Bruno Cavalier, Oddo Securities
En dépit des efforts déployés par les autorités monétaires et gouvernementales, les marchés financiers peinent à retrouver leur calme. Bruno Cavalier, chef économiste d'Oddo Securities, juge cependant que les réponses apportées à la crise de la dette souveraine vont dans le bon sens mais que leurs effets ne se mesureront que dans le temps.
Ce plan de 750 milliards d'euros qui est censé apporter un financement à un pays qui ne serait plus en mesure d'en trouver dans des conditions supportables m'apparaît de par son ampleur en mesure d'atteindre son objectif.
Le problème est que les responsables politiques européens ont complètement perdu la main sur le calendrier parce que leurs promesses n'ont pas été suivies immédiatement d'action. En tergiversant pendant des semaines sur ce qu'il convenait de faire, ils ont fait monter l'angoisse et, par ricochet, le niveau d'exigence des marchés financiers. La crise grecque aurait pu être contenue, à défaut d'être totalement résolue, avec seulement 30 milliards d'euros, si le problème avait été traité, aussitôt qu'il s'est posé, fin d'année dernière. Faute de quoi, l'Europe a mis 110 milliards sur la table six mois plus tard pour sauver la Grèce et les marchés n'ont pas été pour autant rassérénés.
« La crise grecque aurait pu être contenue avec seulement 30 milliards d'euros, si le problème avait été traité, aussitôt qu'il s'est posé, fin d'année dernière. »
Mais cette lenteur des politiques européens à accompagner les paroles d'acte ne procède-t-il pas du clivage qui les sépare parfois dans leur vision du modus vivendi européen ? Les décideurs politiques en Europe ont, effectivement, été partagés, dans le fond, quant au diagnostic et aux prescriptions à apporter au mal grec. Il existe entre eux une fracture, sur ce que doit être l'Europe de demain et la gestion des problèmes budgétaires. Cette fracture tend à se réduire mais demeure cependant en arrière plan, entre d'une part ceux qui comme la France veulent beaucoup de solidarité et d'autre part ceux qui comme l'Allemagne y rechignent et souhaitent même punir les contrevenants aux règles communautaires. Ce clivage n'est pas de nature à faciliter la lecture par les marchés de la politique économique européenne.
Tout d'abord la restauration de la confiance nécessite du temps, dans la mesure où chacun doit comprendre que la crise de la dette publique n'a pas de solution immédiate. Les solutions à ce problème doivent s'inscrire dans la durée. Or, les marchés ne veulent pas toujours accorder du temps. Pour qu'ils en concèdent, il faut leur donner des gages d'une réelle volonté politique de résoudre le problème de la dette publique.
« Le problème de l'assainissement des finances publiques ne date (...) pas d'hier et les marchés en concluent que si le politique n'a pas un couteau dans les reins, il fait des promesses, mais trouve toujours une bonne raison de ne pas les tenir. »
Et en la matière l'Europe a bien souvent failli. Rappelez-vous les promesses du pacte de stabilité et de croissance : tous les pays se sont engagés à avoir à un horizon de cinq ans l'équilibre budgétaire. Ces promesses remontent à la fin des années 1990, lorsque la zone euro a été créée. Dix ans plus tard, soit deux fois le délai fixé, elles n'étaient toujours pas tenues dans beaucoup de pays, dont la France. Le problème de l'assainissement des finances publiques ne date donc pas d'hier et les marchés en concluent que si le politique n'a pas un couteau dans les reins, il fait des promesses, mais trouve toujours une bonne raison de ne pas les tenir. D'où la pression exercée sur les Etats les moins vertueux, et la nécessité pour ces derniers de s'attaquer au problème par des plans d'austérité. Il n'y a pas d'échappatoire pour ces Etats, hormis de faire défaut. Mais, en l'espèce, le risque encouru est trop grand. Dans un monde idéal sans stress, il serait possible d'envisager un défaut ordonné d'un Etat. Cela est difficilement envisageable avec les niveaux d'anxiété présents car nul n'est capable de mesurer les dommages potentiels qu'un défaut provoquerait aujourd'hui.
La zone euro n'est sans doute pas une zone monétaire optimale mais cette union monétaire n'a que onze ans. Il est difficile de comparer son efficacité face aux crises avec l'efficience des Etats-Unis, s'il s'agit en la matière du point de référence. En outre, depuis vingt ans, la zone euro a plutôt fabriqué de la convergence : elle a été un facteur d'élévation du niveau de vie des pays les plus en retard. Elle a aussi été un facteur de stabilité jusqu'à ces derniers mois. Comment les pays européens auraient-ils traversé la crise économique et financière de 2008/2009 sans une monnaie unique ? En revanche, la crise met le doigt, vous avez raison, sur un certain nombre de défaillances de l'architecture institutionnelle européenne et souligne la réticence d'un certain nombre à se conformer à cette architecture européenne. Mais si nous n'avions pas la zone euro, quelle serait l'alternative ? Lors des phases aigues de la crise de 2008/2009, nous aurions eu des pays qui auraient été individuellement soumis à une pression extérieure beaucoup plus forte croyez-moi, s'ils n'avaient pas été dans la zone euro.
Il faut selon moi, sans pour autant passer par le fédéralisme intégral, établir un mécanisme de transfert fiscal et budgétaire, pour faire face à des chocs qui ne touchent pas tous les Etats, au même moment, avec la même intensité. C'est ce qui se dessine aujourd'hui avec le fonds européen de stabilité financière. Toutefois il faut que ce dispositif ne soit pas provisoire mais s'installe dans la durée.
« L'Europe n'existe pas vraiment politiquement, c'est un fait, mais si nous en revenions à nos individualités nationales, compterions-nous davantage ? »
Il ne s'est pas complètement dissipé mais il me parait faible. Le liant politique entre les nations est très fort. Les Européens sont bon an mal an conscients que l'union fait la force.
Pour l'heure, l'Europe n'existe pas vraiment politiquement, c'est un fait, mais si nous en revenions à nos individualités nationales, compterions-nous davantage ? J'en doute car il faut se rendre à l'évidence l'Europe est composée de puissances secondaires qui ne peuvent espérer faire vraiment entendre leur voix dans le concert des nations que si elles sont unies.
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