Portugal : la dégradation brutale de Moody's sonne comme un aveu

07/07/2011 - 16:31 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Moody's a abaissé de quatre crans d'un coup le rating du Portugal à Ba2 en junk, ou catégorie spéculative, avec perspective négative. Lisbonne reste en catégorie investissement chez S&P à BBB-. L'agence met en avant le risque que le Portugal nécessite un deuxième plan d'aide et qu'une participation du secteur privé soit une pré-condition à cela, et le risque grandissant que le Portugal n'arrive pas à réduire son déficit et sa dette comme prévu par l'UE et le FMI", note Jean-François Robin de Natixis. "L'agence considère que le Portugal sera incapable d'emprunter comme prévu dans les marchés fin 2013 à des conditions soutenables et que le pays devrait alors avoir besoin d'un nouveau plan d'aide et que ce dernier demandera sans doute une participation du secteur privé ce qui devrait réduire le nombre d'investisseurs potentiels." "Moody's a toute raison de s'inquiéter. Les atermoiements de la zone euro et l'incertitude quant au traitement du secteur privé ne sont engageants pour les investisseurs tant que la situation n'est pas clarifiée. Pour ce qui est de l'analyse de la situation des finances publiques, la réduction du déficit sur les cinq premiers mois de l'année n'est pourtant pas négligeable avec une baisse de 52% en 2011 par rapport à 2010. L'objectif est de passer de 9,1% à 5,9%." "C'est le deuxième pays de la zone euro à passer en junk après la Grèce, ce qui va avoir pour conséquence de compliquer encore le retour du Portugal sur le marché. Or c'est exactement ce que reproche l'agence au Portugal. Cette décision devrait faire sortir le Portugal de nombreux benchmarks et donc réduire le nombre d'investisseurs potentiels, même si dans les faits beaucoup de desks de trading avaient déjà des limites très réduites." "Si les autres agences devaient suivre, cela pourrait sortir les OT du collatéral accepté par la BCE. Markit a ainsi annoncé ce soir sortir les OTs de son indice Iboxx à la suite du downgrade de Moody's. Fitch devrait prendre une décision sur sa note actuelle de BBB- d'ici la fin du mois. Le risque de refinancement semble plus limité, la BCE s'étant affranchie des agences de rating avec la Grèce en mai 2010, puis l'Irlande en mars 2011 et décidé d'accepter les titres du gouvernement quelque soit leur rating. Une position que la BCE pourrait élargir au Portugal le cas échéant, et ce d'autant plus que le stock de dette est nettement moins important (104 milliards d'OT contre 250 milliards de GGBs)." "Cette décision est une fois encore un peu surprenante en ce qu'elle intervient après la mise en place d'un gouvernement stable et largement élu et quelques jours après l'annonce d'un plan du nouveau gouvernement portugais qui va au-delà de ce qui avait été décidé avec l'UE et le FMI lors de la mise en place du plan d'aide de 78 milliards. Une taxe exceptionnelle de 50% sur les bonus a notamment été adoptée (840 millions supplémentaires attendus) par un large consensus." "En se projetant fin 2013, Moody's met clairement en doute le plan d'aide de l'UE. En s'inquiétant de la participation du secteur privé l'agence s'oppose là aussi aux dernières demandes des gouvernements sur ce point. On se retrouve au final là encore face à un argumentaire sans doute un peu tautologique, largement trend follower et en tout cas fortement auto réalisateur. L'agence s'inquiète en effet des problèmes de refinancement du Portugal qu'elle va aggraver par sa décision de passer la dette en catégorie spéculative." "La révision à la baisse de quatre crans d'un coup en l'absence d'éléments nouveaux atteste soit d'une vision très négative de l'avenir, soit d'une notation précédente totalement inadaptée. En justifiant son downgrade par une anticipation de ce qui va se passer d'ici fin 2013, l'agence essaie sans doute de redorer un blason un peu terni par des notations complaisantes il y a encore un an et demi, où les problèmes structurels (de compétitivité ou de croissance molle) pour le coup non liés aux marchés étaient déjà bien présents mais n'empêchaient pas une note à Aa2 pour le Portugal." "On ne peut pas reprocher aux agences de se projeter dans l'avenir, c'est bien là leur rôle, on peut toutefois regretter le timing et l'ampleur de la dégradation, sans que l'on sache encore la solution arrêtée pour le secteur privé qui devrait être clarifiée d'ici la semaine prochaine ou que l'on dispose du premier rapport du FMI/UE depuis l'adoption du plan le 15 septembre." AUT/ALO