Brésil : tensions sur le marché de l'éthanol (Natixis)

26/07/2011 - 11:31 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Le Brésil est le deuxième producteur et consommateur mondial d'éthanol, après les Etats-Unis. Il représente 38% de la production et plus de 30% de la consommation mondiale, l'essentiel du bioéthanol consommé étant utilisé comme carburant. Le bioéthanol brésilien, produit à partir de canne à sucre, est en concurrence directe avec le marché du sucre raffiné et ces tensions se lisent clairement sur le marché du sucre où les prix ont atteint en début d'année de nouveaux plus hauts", note Natixis. "En raison de l'appréciation du réal brésilien vis-à-vis du dollar américain et du niveau élevé des cours du sucre sur le marché international, la compétitivité du bioéthanol brésilien a été entamée au cours des derniers mois, et les producteurs locaux ont alloué davantage de canne à la production de sucre au détriment de l'éthanol. Le marché domestique de l'éthanol s'est donc tendu depuis le début de l'année." "La baisse de la production locale et la hausse de la consommation domestique ont tiré les prix de l'éthanol brésilien à leur plus haut depuis plusieurs années, dépassant largement les prix de l'éthanol américain entre janvier et mai, ce qui s'est traduit par une forte hausse des importations brésiliennes d'éthanol américain pour satisfaire la demande domestique. En effet, les exportations américaines d'éthanol à destination de ce pays de l'Amérique du Sud ont fortement augmenté l'an dernier : en 2010, le Brésil a importé 70 millions de litres d'éthanol américain, contre 1 million en 2009." "Au Brésil, la récolte de canne à sucre moins abondante que prévu a maintenu le prix de l'éthanol au même niveau que celui de l'essence, en dépit du moindre contenu énergétique de l'éthanol, ce qui signifie que l'éthanol perd sa compétitivité lorsque son prix à la pompe dépasse 70% du prix de l'essence. Le Brésil, qui est un des principaux exportateurs d'éthanol sur le marché international, a vu ses exportations sombrer, passant de 4,7 milliards de litres de litres en 2009 à 1,76 milliard de litres en 2011 et table sur une nouvelle chute à 1,35 milliard en 2012, au plus bas depuis sept ans." "L'industrie des biocarburants a été rendue en partie responsable de la hausse des cours du maïs et du sucre enregistrée depuis le second semestre 2010, sachant que plus de 30% de la production américaine et plus que 50% de la production brésilienne sont alloués à la production de bioéthanol. En Amérique du Sud, la hausse conjuguée des prix du sucre et de l'éthanol a largement contribué à alimenter les tensions inflationnistes que les autorités veulent désormais maîtriser. En effet, l'inflation brésilienne a atteint 6,7% en GA en juin, excédant largement l'objectif national de 4,5%, les carburants représentant 2,5% de l'indice brésilien des prix IPCA." "Actuellement, les révisions à la baisse des prévisions de la récolte brésilienne de canne à sucre menacent l'équilibre du marché domestique entre sucre d'éthanol et carburant. Compte tenu du poids de la canne à sucre brésilienne sur les marchés internationaux du sucre et de l'éthanol, les perspectives de la canne à sucre brésilienne sur le plan des fondamentaux seront un déterminant essentiel des cours du sucre, de l'éthanol et du maïs au cours des prochains mois." "Malgré la hausse des surfaces cultivées pour la saison qui vient de commencer, la production brésilienne devrait diminuer : après avoir atteint un pic du 569 millions de tonnes en 2008-09, la production brésilienne de canne à sucre devrait, selon Unica dont les prévisions ont été revues à la baisse, s'élever à 533,5 millions de tonnes. Plusieurs facteurs expliquent la chute anticipée de la production brésilienne de canne à sucre." "En raison du vieillissement des plants et des champs, les rendements diminuent, selon la Conab, la productivité de la zone cultivée sera de 76 tonnes par hectare, soit une baisse de 2% par rapport aux 77,5 tonnes par hectare réalisées l'an dernier. Les conditions météorologiques défavorables ont également contribué à la baisse des rendements attendus : l'été très chaud et très sec, conséquence de la présence de La Ni[-92]¿a dans la région entre avril et août 2010 et en mai de cette année, a sévèrement affecté le développement des plants." "Plus récemment, les gelées qui ont touché les régions productrices