L'Espagne ne sera probablement pas le prochain domino (Natixis)

13/04/2011 - 10:54 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Depuis le début de l'année l'Espagne est le best performer de la zone euro. Le SPGB 10 ans s'est ainsi détendu de 18pbs depuis le début de l'année. Plus intéressant encore, les titres espagnols se sont non seulement décorrélés des titres portugais mais semblent désormais évoluer de concert avec les titres AAA. Le spread contre Bund est ainsi actuellement revenu à 175pbs contre 283pbs fin novembre...", observe Jean Francois Robin de Natixis. "Il reste néanmoins toujours à 53pbs de l'Italie alors que le spread était, logiquement, en faveur de l'Espagne avant la crise du fait notamment d'un excédent budgétaire et d'une notation supérieure (AAA pour Madrid chez S&P avant les deux baisses en 2009 et 2010 à AA, négatif aujourd'hui)." "L'Espagne, en moyenne, traitait ainsi avant la crise en 2007-2008 18pbs sous l'Italie. Pour l'instant le jeu de domino semble donc s'être arrêté à la Raya, frontière entre l'Espagne et le Portugal. Et tant mieux, le poids de la quatrième économie de la zone euro n'ayant rien de comparable à ceux de la Grèce, de l'Irlande ou du Portugal (6% seulement du PIB de la zone euro à eux trois)." "Même si l'EFSF nouvelle mouture à de quoi satisfaire en théorie également aux besoins de financement obligataires de l'Espagne, les caisses seraient vides si Madrid devait être le prochain domino, mettant ainsi en danger le AAA des principaux créanciers. En effet les besoins obligataires de l'Espagne (les besoins de l'Etat) s'élèvent à un peu plus de 250 milliards d'ici fin 2013. Avec les 67,5 milliards de l'Irlande et, disons, 80 milliards pour le Portugal on arrive à 400 milliards." "Si on y rajoute 90 milliards de Letras à refinancer et 50 milliards pour les banques en étant conservateur on obtient un total de 540 milliards environ. On dépasserait ainsi les 500 milliards de l'EFSF et de l'EFSM mais pas les 750 milliards disponibles si on inclut comme il convient l'aide du FMI (en effet l'aide du FMI sera sollicitée en toute circonstance en cas d'intervention de l'EFSF). Reste qu'on serait en présence d'un véritable risque systémique." "Les expositions des banques européennes (hors banques espagnoles) à la dette de Madrid sont sans doute proches de 550 milliards. Plusieurs raisons de s'inquiéter au sujet de l'Espagne demeurent par ailleurs : le chômage à 20%, qui s'explique notamment par le faible niveau d'éducation moyen (un étudiant sur trois, entre 18 et 24 ans, quitte le système sans diplôme), la faible productivité et un taux de croissance qui va mettre du temps à refléter le basculement de son économie." "En effet, l'immobilier continue de plomber les bilans des banques avec en plus des stocks excessifs et des baisses de prix encore limitées (même si le poids de l'investissement résidentiel dans le PIB est revenu vers les 4% soit proche des niveaux de 1995 qui prévalait avant la crise). De même la capacité des régions comme la Catalogne à satisfaire aux objectifs de réduction du déficit continue d'inquiéter. De plus la hausse de la BCE ne va rien arranger, 80% des prêts hypothécaires étant à taux variables (les mensualités s'étaient nettement améliorées avec les baisses de taux décidées pendant la crise)." "Pour autant, un certain nombre d'éléments sont venus rassurer le marché. Le déficit : de 11,1% en 2009, il est passé à 9,2% en 2010 et un objectif de 6% est fixé cette année, ce qui semble assez crédible. En effet sur les deux premiers mois de l'année, Madrid a dégagé un excédent budgétaire. De plus dorénavant les régions doivent demander l'autorisation au gouvernement pour émettre de la dette." "La dette est et restera largement inférieure à la moyenne européenne, même à 70% en fin d'année. Les adjudications se passent plutôt bien à l'instar de la dernière émission du nouveau 3 ans sorti à 3,568% contre 3,59% début mars. El Tesoro a émis un tiers de son programme 2011. Les prochaines grosses tombées ont lieu le 30 avril (19 milliards), en juillet (23 milliards) et octobre (18 milliards) avec au total un poids des tombées/PIB comparable à la France et nettement inférieur à celui de l'Italie ou de la Belgique par exemple." "Les réformes : l'assouplissement du marché du travail et la réforme des retraites (passage à 67 ans) ont été votés ainsi qu'un accord sur la négociation collective et l'innovation (accord du 03/02). Les banques : Moody's chiffrait les besoins de recapitalisation à 50 milliards et au final ce sont près de 15 milliards qui ont été transmis à la Banque d'Espagne suite à une publication des expositions bancaires notamment immobilières imposées par la banque centrale. C'est donc à ce stade un chiffre conforme aux attentes du gouvernement et donc plutôt rassurant par rapport aux craintes véhiculées par les agences." "Et même si l'on prend en compte un chiffre de 50 milliards, cela équivaudrait à moins de 5% du PIB espagnol contre 45% du PIB pour le coût de sauvetage des banques en Irlande par exemple. Rien de comparable donc, a priori. La fusion des Cajas est bien avancée (le nombre est passée de 45 à 17) et toutes devront avoir un ratio core tier one confortable de 10% d'ici septembre... La publication des stress tests en juin-juillet sera cruciale pour confirmer cette tendance." "De plus la dépendance à la BCE s'est nettement améliorée notamment grâce à des titrisations éligibles à la BCE mais non placées, alors que les grandes banques, elles, continuent de bénéficier de la réouverture du marché même sur des maturités plus longues (BBVA a pu émettre de la dette sénior à 5 ans la semaine dernière)." "L'Espagne devrait renouer avec la croissance (+0,6% pour Natixis, +1,3% pour le gouvernement et +0,8% pour le FMI qui prévoit +1,6% pour 2012) comme l'attestent les chiffres positifs du quatrième trimestre, contrairement à la Grèce, l'Irlande ou le Portugal, le rebond de la production industrielle ou celui très net des exportations." "Enfin politiquement il n'y a pas d'élection générale avant 2012 et Zapatero s'est sans doute donné des coudées plus franches en se déclarant non candidat à sa succession. Au final les choses ont l'air objectivement de s'améliorer. La situation bancaire notamment n'a rien à voir avec celle de l'Irlande. Mais il est sans doute prématuré de dire que la crise souveraine va s'arrêter au Portugal et il est clair que le marché va regarder encore plus attentivement les chiffres en provenance d'Espagne." "Et il va être compliqué de distinguer ce qui aura attrait à une consolidation des spreads espagnols après la performance passée et d'éventuelles prises de positions pour tester de nouveau la solidité de la zone euro..." AUT/ALO