi s'expliquer par la validation par la BCE des scénarios optimistes sur la zone euro d'une reprise plus solide, si ce n'est plus forte, et de craintes d'un rebond de l'inflation plus durable. Enfin, le Bund allemand, utilisé comme référence pour le centre de la zone euro, peut avoir souffert, et souffrir encore ces prochaines mois, d'une défiance globale liée à la crise des souverains européens." "Des investisseurs internationaux peuvent craindre que l'Allemagne soit amenée à payer pour les pays aux finances dégradées ces prochaines années, ce qui ne manquerait pas de dégrader l'opinion qu'ils ont de la qualité de crédit de l'Allemagne. C'est, notamment, pour éviter que de telles craintes prennent corps sur les marchés financiers et dans l'opinion publique allemande, que le gouvernement germanique s'oppose résolument à toute idée qui pourrait montrer une réelle solidarité financière entre pays de la zone euro." "Le résultat de cette opposition allemande est que les Européens s'orientent vers un Mécanisme européen de stabilité qui comprend une possibilité de restructuration des dettes publiques avec participation des créanciers en cas d'insolvabilité manifeste d'un Etat, plutôt que vers un mécanisme de mutualisation d'une partie des besoins de financement des membres de la zone euro. Il en résultera le maintien d'importants écarts de rendement entre les obligations émises par différents Etats membres d'Euroland." "L'ensemble des ces tendances vont continuer à dominer les mouvements sur les marchés obligataires ces prochaines semaines. A court terme, il devrait en résulter la poursuite de la surperformance de la courbe américaine sur la courbe de la zone euro. La tendance à la normalisation de la politique monétaire européenne semble bien installée. Certes, la BCE ne devrait pas remonter ses taux directeurs à marche forcée, les déclarations de différents gouverneurs (même convaincus de la nécessité de retirer le caractère extrêmement accommodant de la politique monétaire) ne laissent que peu de doutes à ce sujet." "Mais il est certain que la Banque centrale européenne est loin d'estimer avoir rempli sa mission après cette première hausse. Les taux courts devraient ainsi continuer à se tendre. La partie longue de la courbe européenne devrait aussi souffrir de l'incertitude sur l'ampleur de la hausse totale des taux directeurs et, un peu paradoxalement, de la prudence de la BCE dans le relèvement de ses taux directeurs : tant que le mouvement est lent et qu'il n'est pas achevé, le risque d'accélération supplémentaire des prix persiste..." "Parallèlement, l'évolution de la politique de la Fed semble plus incertaine. A court terme, le risque d'évolution brutale de la politique monétaire américaine est faible, mais pas nul. Plusieurs membres du FOMC semblent vouloir demander une réduction du programme d'achat de titres d'Etat de la Fed dès la prochaine réunion du FOMC. Ils restent toutefois minoritaires. Un FOMC partagé est la garantie du maintien du statu quo..." "Les conséquences sur le marché obligataire ne seront pas simples : des tensions devraient résulter de l'augmentation de l'intensité du discours contestataire au sein du Fed, le malaise d'un nombre croissant de membres du FOMC face à une politique qui leur paraît trop expansionniste peut faire que le sentiment d'un retard du Fed sur les tensions inflationnistes devienne dominant." "Au total, des deux côtés de l'Atlantique, les rendements des obligations d'Etat à long terme devraient continuer à augmenter. La hausse pourrait rester plus rapide dans un premier temps dans la zone euro qu'aux Etats-Unis. Mais, à l'approche du FOMC de la fin du mois d'avril, les investisseurs pourraient se montrer de plus en plus nerveux sur le marché américain. Une domination plus importante des faucons sur la scène publique pourrait provoquer un mouvement de bear flatening sur la courbe américaine, les rendements des échéances à 2 ans et à 5 ans augmentent plus sensiblement que ceux du T-Note 10 ans." "Au-delà d'une certaine volatilité justifiée par l'incertitude sur le rythme de durcissement de la politique monétaire européenne et, plus encore, sur le calendrier de début de sortie des mesures de crise aux Etats-Unis, les taux à 10 ans américain et allemand pourraient rester très proches à horizon des trois prochains mois." AUT/ALO