OAT : tout le monde en veut. Est-ce bien raisonnable ? (E.Faïk, AFIM)

22/06/2012 - 17:43 - Sicavonline - Emmanuel Faïk (AFIM)
OAT : tout le monde en veut. Est-ce bien raisonnable ? (E.Faïk, AFIM)

Beaucoup l'annonçaient : la victoire de François Hollande devant Nicolas Sarkozy marquerait le début de la fin pour les emprunts d'Etat français qui, à l'instar des obligations souveraines italiennes ou espagnoles, verraient leur taux bondir . Il n'en a rien été. Les OAT ont toujours le vent en poupe. Les investisseurs ont-ils raison de leur accorder encore leurs faveurs ?

Fin mars, Valérie Pécresse, la ministre du budget de feu le gouvernement Fillon, déclarait : « J'ai l'impression que les Français ont le choix entre le modèle allemand [...] et le modèle grec »(1). L'élection d'un Président socialiste aurait donc dû être fatale aux OAT, les obligations souveraines françaises. Les marchés en ont décidé autrement. Le rendement à 10 ans est tombé à presque 2% le 1er juin - soit le niveau moyen de l'inflation sur les 10 dernières années - ce qui représente un gain de plus de 7% pour le porteur de ces titres alors que dans le même temps, le CAC 40 reculait de 2%. Qu'y a-t-il donc derrière l'engouement des investisseurs pour nos obligations, alors que la crise de la dette semble encore empirer ? Tout d'abord, l'alternance aura certainement des conséquences sur l'orientation des politiques économiques mais ne change pas fondamentalement la capacité de l'Etat français à rembourser sa dette : la trajectoire des déficits dépend principalement d'éléments structurels (taux d'imposition, protection sociale) qui ne peuvent être modifiés que marginalement. Aussi, le nouveau duo en charge des finances publiques, Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, s'est engagé à respecter les réductions de déficits promises à l'Europe par le gouvernement précédent soient 4.5% du PIB en 2012 puis 3% en 2013. Cette continuité a rassuré les investisseurs, après les déclarations du candidat Hollande qui pendant sa campagne avait promis de renégocier le pacte budgétaire européen. Par ailleurs, l'évolution de la réglementation bancaire pourrait, elle aussi, concourir à maintenir des taux faibles : les accords de Bâle III prévoient en effet d'inciter les établissements de crédit à investir dans des actifs liquides et sûrs d'ici à 2015. Les estimations de Morgan Stanley pour les achats de banques françaises atteignent 400 milliards d'euros, soit près de deux fois le montant (brut) que la France émettra sur la période (2) ! Les investisseurs étrangers, principaux détenteurs de la dette française, continuent donc d'afficher une confiance qui apparait inébranlable : l'écart de taux avec l'Allemagne est resté stable, entre 1 et 1.5%, sur 2012 alors que l'Italie souffre d'une prime de risque qui approche de nouveau les 5%. Peut-on toujours investir les yeux fermés sur les OAT dans le contexte actuel ? Certaines incertitudes demeurent et incitent à la prudence. Tout d'abord, les ressorts économiques internes sont défavorables : le chômage continue d'augmenter (au plus haut niveau sur 15 ans) tandis la confiance des entrepreneurs et des ménages s'affaiblit. De plus, la France n'exporte pas autant que l'Allemagne : l'absence d'efforts de compétitivité nous coûte cher, alors que notre voisin d'outre-Rhin bénéficie pleinement de la croissance robuste qui prévaut en dehors de l'Europe. Mais d'autres éléments sont plus inquiétants : le nouveau gouvernement doit réduire le déficit public certes, mais on ignore toujours comment ! Ou plutôt, on sait que ce sera « sans austérité supplémentaire » (3) alors que les montants à recouvrir sont massifs : en 2011, le déficit était de 90 milliards d'euros, soit 3 000 euros par Français actif ! L'objectif de comptes équilibrés en 2017 paraît d'autant plus difficile à atteindre... Les rendements obligataires français, aujourd'hui remontés à 2.50% pourraient donc être trompeurs : sans stratégie claire pour réduire les déficits, ou si les engagements ne sont pas respectés, nul doute que les marchés exigeront de la France des taux bien plus élevés. Pour l'Italie, tout s'était joué en quelques semaines à l'été 2011 et la confiance alors perdue n'est toujours pas revenue, malgré les réformes douloureuses engagées depuis. Rappelons qu'au travers des fonds en euros des assurances-vie, l'épargne des ménages est très investie dans les obligations du Trésor : si les Français profiteront peut-être de la relance budgétaire, ils en partagent certainement les risques ! Emmanuel Faïk, Avenir Finance Investment Managers (1)Interview au journal Le Monde, 30 mars 2012 (2 )New Opportunities, Morgan Stanley Research , 30 Mars 2012 (3) P. Moscovici, 14 Juin 2012, source Bloomberg

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