Dettes périphériques : la situation reste fragile (Natixis)

28/04/2011 - 15:14 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Le mois d'avril a été calamiteux pour les dettes de la périphérie. Au final, seule l'Italie et la Belgique ont limité la casse. L'Espagne, qui se situe toujours entre deux eaux, a été pénalisée par les déboires du Portugal et de la Grèce. Cette dernière a continué d'alimenter l'actualité, les commentaires des autorités européennes et du FMI n'ayant pu atténuer les craintes d'une éventuelle restructuration. Ces tensions se sont logiquement traduites par un rebond conséquent des rendements et des spreads intra-UEM", note Cyril Regnat de Natixis. "Le cas le plus épineux reste celui de la Grèce. Les dernières semaines ont finalement officialisé la cassure entre d'une part les investisseurs et d'autre part les autorités européennes. La principale divergence de point de vue porte sur la nature de la crise grecque : de solvabilité pour les investisseurs et de liquidité pour les autorités européennes et le FMI." "Les craintes du marché sont légitimes au regard du ratio d'endettement du pays, le plus élevé de la zone euro à 153% du PIB en 2011 (de nombreuses longueurs devant l'Italie dont le ratio atteindra 120%). Toutefois, un niveau d'endettement élevé ne constitue pas un motif suffisant pour demander une restructuration rapide. Sans tenir compte des spécificités liées au marché des JGB, essentiellement domestique, le Japon, avec un ratio d'endettement de 206%, serait passé à la trappe il y a de nombreuses années." "Le problème de la Grèce est qu'elle ne bénéficie malheureusement pas d'une clientèle aussi captive que le Japon. La crise de liquidité sur la dette grecque est donc réelle, la question en suspens étant de savoir si oui ou non, elle sera permanente. L'évolution des volumes de GGB traités sur la plateforme de trading domestique HDAT vient d'ailleurs confirmer ce constat." "Depuis le début d'année, le volume moyen mensuel traité approche 840 millions d'euros. Les achats de la BCE ne sont pas visibles sur cette plateforme mais compte tenu de l'absence de turnover sur le marché, on peut considérer que ce sont les mêmes investisseurs (ceux qui n'ont pas vendu leurs titres à la BCE) qui subissent, depuis mai 2010, l'envolée des rendements grecs." "Nous avions évoqué à de nombreuses reprises le caractère auto-réalisateur des anticipations du marché. Les demandes d'aide de l'Irlande et du Portugal nous ont d'ailleurs prouvé qu'elles étaient réelles. Toutefois, le cas grec est bien différent puisque ce dernier n'est plus actif sur le marché obligataire (depuis avril 2010). Le PDMA a uniquement maintenu son programme de T-Bills, des titres dont les rendements atteignent les 6%, bien loin des 25% constatés sur le marché secondaire." "Les autorités grecques s'inquiètent bien entendu de l'envolée des rendements obligataires mais en l'absence de retour sur le primaire, le coût de financement du pays reste stable, voire diminue légèrement puisque la Grèce a bénéficié il y a un mois d'une modification des termes de son emprunt (le coût du plan de 110 milliards d'euros a été baissé de 100pb à 4,2% alors que le coupon moyen de la dette grecque est de 4,82%). Les premiers perdants sont donc les détenteurs de GGB, notamment ceux qui valorisent leurs titres en mark to market." "Dans la situation actuelle, les autorités grecques ne sont donc pas prises à la gorge comme ce fut le cas en mai 2010. Elles ont donc moyen d'attendre quelques mois afin de régler l'un des points les plus épineux du dossier grec : le retour sur le marché primaire obligataire en 2012. En effet, dans le cadre du plan d'aide accordé l'année dernière, le pays est censé émettre près de 25 milliards d'euros d'obligations l'année prochaine (75% des tombées). Au regard des rendements actuels, un tel retour est tout bonnement impossible." "L'EFSF, qui pourra théoriquement racheter des titres sur le primaire, pourrait jouer le rôle d'acheteur en dernier ressort pour la Grèce mais, au regard des dissensions entre les pays européens (nécessité de vote à l'unanimité et clivage nord/sud) et l'absence de statut préférentiel pour la facilité, les risques paraissent élevés si la dette devait subir une restructuration. Pour bénéficier d'une rallonge, la Grèce devra certainement apporter des garanties supplémentaires (du collatéral) via notamment un renforcement du programme de privatisations." "Concernant la nature d'une éventuelle restructuration, l'application de haircut par la Grèce sur sa dette est une option que nous ne privilégions pas jusqu'à la mise en place de l'ESM à la mi-2013 et jusqu'à constitution d'un stock de GGB-CACs (Clauses d'actions collectives) suffisamment important. En effet, plus la participation des investisseurs privés à une telle restructuration est importante, plus le coût final pour les pays de la zone euro sera faible." "Qui plus est, en choisissant cette option, la Grèce ouvrirait en quelque sorte la boite de Pandore. La stabilité du système financier européen serait certainement mise à mal, les banques grecques, la BCE (peut-être le porteur de GGB le plus important du marché) et en général les institutions financières européennes étant les principales victimes de cette décision. Le parallèle effectué il y a peu entre l'impact d'une restructuration de Grèce et la faillite de Lehman Brothers constitue d'ailleurs une piqure de rappel à ne pas négliger." "Comme nous l'avions évoqué, les conditions d'une restructuration réussie de la dette grecque semblent loin d'être réunies. D'autant plus que ceci endommagerait presque la capacité du pays à se financer sur les marchés financiers. En termes de restructuration, si le pays devait passer à l'acte, nous privilégions davantage l'idée d'un rééchelonnement de la dette grecque." "L'impact sur le niveau d'endettement global du pays sera moindre puisque ce type de restructuration n'a d'effet que sur le niveau des besoins de financement. Elle permettrait à la Grèce de réduire plus rapidement son déficit (surtout si la charge de la dette est abaissée via une diminution des coupons). Les remboursements cumulés sur les cinq prochaines années avoisinent les 135 milliards d'euros." "Cette solution ne vient pas régler le problème d'endettement de la Grèce mais offre l'avantage d'être moins douloureuse pour les investisseurs. En faisant l'hypothèse que les prix actuels des GGBs n'intègrent pas du tout la possibilité d'un rééchelonnement (ce qui est loin d'être le cas), les papiers courts seraient les principales victimes en termes de valorisation. A l'inverse, les décotes sur les papiers très longs seraient inférieures à 10%." "Au final, la décision de restructurer ou non la dette grecque sera prise ou non par la Commission européenne et le FMI dans le cadre de leur audit trimestriel en mai. Or, tant que les autorités grecques font les efforts nécessaires pour réduire leur déficit à l'instar des 26 milliards d'euros sur 2012-2015 et du programme de privatisations, la CE et le FMI seront tentés d'accorder un délai supplémentaire à la Grèce. Dans tous les cas, le chemin sera long et semé d'embuches. Dans le meilleur des cas, la Grèce pourrait retrouver un niveau d'endettement de 110% d'ici la fin de la décennie selon les projections du gouvernement, un niveau toujours éloigné du seuil de 60%." AUT/ALO