Taux : envolée des rendements grecs (Natixis)

23/05/2011 - 09:57 - Option Finance

(AOF / Funds) - "La réunion des ministres des Finances de l'UEM du début de semaine (dernière, ndlr), qui devait apaiser les tensions au sein de la zone euro, a produit très exactement l'effet inverse. Le déroulement des événements était peu ou prou le suivant : lundi, les officiels européens parvenaient à un accord pour le Portugal (plan de 78 milliards d'euros), mais annonçaient qu'aucun accord n'avait pu être conclu en faveur de la Grèce", note René Defossez de Natixis. "Le lendemain, on évoque pour la première fois la possibilité d'une restructuration douce de la dette grecque, qui consisterait en un rééchelonnement et à une baisse des taux. L'effet de cette annonce n'est pas forcément très positif, puisque cela ressemble beaucoup, pour les autorités européennes, à un constat d'échec (jusqu'à tout récemment, une telle hypothèse était totalement exclue)." "Surtout, ces autorités semblent, une nouvelle fois, donner le sentiment de céder au marché, qui price une restructuration dure (haircuts) depuis longtemps : une obligation grecque à 10 ans émise au pair (100) n'en vaut guère plus que la moitié aujourd'hui, et les spreads de CDS sur les papiers à 5 ans pricent un défaut grec avec une probabilité de 70%." "Mais le plus grave n'est pas là. Le plus grave, c'est qu'apparaît avec une virulence jusque là inconnue une opposition farouche de la BCE aux propositions des ministres des Finances. L'institution monétaire ne veut pas entendre parler de restructuration, aussi douce soit-elle. Parce qu'elle serait inefficace et dangereuse. En particulier, le marché ne se contenterait pas, selon elle, d'une restructuration douce. Très rapidement, il demanderait des haircuts proches de ceux qu'il price actuellement." "La BCE détient par ailleurs une part non négligeable de la dette grecque (45 milliards d'euros), et n'a pas envie d'enregistrer des pertes sur ces actifs. La BCE ne se contente pas de parler : elle menace aussi de ne pas accepter les papiers grecs restructurés en collatéral pour les opérations de refinancement." "Dans ces conditions, l'envolée des rendements grecs, en particulier ceux des papiers à court terme, n'est guère surprenante. Celui du GGB 10 ans a progressé de plus de... 50pb (vendredi), celui des papiers à 3 ans de 85pb ! Les spreads contre les papiers allemands de même maturité atteignent des niveaux records. Les raisons invoqués par la BCE pour refuser une restructuration sont compréhensibles. La question est de savoir quelle alternative il y a, surtout depuis que cette idée a été officiellement évoquée, à une manipulation de la dette grecque." "Celle à laquelle pense la BCE est sans doute celle proposée depuis mai 2010 : un nouveau prêt accordé à la Grèce (50 milliards d'euros) incapable de se refinancer dans le marché (les taux à 2 ans sont à 25%), en contrepartie de nouveaux efforts pour réduire les dépenses, accroître les recettes (en optimisant, en particulier, la levée de l'impôt), et accélérer les privatisation. Mais il semble de plus en plus évident que ce type de deal ne peut plus être de nature à rassurer les marchés. Cela a été tenté à plusieurs reprises depuis un an avec le succès que l'on sait." "Enfin, on sent depuis quelques jours une dégradation du contexte politique en zone euro. Angela Merkel, de manière tout à fait inhabituelle, a ainsi accusé les citoyens des pays du sud de prendre trop de vacances et de partir trop en en retraite... Ce qui a évidemment été assez mal apprécié dans ces pays." "Si l'on est convaincu que le problème de la Grèce est un problème de solvabilité, un des moyens les plus évidents de le résoudre est de réduire le montant de la dette. Mais le plus évident ne signifie pas le plus simple : les banques, les assureurs ou encore la BCE qui portent le risque grec n'ont évidemment pas envie d'enregistrer des pertes correspondant aux haircuts. Et sûrement pas envie de voir une restructuration de la dette grecque conduire à d'autres restructurations dans la zone euro." "La seconde possibilité, qui semble s'éloigner à mesure que les crispations politiques augmentent, serait évidemment d'accélérer l'intégration de la zone euro : création d'un vrai budget européen (qui suppose l'existence d'un vrai gouvernement européen) et son corollaire : création d'une dette européenne, dans laquelle le risque grec se diluerait." AUT/ALO