Interview AOF - GEMALTO Philippe Vallée - Directeur Général Adjoint

18/11/2014 - 11:12 - Option Finance

(AOF) - Gemalto a connu un mois d'octobre mouvementé en Bourse à la suite de l'annonce d'Apple sur le lancement d'une carte SIM embarquée. Son Directeur général adjoint Philippe Vallée est revenu pour Agence Option Finance sur ces évènements, mais aussi sur les métiers du groupe technologique et son plan stratégique.

AOF :

L'action Gemalto a connu récemment des séances boursières difficiles à la suite de l'annonce par Apple du lancement d'une carte SIM embarquée. Les investisseurs s'inquiètent d'un possible impact négatif de ce projet sur votre activité télécoms, qui est à l'origine d'une part importante de vos profits. Quelle est votre réaction ?

Philippe Vallée :

Les perturbations que l'action a connues s'expliquent par une confusion bien orchestrée par les vendeurs à découvert qui transforment n'importe quelle actualité en mauvaise nouvelle. Si les marchés financiers sont très utiles aux entreprises en leur permettant de se financer, ils ont aussi leurs côtés sombres, comme ces pratiques. Sur le plan industriel, les annonces d'Apple sont une très bonne nouvelle pour nous. C'est l'illustration d'une tendance que nous avons prévue et bien expliquée dans notre plan stratégique présenté l'année dernière : la prolifération des éléments sécurisés dans les objets et même les équipements industriels. Jusqu'à présent, les cartes SIM étaient principalement présentes dans les téléphones portables. Elles vont se répandre dans les tablettes, les ordinateurs portables et même des équipements comme les voitures. Cela veut dire que le marché grossit ! C'est une des 10 opportunités identifiées de notre plan stratégique mais pas seulement...

AOF :

Ne pensez-vous pas également que l'insuffisante compréhension de vos activités par certains investisseurs a joué un rôle ?

Philippe Vallée :

Beaucoup d'investisseurs comprennent ce que fait Gemalto mais il est vrai que c'est un effort constant car nos technologies sont complexes. Notre visibilité a augmenté au cours de ces deux dernières années et nous devons expliquer davantage nos activités à un nombre plus important de personnes. Aujourd'hui, Gemalto ne vend pas ses solutions au grand public, mais les fournit à des banques, des opérateurs télécoms et des gouvernements. Quand notre société installe dans des cartes bancaires des algorithmes de plus en plus sophistiqués pour authentifier le porteur de la carte et réduire la fraude, notre principale cible de communication est en toute logique, nos clients directs.

AOF :

Pouvez-vous nous détailler vos activités télécoms ?

Philippe Vallée :

Notre gamme de produits est très vaste, elle va des cartes SIM les plus simples aux plus sophistiquées, avec un positionnement fort sur le haut de gamme. Une carte SIM contient un système d'exploitation, que nous fournissons et qui lui permet d'être intelligente, et des données, avec la sécurité requise, qui lui permettront de se connecter au réseau ad hoc. Les cartes bas de gamme contribuent relativement peu à notre rentabilité. Entre une carte rudimentaire prépayée et une carte très sécurisées permettant aussi de réaliser des paiements, le rapport de prix est de 1 à 10. L'essentiel de la rentabilité vient des cartes intelligentes téléchargeables à distance. Une carte SIM pour la téléphonie mobile 4G doit contenir par exemple l'ensemble des paramètres permettant à un abonné de se connecter sur le réseau, aussi bien pour la voix que pour Internet. Gemalto a installé des plates-formes de service qui permettent de télécharger à distance ces paramètres sur cette carte SIM. Les données téléchargées peuvent aussi être un ticket de transport ou des moyens de paiement. Les opérateurs nous demandaient traditionnellement d'intégrer ces données dans nos usines, mais elles sont désormais chargées de plus en plus a posteriori grâce aux technologies de télégestion. Notre division télécoms comprend également le segment " machine to machine " ou communication entre machines. Nous fournissons par exemple aux constructeurs automobiles une carte SIM et un module de connectivité qui permettront en cas d'accident de générer un appel de détresse.

