Hétérogénéité dans le découplage des émergents (Natixis)

20/09/2011 - 17:17 - Option Finance

(AOF / Funds) - "Les perspectives de croissance pour l'économie mondiale se détériorent sous l'effet de l'aggravation de la crise de la dette en Europe et du ralentissement aux Etats-Unis. Pour autant, malgré l'anticipation d'une certaine décélération dans les émergents, les prévisions de croissance restent élevées, contrastant avec celles des économies développées. Ainsi, selon nos prévisions, la croissance du PIB devrait être de 5,8% et 5,4% en 2011 et 2012 pour les émergents (y compris Russie et Opep) contre 1,6% et 1,4% pour les Etats-Unis, l'UE-15 et le Japon", note Natixis. "Ces bonnes perspectives pour la croissance des émergents s'expliquent surtout par la dynamique domestique. La consommation privée et l'investissement progressent à un rythme soutenu, contribuant fortement à la croissance du PIB." "D'une part, le potentiel de marché interne en progression, les besoins en infrastructures ainsi que les perspectives favorables sur les prix des matières premières (pour les exportateurs) tirent l'investissement. D'autre part, la bonne évolution des marchés du travail et un niveau d'endettement initial relativement faible favorisent la consommation privée." "Ensuite, la période récente a aussi été marquée par l'augmentation du commerce sud-sud et par conséquent, une diminution du poids des pays industrialisés dans les exportations des émergents. Ainsi, les exportations des émergents non pétroliers vers les Etats-Unis, l'Europe et le Japon ne représentent plus que 14% de leur PIB. Dans ce cadre, malgré l'atonie de la croissance dans les économies développées, les moteurs propres aux émergents devraient leur permettre de maintenir une croissance honorable." "Néanmoins, l'évolution de la conjoncture internationale pourrait aussi impliquer une hétérogénéité accrue dans l'évolution des économies émergentes. En effet, en raison de leur insertion internationale ou la dynamique de la demande domestique, certains pays apparaissent plus vulnérables à un ralentissement dans les économies développées, laissant penser que le decouplage serait en fait restreint." "Ainsi, ceux dont les échanges commerciaux, les flux touristiques ou les transferts d'argent sont fortement associés à l'activité dans les économies industrialisées pourraient connaître un ralentissement plus marqué. C'est le cas du Mexique, par exemple, dont le cycle économique est fortement corrélé à celui des Etats-Unis ou de la Bulgarie et de la Roumanie pour qui l'Europe du sud (Grèce, Italie...) est un partenaire commercial important. Les pays importateurs nets de matières premières et où la demande domestique est plus modérée seront également plus vulnérables." "Par ailleurs, outre les échanges commerciaux, le canal financier pourrait être un vecteur de contagion des difficultés des pays de l'OCDE aux émergents. En effet, alors que ces derniers connaissent depuis environ deux ans de fortes entrées de capitaux étrangers, un choc de confiance pourrait conduire à des sorties massives de capitaux déstabilisant les marchés financiers locaux comme cela a été le cas à la suite de la faillite de Lehmann (09/2008) même si les émergents ont renforcé leur solidité financière et disposent d'importantes réserves de change." "L'évolution des marchés financiers émergents dans la période récente témoigne bien de leur réaction aux mauvaises nouvelles sur l'économie mondiale. Ainsi pendant la panique boursière de juillet-août 2011, les émergents n'ont pas été épargnés, enregistrant une chute des marchés boursiers et une dépréciation de leurs monnaies." "Alors que les afflux de capitaux internationaux contribuent à alimenter l'offre de crédit domestique et à gonfler le prix des actifs, un retournement de ces flux aurait nécessairement un impact sur les conditions monétaires dans les émergents voire sur l'investissement pour les pays où l'IDE contribue fortement à son financement (Amérique latine par exemple). Les pays ayant un taux d'épargne élevé (Asie) seraient sans doute moins pénalisés." "Même si les émergents ont un certain nombre d'atouts pour garder une croissance relativement forte en dépit de la morosité des marchés développés, ils sont néanmoins confrontés à de nombreux défis en termes de politique économique. D'abord, dans un climat d'incertitudes sur l'économie mondiale, ils font face à une volatilité importante sur leurs marchés financiers." "D'autre part, l'ampleur du ralentissement mondial est difficile à anticiper et pose des dilemmes en termes de mise en oeuvre des politiques monétaires et budgétaires. Ainsi, face à la dégradation des perspectives internationales, le Brésil a surpris les marchés en entamant sans marquer de pause, un cycle de baisse du taux de politique monétaire début septembre face aux craintes concernant une décélération forte de l'économie. Pourtant l'indicateur d'activité économique pour juillet paru ensuite a surpris à la hausse et les pressions inflationnistes persistent. Cet écart de dynamisme entre nord et sud sera également associé à une réduction des excédents commerciaux (Asie) voir à un creusement des déficits courants qui posera la question de leur financement (plusieurs pays d'Amérique latine, Turquie)." "Enfin, si les investisseurs internationaux maintiennent leurs perspectives positives sur les émergents, les capitaux continueront à affluer vers ces marchés dans un contexte où les politiques monétaires dans les économies développées vont rester durablement accommodantes. La gestion conjointe de l'inflation (pression de la demande domestique alimentée par le crédit) et de l'appréciation du change tant du point de vue de la compétitivité que des déséquilibres financiers qu'elle peut engendrer resteront alors des défis pour la politique économique dans les émergents." "L'expérience historique montre que le cycle de croissance des émergents est fortement corrélé avec celui des industrialisés, en particulier dans les phases descendantes. Ainsi, alors que les relations commerciales nord-sud restent importantes et que l'intégration financière s'est accrue, une évolution fortement défavorable de la Triade aura nécessairement un impact sur les émergents, conduisant à un ralentissement de leur activité. Pour autant, du fait d'une croissance pré-ralentissement plus élevée et du dynamisme de la demande domestique, celle-ci devrait rester solide en 2011 et 2012 avec tout de même un risque baissier en cas d'approfondissement plus marqué de la crise dans les pays de l'OCDE." AUT/ALO