Laurent Berrebi, Groupama AM
Si, à son corps défendant, la Grèce a copieusement occupé le devant de la scène européenne ces derniers mois, l'Espagne, à en croire Laurent Berrebi, le chef économiste de Groupama AM, constitue le véritable maillon faible de la zone euro. Et cela pour une raison essentielle : les politiques économiques qui lui sont appliquées sont inadaptées aux maux dont elle souffre.
L'Espagne souffre d'un endettement considérable de son secteur privé, qui dépasse les 300 % du PIB. Les ménages doivent logiquement se désendetter, ce qui a un impact récessif. Dans ces conditions, la puissance publique espagnole devrait aider à amortir ce choc en se substituant à la demande privée. C'est l'inverse qui se produit. En cette période de transition marquée par une contraction de l'endettement privé, l'Espagne s'est engagée dans une politique d'austérité au lieu de mener une politique de relance. Madrid réduit les dépenses publiques, abaisse les salaires des fonctionnaires et augmente la fiscalité, notamment au travers de la TVA, alors même que le chômage est à des niveaux historiques et que les ménages espagnols peinent à rembourser leur dette.
Attaquer le pouvoir d'achat des ménages, quand ils sont pris à la gorge, c'est clairement ce qu'il ne faut pas faire. Le gouvernement espagnol mène, de fait, une politique déflationniste qui ne fait qu'amplifier la déflation par la dette (NDLR : la crise 1929 est une bonne illustration de déflation par la dette : les ménages très endettés ont vendu massivement leurs actifs afin de rembourser leurs dettes, mais ces ventes généralisées ont abouti à une chute constante des prix des actifs vendus et, partant, accru indirectement la valeur réelle de la dette). L'Espagne ne pourra pas dans ces conditions s'en sortir seule. Elle a besoin d'une croissance économique mondiale forte mais surtout de la solidarité européenne. Si les autres États européens ne prennent pas à leur charge une partie des coûts d'ajustement auxquels doit faire face l'économie ibérique, la crise grecque, à côté de la crise espagnole, ressemblera à une aimable plaisanterie.
« Attaquer le pouvoir d'achat des ménages, quand ils sont pris à la gorge, c'est clairement ce qu'il ne faut pas faire. Le gouvernement espagnol mène (...) une politique déflationniste qui ne fait qu'amplifier la déflation par la dette. »
En Grèce, le problème n'est au fond qu'un problème de transfert entre le secteur privé et le secteur public. Le secteur privé grec est le moins endetté de tous les pays de la zone euro. Le secteur public est au contraire le plus endetté. Autrement dit, la Grèce est un pays pauvre avec des habitants riches. Cela signifie qu'il faut opérer un transvasement de richesse entre secteur privé et secteur public. Dans le cas de l'Espagne , on a un excès de dette privée mais au lieu de tenter d'amortir la correction de ce déséquilibre par une politique budgétaire « bienveillante », on applique un programme d'austérité brutal et, conséquence, l'économie espagnole est en train d'étouffer.
« La Grèce est un pays pauvre avec des habitants riches. Cela signifie qu'il faut opérer un transvasement de richesse entre secteur privé et secteur public. »
Oui, l'Espagne est vraiment le maillon faible de la zone euro et les conséquences d'une plongée de l'Espagne seraient bien plus dramatiques qu'avec la Grèce. Avec cette dernière, il n'y a pas d'implication systémique. On peut laisser l'État grec faire défaut. L'impact est gérable. L'Espagne, c'est tout autre chose. Elle compte pour 10 % du PIB de la zone euro quand la Grèce n'en pèse que 3 %. La seule façon d'éviter la catastrophe, c'est de travailler à une gouvernance européenne, tant au plan économique que politique afin que la solidarité intra-européenne soit optimale.
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