(AOF / Funds) - "Dans un contexte de préoccupations environnementales croissantes, de tension sur les prix des ressources naturelles et de volatilité des cours des matières premières, les déchets deviennent une véritable ressource intéressante à valoriser. L'activité de recyclage se professionnalise et se structure progressivement autour d'acteurs clés capables de profiter de fortes opportunités de marché", analyse Thibaud Clisson de BNPP IP. "Le principal catalyseur de la montée en puissance du recyclage est d'ordre réglementaire. L'Union européenne a établi depuis longtemps un objectif général d'augmentation de la part de déchets recyclés à 50% pour les déchets domestiques et à 70% pour les déchets de construction. Mais au-delà de cet objectif général, ce n'est que par l'instauration de directives que le recyclage de certains produits, dont les débouchés n'étaient pas évidents, a véritablement décollé." "La directive DEEE en particulier a transféré la responsabilité de la collecte et du traitement des déchets d'équipements électriques et électroniques aux fabricants et importateurs de ces équipements. Ces fabricants et importateurs ne possèdent pas nécessairement ni l'expertise ni l'intérêt stratégique pour se lancer dans la collecte et le traitement de ces déchets. Ils ont tendance à sous-traiter cette activité, rendue obligatoire, à des experts." "Ces derniers profitent ainsi d'un nouveau marché d'aubaine en pleine expansion. L'obligation légale crée l'opportunité de marché ! La question de la rentabilité économique du recyclage de certains produits n'a plus lieu d'être posée dès lors que la contrainte est là et que le coût du recyclage est intégré au prix du produit." "De manière plus volontaire, plusieurs entreprises, confrontées à une forte volatilité des prix des matières premières et cherchant à sécuriser leur approvisionnement en produits de base, ont créé des filières dédiées à la collecte de déchets et à leur recyclage. Récupérer la matière première à partir de produits usagés plutôt que d'acheter de la matière première neuve peut, en effet, être rentable." "L'exemple de Nexans est emblématique. Les achats de matières premières représentent plus de la moitié des coûts opérationnels du fabricant français de câbles électriques. L'entreprise est notamment sensible à la volatilité des cours du cuivre, matière première essentielle à la fabrication de ses produits. Ces dernières années, le prix spot du cuivre sur le London Metal Exchange a connu une volatilité importante : +15,6% sur 2006, +29% sur 2007, -57,5% sur 2008, +115,6% sur 2009 et +45,3% sur 2010." "Afin de se protéger contre une brusque variation de ses coûts, Nexans a créé en 2008 en partenariat avec Sita (groupe Suez Environnement) la société Recycable spécialisée dans la collecte et la valorisation des câbles en fin de vie. En 2009, Recyclable a permis à Nexans d'utiliser 9.000 tonnes de cuivre recyclées dans ses procédés de fabrication. Actuellement, 16% de sa consommation totale est ainsi sécurisée et moins sensible aux variations de prix de marché du cuivre. En plus de l'intérêt stratégique et environnemental de cette démarche, l'entreprise réduit également sa facture énergétique : en effet, le cuivre recyclé est cinq fois moins énergivore que le cuivre de premier usage." "L'accès à certaines matières premières est limité. La mauvaise répartition à l'échelle de la planète, les risques géopolitiques ou encore l'existence de quasi monopoles dans l'extraction de ces matériaux créent des situations de pénurie néfastes pour les entreprises utilisatrices. Ce qui se passe actuellement sur le marché des terres rares est représentatif. Les terres rares sont un ensemble de métaux entrants dans la composition, entre autre, des éoliennes et des véhicules électriques et qui connaissent de ce fait un engouement important." "La Chine contrôle aujourd'hui plus de 97% de la production mondiale de ces métaux stratégiques et cherche à en limiter les exportations. Ce quasi monopole chinois, couplé à sa volonté de réduire l'offre, est un handicap certain pour de nombreuses entreprises actives sur les industries vertes." "Rhodia, un des acteurs historiques des terres rares mais qui avait délaissé ce marché depuis un certain temps, tente un retour en force au travers du recyclage. Le chimiste français a développé un procédé de récupération des terres rares à partir des lampes basse consommation. Dès 2012, Rhodia souhaite extraire, puis commercialiser ces métaux, qui représenteraient près de 10 % des besoins européens sur certaines de ces terres rares." "Le principal intérêt du recyclage est que la matière première ne manque pas. A elle seule, l'Europe produit 1,6 milliard de tonnes de déchets par an. Bien que l'intégralité ne soit pas récupérable ni valorisable, les possibilités qu'offre le recyclage sont encore loin d'être exploitées. De plus, comme nous l'avons vu, les incitations sont multiples. Gageons que les exemples d'entreprises qui sauront créer de nouvelles activités en lien avec le recyclage de nos déchets vont se multiplier de manière exponentielle. Le recyclage illustre à merveille le concept gagnant-gagnant du développement durable." AUT/ALO