Cyril Lureau, PDG de Sicavonline
Dites à un investisseur particulier qu'il peut perdre sa chemise avec des fonds en euros, et vous aurez de fortes chances de le voir se retourner en se toquant la tempe de l'index. Une réaction bien compréhensible au regard de la formidable performance de cette classe d'actifs au cours des décennies passées. Alliant rendement significatif, sécurité imbattable et liquidité unique, les fonds en euros ont constitué la pierre philosophale de l'investissement. Mais selon Cyril Lureau, PDG de Sicavonline, cet âge d'or pourrait bien être révolu à cause, notamment, du retour de l'inflation.
Les fonds en euros ont en effet connu un âge d'or qui a tenu, principalement, à l'extraordinaire succès des obligations. Pour des raisons mécaniques, en particulier de fonds propres réglementaires et de structures au bilan des assureurs, les fonds en euros sont constitués à 80 % d'obligataire. Or, les trente dernières années ont constitué une période exceptionnelle pour les obligations, et particulièrement les emprunts d'Etat, qui ont profité de la mise en laisse de l'inflation -l'inflation qui, comme chacun le sait, est l'ennemi juré de l'obligataire.
Un chiffre pour commencer : 7,2 %. Il s'agit de la performance annuelle nette d'inflation des obligations gouvernementales américaines au cours des 29 dernières années. Autrement dit, les détenteurs de ces emprunts d'Etat ont vu leur pouvoir d'achat multiplié par huit sur la période ! C'est tout simplement extraordinaire et, ce n'est pas un effet du hasard, si cela coïncide avec le recul de l'inflation ces trois dernières décennies. Au cours de ce cycle, l'inflation est passée au sein du G3 (USA, Europe, Japon) de 14 % à 1 % ! Ce reflux exceptionnel découle de plusieurs facteurs : tout d'abord, les banques centrales ont commencé voilà trois décennies à s'affranchir de la tutelle politique et cette tendance n'a fait que se renforcer jusqu'à aujourd'hui. Elles sont donc devenues un contre-pouvoir aux Etats et leurs statuts leur ont donné comme mission première de combattre l'inflation. Elles s'y sont employées avec ardeur. Parallèlement, la mondialisation a, elle aussi, contribué à la baisse de l'inflation. La chute du bloc communiste a conduit à un accroissement sans précédent du commerce mondial et abouti à une hausse gigantesque du réservoir de main d'œuvre disponible. Une force de travail de 2,5 milliards d'individus est venue d'un seul coup enrichir le gisement de main d' oeuvre de l'économie de marché. Cette offre de travail pléthorique a permis aux entreprises d'exercer une forte pression sur les coûts salariaux et donc sur les prix. Par ailleurs, les obligations d'Etat offraient une sécurité absolue. En tout cas celles des pays développés. Quand la dette souveraine ne représentait que 20 % du PIB de ces derniers, le risque de défaut s'avérait quasiment nul. Dans ces conditions, et au vu du rendement et de la sécurité qu'ils offraient, l'épargne mondiale ne pouvait que se jeter sur les obligations et les fonds en euros qui en sont composés à 80 %.
Oui, et pour un certain nombre de raisons sur lesquelles nous reviendrons. Mais les facteurs fondamentaux ayant étayé ce formidable succès des obligations ont vécu ou sont en train d'être sévèrement remis en question.
« L'inflation a probablement de beaux jours devant elle. Elle va en premier lieu profiter de la montée des tensions salariales dans les pays à bas coût de main d'œuvre, où l'offre de travail commence à être saturée. »
L'inflation a probablement de beaux jours devant elle. Elle va en premier lieu profiter de la montée des tensions salariales dans les pays à bas coût de main d'œuvre, où l'offre de travail commence à être saturée. Le bureau de la statistique en Chine fait ainsi état d'un déficit d'offre, qui se traduit au demeurant par des grèves comme en ont connu tout récemment les usines de Honda ou de Foxconn en Chine -grèves suivies (chose impensable, il y a dix ans de cela) par des augmentations de salaires de 50 % à 100 % au terme de seulement un ou deux jours de négociations ! Le niveau de vie dans les pays émergents augmente donc, ce que je ne regrette pas, bien au contraire, mais la hausse de la consommation que ce processus induit accroît la demande et favorise la montée des prix.