du sud du pays (Sao Paulo, Goi[-96] s et Minas Gerais) ont encore menacé la récolte en cours. La forte augmentation des surfaces cultivées en canne à sucre va se poursuivre au cours de la saison prochaine. La surface plantée devrait atteindre 8,44 millions d'hectares au total : l'Etat de Sao Paulo, qui occupe le premier rang avec plus de la moitié de la production brésilienne, a planté 4,46 millions d'hectares, suivi par le Minas Gerais (740.000 ha), le Goi[-96] s (673.000 ha) et le Mato Grosso do Sul (481.000 ha)." "Le vieillissement des plants est toutefois le principal responsable de la baisse des rendements : certains plants sont désormais dans leur douzième saison alors qu'ils auraient dû être remplacés, en moyenne, après leur cinquième saison. Le retard pris dans le remplacement des plants traduit les difficultés financières que rencontrent les fermiers. Pour remédier à cette situation, les autorités ont récemment ouvert une nouvelle ligne de crédit permettant aux producteurs indépendants de remplacer un cinquième de leurs plants de canne à sucre chaque année." "L'Unica, l'association brésilienne l'industrie de la canne à sucre a revu le 13 juillet ses prévisions de production de sucre et d'éthanol pour la saison 2011-12, et prévoit que la production brésilienne de sucre va être inférieure à la production 2010-2011 (33,5 millions de tonnes) et très inférieure aux prévisions initiales (34,6 millions de tonnes). En conséquence, la production d'éthanol sera également inférieure à la production de l'an dernier (25,4 milliards de litres ou 6,7 milliards de gallons)." "Dans la région Centre-Sud, 533,5 millions de tonnes de cannes devraient être broyées, en baisse de 6,2% par rapport à l'estimation de 568,5 millions de tonnes faite en mars dernier, et de 4,2% par rapport aux 556,95 millions de tonnes broyées en 2010-2011. Selon l'Unica, 46,9% de la canne à sucre traitée ira à la production de sucre, soit légèrement plus que les 44,9% enregistrés l'an dernier, et le solde (53%) sera destiné à la production d'éthanol (en baisse de 2% par rapport aux 55% de l'an dernier. La production de sucre est donc attendue à 32,38 millions de tonnes, en baisse de 3,4% par rapport aux 33,5 millions de tonnes de l'an dernier." "La production brésilienne de bioéthanol pour 2011-2012 devrait diminuer de 11,2% en GA, passant de 25,38 milliards de litres à 22,54 milliards de litres. Ce total se décompose en 14 milliards de litres d'éthanol hydreux (en baisse de 22%) et 8,55 milliards de litres d'éthanol anhydre (en hausse de 15% en GA). Du côté de la demande, la consommation brésilienne de bioéthanol est restée forte : elle représente plus de 95% de la production domestique, ayant été récemment tirée par les fortes ventes de véhicules flex-fuel. Sur la base de ces fondamentaux (forte demande et offre limitée), la situation semble particulièrement favorable à moyen terme pour les prix du sucre et de l'éthanol." "Tentant de maîtriser les tensions inflationnistes, en partie alimentées par le niveau élevé des cours du sucre, la présidente Dilma Rousseff a annoncé une réduction de la proportion minimale d'éthanol anhydre devant être incorporée dans l'essence qui passerait de 25% à 18 à 20% (à partir d'août). L'ajustement de ce minima est souvent nécessaire entre les récoltes lorsque le prix de l'éthanol est orienté à la hausse. " "De nouvelles règles s'appliqueront également à partir d'août : en vue d'éviter la pénurie d'éthanol enregistrée le mois dernier, les autorités publiques, via l'Agência Nacional do Petr[-94]¢leo (ANP) obligeront les distributeurs à constituer des stocks de biocarburants et encourageront la conclusion de contrats à long terme entre les producteurs et les raffineurs. A la mi-juillet, 70% de l'éthanol anhydre échangé au Brésil faisait déjà l'objet de contrats à long terme et l'objectif de l'ANP serait de favoriser la conclusion de tels contrats pour les 30% restants." "Les producteurs de bioéthanol anhydre devraient conserver, au 1er mars l'équivalent de 8% de leur récolte d'avril de l'an dernier, et les distributeurs détenir à la même date un stock d'essence correspond à quinze jours de ventes moyennes entre novembre et janvier. Si elle est favorable à la stabilité du marché domestique, la tendance à la conclusion de contrats à long terme pourrait fortement réduire le volume d'éthanol brésilien disponible à l'exportation." AUT/ALO