AOF :

Qui des services ou des produits se développent actuellement le plus rapidement ?

Philippe Vallée :

Les services enregistrent la croissance plus rapide, + 26% à 66 millions d'euros au troisième trimestre, car l'activité produits est déjà beaucoup plus développée. Son chiffre d'affaires sur cette période s'est en effet élevé à 264 millions d'euros.

AOF :

Sur quels piliers reposent vos objectifs 2017 ?

Philippe Vallée :

Ils reposent de façon relativement égale sur quatre secteurs d'activité : les télécoms dont nous venons de parler, les moyens de paiement, les pièces d'identité demandées aux citoyens par les gouvernements et l'identification pour les entreprises. Dans ces quatre domaines, Gemalto fournit des solutions physique comme des badges, des cartes d'identité... Mais nous fournissons aussi des solutions logicielles qui permettent la gestion du cycle de vie de ces produits. Si, par exemple, vous émettez un passeport, il sera nécessaire de collecter des données d'identification comme l'empreinte de l'oeil, l'empreinte digitale... Pour un badge, vous aurez besoin de renouveler régulièrement les certificats qui y sont attachés. La raison pour laquelle Gemalto mise sur ces quatre marchés est qu'ils sont très peu pénétrés et sont appelés à enregistrer une forte croissance. Il y a par exemple dans le monde peu de permis de conduire ou de cartes grises basés sur des cartes à puce ou des technologies équivalentes. Leur croissance est donc très importante. Prenez les moyens de paiement : il existe encore des pays, comme la Chine et les Etats-Unis, qui n'ont pas complètement migré vers les cartes à puce. En global, cela représente des centaines de millions d'utilisateurs et des milliards de cartes à émettre sur les années à venir. De même, les entreprises sont, elles aussi, sous-équipées en matière de sécurité.

AOF :

Quelle est la sensibilité des résultats de Gemalto aux variations des changes ?

Philippe Vallée :

Bien sûr, les variations des taux de change ont un impact sur les résultats de Gemalto car nous sommes une entreprise très internationale. Mais nous en limitons les effets grâce à une excellente performance sur le terrain, un strict contrôle des coûts et une couverture de change efficace.

AOF :

Vous avez annoncé l'acquisition de Safenet début août. Où en êtes-vous dans ce dossier et pouvez-vous nous rappeler l'intérêt de cette opération pour Gemalto ?

Philippe Vallée :

Safenet développe des technologies de cryptage qui permettent de protéger les bases de données des entreprises. Les attaques dont les entreprises et les banques font l'objet sont de plus en plus ciblées. Elles visent par exemple à s'emparer des données personnelles contenues dans les fichiers clients. Mais si cette base de données est cryptée, les fraudeurs ne pourront rien en faire. L'opération devrait être clôturée dans les prochaines semaines, nous attendons encore les autorisations du gouvernement américain et des autorités anti-trust de différents pays. Nous pourrons alors commencer l'intégration. Propos recueillis par Christophe Jégu.

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LE SECTEUR DE LA VALEUR

Electronique

Selon le cabinet d'études GfK, les dépenses en biens d'équipement de la maison ont poursuivi leur baisse en France au deuxième trimestre. Le chiffre d'affaires du secteur a atteint 6 milliards d'euros, en recul de 5,5% par rapport à la même période de 2013. L'activité de l'électronique grand public a progressé de 3,2% mais le marché de la photographie a chuté de 22,4%. Sur ce marché en berne, la chute des ventes est la plus significative pour les compacts numériques, qui ont perdu un tiers des volumes commercialisés sur un an. Seuls les appareils hybrides (compacts avec objectifs interchangeables) bénéficient d'une activité qui demeure dynamique début 2014. Le marché de la télévision a quant à lui bénéficié de la Coupe du Monde de football et des soldes. Le chiffre d'affaires a donc augmenté de 11% sur la période, avec notamment un démarrage des ventes de TV Ultra Haute Définition. Les modèles 3D et les grands écrans se sont également bien vendus. FTB/ACT/