Certes, mais entre deux maux, déflation et inflation, elles opteront pour le moindre. Il n'est pas fortuit qu'elles monétisent en ce moment une partie de la dette des Etats. On peut objecter que ces rachats de dette souveraine menés par les banques centrales ne gonflent pas la masse monétaire et ne créent pas d'inflation car ils sont aujourd'hui stérilisés par les retraits de liquidité qu'effectuent les mêmes banques centrales afin d'éviter la création monétaire. Mais on voit bien que s'opère une amorce de changement de doctrine, changement de doctrine pour lequel militent au demeurant certaines des plus hautes instances internationales : Dominique Strauss-Kahn et Olivier Blanchard, le président et le chef économiste du FMI, ont récemment suggéré aux banques centrales de passer leur objectif d'inflation de 2 % à 4 %, ce qui permettrait bien sûr de déprécier plus aisément le stock de dettes.
« Beaucoup de gens ne savent pas qu'ils peuvent perdre avec des emprunts d'Etat ou des fonds en euros. Ils imaginent juste qu'ils ne peuvent pas gagner »
Absolument. Les emprunts d'Etat sont de moins en moins l'actif sans risque qu'ils étaient quand les nations étaient endettées à 20 % de leur PIB. On l'a bien vu avec la Grèce, l'Espagne, et le Portugal. Mais attention, si les pays périphériques sont dans la tourmente, les grandes puissances ne sont pas non plus au mieux. Lorsque l'on regarde la situation en France, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, les ratios d'endettement de ces pays ne sont pas forcément meilleurs que ceux d'Etats déjà dans le collimateur des marchés financiers.
C'est vrai, mais nous nous trouvons cependant au début d'un processus qui va s'installer peu à peu et prendre de l'ampleur. Désormais, les salaires ont logiquement tendance à monter dans les pays à bas coût et cette hausse des rémunérations induira fatalement une hausse des prix. Des pays qui, comme la Chine, exerçaient une pression déflationniste par leurs faibles coûts de main d'oeuvre vont graduellement se mettre à exporter de l'inflation. Pour autant, je ne prétends pas que nous allons connaître une inflation galopante du jour au lendemain. Nous parlons de la mise en place d'un nouveau cycle qui, à l'instar du précédent, s'installera sur plusieurs décennies. Et quand on se situe sur de telles échelles de temps et de maturation, il est bien difficile de prédire précisément quand le cycle ancien s'achèvera pour que commence le nouveau. Sera-ce dans un an ou dans deux ? Nul ne le sait, mais en tout cas l'écosystème qui avait autorisé l'incroyable performance des obligations d'Etat et des fonds en euros est en passe d'être bouleversé.
Beaucoup de gens ne savent pas qu'ils peuvent perdre avec des emprunts d'Etat ou des fonds en euros. Ils imaginent juste qu'ils ne peuvent pas gagner. Ils ont tendance à l'oublier mais entre 1940 et 1981, année de démarrage du cycle présent, ceux qui avaient placé leur argent dans les bons à 10 ans du Trésor américain et agi comme des investisseurs de long terme disciplinés en réinvestissant tous leurs coupons dans ces mêmes T-notes, ont perdu, en termes de pouvoir d'achat, 63 % de leur mise en 41 ans ! Et comme par hasard, lors de ce cycle désastreux, on commence avec une inflation basse pour finir avec une inflation élevée. Si l'inflation repart, les obligations gouvernementales ne paieront vraiment pas. Regardez aujourd'hui les rendements des emprunts d'Etat jugés les plus sûrs. Vous constaterez qu'ils sont faibles. Celui du Bund allemand, la référence en la matière, n'est que de 2,6 %. A suivre : Les fonds en euros : la fin de l'âge d'or (Chap 2 : la déflation)
© Synapse. Les contenus (vidéos, articles) produits par Synapse font appel à des journalistes professionnels. Ils ne constituent pas des conseils en investissement ou des recommandations personnalisées. Le diffuseur n'a participé ni à l'élaboration de ce contenu ni à la sélection des valeurs/fonds mentionnés. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. L'investissement sur les marchés comporte un risque de perte en capital et aucune garantie de gain ne peut être octroyée.
Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. La valeur de l'investissement peut varier à la hausse comme à la baisse.
Souscription en ligne
Plus besoin de remplir à la main tous les bulletins de souscription grâce à la pré-saisie ! Gagner en rapidité et en efficacité.
Des frais réduits
Nos équipes négocient avec les sociétés de gestion des frais réduits.
Des professionnels
à votre écoute
Nos experts sont à votre disposition pour vous accompagner dans vos démarches du lundi au vendredi : 0 805 09 09 09 (appel gratuit)