Taux : nouvel élargissement des spreads intra-UEM (Natixis)

19/05/2011 - 11:34 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Un pas a clairement été franchi en Europe, en tout cas au niveau rhétorique. Certains officiels envisageraient désormais une restructuration soft, ou reprofiling de la dette grecque. Selon Jean-Claude Junker, une restructuration soft consisterait en un rééchelonnement et une baisse des taux d'intérêt. Elle se ferait sur une base volontaire. En revanche, une restructuration en bonne et due forme reste un concept tabou", notait René Defossez de Natixis. "Rien n'a été décidé pour l'heure, d'une part parce que la BCE s'oppose catégoriquement à toute solution de ce type, ensuite parce que ce reprofiling a des contreparties : une accélération des privatisations en Grèce, qui devraient atteindre, au minimum, 50 milliards d'euros (la Grèce va d'ailleurs mandater des conseillers dans ce sens), des progrès beaucoup plus significatifs dans la collecte des impôts et dans la réduction des dépenses." "La BCE rejette toute forme (soft ou non) de restructuration. Pour elle, de telles solutions sont très difficiles, voire impossibles à mettre en place. Elles présentent par ailleurs un risque non négligeable pour le système bancaire, surtout s'il devait y avoir contagion à d'autres pays de la zone euro. Sa position n'est pas complètement absurde. Si la restructuration est trop soft, l'intérêt pour la Grèce est faible, et ses problèmes resurgiront tôt ou tard." "Ce désaccord entre les officiels européens a conduit à un nouvel élargissement des spreads intra-UEM : le spread GGB-Bund 10 ans (1269pb) n'est plus qu'à une encablure de son plus haut du 27 avril dernier (1289pb). L'évocation d'une restructuration, même soft, a logiquement conduit, sur la courbe souveraine grecque, à une sous-performance très marquée de la partie courte. Les CDS 5 ans pricent avec une probabilité de 68% un défaut grec." "Que faut-il penser de cette évolution rhétorique, du fait que de nouveaux tabous sont tombés ? La première interprétation possible est que les officiels européens se sont rendus à la position du marché, selon laquelle il n'y a pas de solution à la crise sans modification de la structure de la dette grecque. Cela ne veut pas dire que de telles solutions constituent la solution au problème grec : la Grèce ne va pas améliorer subitement sa compétitivité grâce à un tel réaménagement. Or dans une zone monétaire, les décalages de compétitivité constituent un problème majeur." "Mais cela pourrait rendre le coût des restructurations à réaliser un peu moins insupportable pour les grecs. Ce qui est dommageable à court terme, c'est le conflit ouvert entre la BCE et les autres officiels européens. Les arguments de la BCE sont recevables, ceux des autres officiels européens le sont également. Le risque, c'est donc qu'en cas de restructuration soft le marché partage les craintes de la banque centrale, et qu'en cas de statu quo les investisseurs redoutent une pérennisation de la crise dans sa forme actuelle (impossibilité pour la Grèce de revenir dans le marché, transferts permanents des pays du coeur vers les pays périphériques, etc...)." "En tenant compte des efforts réalisés et annoncés par Athènes, le ratio dette/PIB, qui était de 143% en 2010, va continuer d'augmenter pour atteindre 155% du PIB en 2012. L'année prochaine, le ratio déficit/PIB sera encore de plus de 7%. A cause des efforts de dévaluation interne réalisés par le gouvernement pour essayer d'améliorer la compétitivité de l'économie grecque, le PIB devrait baisser encore de 3% cette année. Autrement dit, les investisseurs ont le sentiment que les efforts réalisés par la Grèce ne permettent pas d'assurer la solvabilité intertemporelle du pays." "Il faut donc faire quelque chose. Le marché price depuis longtemps une restructuration dure (les obligations à 10 ans cotent un haircut de l'ordre de 50%). Psychologiquement, une restructuration douce serait donc acceptable, a priori, pour les investisseurs, même si les conditions de mise en place pourraient être délicates." AUT/ALO