Cyril Lureau, PDG de Sicavonline
Cyril Lureau nous l'a dit dans la première partie de cette interview. Il est convaincu que l'âge d'or des fonds en euros est derrière nous, et ce, en raison d'un possible retour de l'inflation ainsi que de la hausse du risque sur les obligations d'Etat. Mais le pire pour le PDG de Sicavonline est que l'absence d'inflation, voire même la venue de la déflation, ne changerait rien à l'affaire : le cycle est en train de s'achever. Explications.
Ils peuvent être gagnants à court terme parce que si les prix baissent, ils s'assureront du pouvoir d'achat, même avec les maigres 2,6 % qu'offre le Bund allemand. Reste que si nous rentrons dans un phénomène de déflation, le poids de la dette va encore s'alourdir et il sera encore plus difficile pour les Etats de rembourser leurs créanciers que sont les détenteurs d'obligations gouvernementales et, indirectement, les détenteurs de fonds en euros. Il faut comprendre qu'avec la déflation les ressources de l'Etat, qui sont assises sur l'économie et le niveau des prix, diminueront : si les prix baissent, l'économie « baisse », les ressources des Etats diminuent et leurs capacités de remboursement aussi. C'est ce scénario que les marchés évoquent et redoutent au sujet de la Grèce. Cette dernière n'ayant pas l'arme de la monnaie pour se rendre compétitive -la Grèce ne peut décider de dévaluer l'euro- n'a d'autre choix que de s'abandonner, via les plans d'austérité, à la déflation. Et dans ce cas, elle ne sera pas en mesure d'honorer sa dette. En résumé, avec la déflation, ce qui, sur le marché obligataire, sera gagné en pouvoir d'achat réel sera perdu en termes de risque de défaut, un risque de défaut qui augmentera considérablement.
Exact mais avec leurs déficits publics plus que significatifs, les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France ne sont pas non plus l'Allemagne. Ces trois Etats doivent rassurer quant à leur capacité à stabiliser leurs dettes. Cela passe par plus de rigueur, ce qui accroît le risque de rechute et donc de déflation. Si les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France rentrent en déflation, le marché risque de mettre un prix sur le risque de défaut comme il l'a fait avec la Grèce.
« Avec la déflation, ce qui, sur le marché obligataire, sera gagné en pouvoir d'achat réel sera perdu en termes de risque de défaut, un risque de défaut qui augmentera considérablement. »
Rappelez-vous qu'en 2006, les obligations grecques n'offraient aucune prime de risque par rapport au Bund allemand. Les marchés considéraient que le risque était identique que l'on achetât de la dette grecque ou de la dette allemande, si bien que les emprunts d'Etat émis par Athènes rapportaient peu ou prou le même rendement que ceux de Berlin. Cette perception a évolué du tout au tout. En 2010, pour attirer des investisseurs, Athènes doit verser sur ses obligations un rendement supérieur de 7 % au Bund. Autrement dit, les marchés financiers estiment que la probabilité de défaut de la Grèce, qui était jugée nulle en 2006, est désormais de 50 %. S'ils en viennent à juger que le risque de défaut existe sur les OAT françaises, les T-Notes américains, ou les Gilts britanniques, les pertes sur les portefeuilles obligataires et donc sur les fonds en euros ne seront pas minces.
Le Japon parvient à avoir des taux bas, en dépit d'une dette élevée. Il le doit au fait que les Japonais, dont l'épargne est abondante, sont les premiers acquéreurs de la dette japonaise. Mais le Japon n'est plus un cas isolé. 100 % des pays développés sont confrontés à de lourds problèmes d'endettement et ils dépendent pour beaucoup de financements extérieurs, autrement dit d'investisseurs extranationaux qui exigeront plus de rendement pour prix d'un risque accru. Et plus de rendement signifie immanquablement baisse des titres obligataires.
Non, il existe un scénario médian, où l'inflation reste basse et la croissance s'avère limitée, à cause des plans de rigueur mis en œuvre par les Etats afin de conserver la confiance des investisseurs. Dans ce scénario, la déflation est évitée, la dette est stabilisée, et l'on reste sur les faibles rendements actuels. Mais pour y parvenir, il faudra que les Etats réussissent un périlleux exercice de funambule.
« Les Etats qui ont des problèmes de financement incitent (...) les compagnies d'assurance à se charger davantage en obligations gouvernementales, au moment même où elles rapportent de moins en moins et commencent à devenir de plus en plus risquées ! »
C'est bien là que réside le gros hic. Le nouveau corpus de normes prudentielles, que l'on appelle Solvency II (NDLR : en français, Solvabilité II), et qui sera finalisé en cette fin d'année incite au contraire les assureurs à renforcer leurs lignes d'obligations gouvernementales. Selon les nouvelles règles que dessine Solvency II, les besoins en fonds propres ne sont plus définis au forfait mais par types d'actifs. Si un assureur souhaite mettre 100 euros en actions, il devra détenir en face 40 euros de fonds propres. Pour 100 euros d'obligations privées, il lui faudra détenir 10 euros de fonds propres. Si l'on applique ces ratios aux lignes en actions et en obligations privées que possèdent aujourd'hui les assureurs, leurs besoins en fonds propres doublent.
« Les fonds en euros qui ont été des actifs liquides, sans risque et performants grâce à leur forte proportion d'obligations d'Etat vont être beaucoup moins performants, beaucoup plus risqués et peuvent du jour au lendemain devenir illiquides. »
Deux solutions s'offrent alors à eux : procéder à des augmentations de capital colossales qui dilueront à l'extrême leurs actionnaires, ou délaisser actions et obligations privées et se concentrer sur l'achat des emprunts d'État notés AAA, pour lesquels les besoins en fonds propres sont nuls !!! En l'occurrence, les Etats qui ont des problèmes de financement incitent bien sûr les compagnies d'assurance à se charger davantage en obligations gouvernementales, au moment même où elles rapportent de moins en moins et commencent à devenir de plus en plus risquées ! Et la même chose se produit avec les banques et les normes de Bâle III.
Oui, mais si les marchés financiers commencent à appliquer une prime de risque sur les obligations gouvernementales AAA, que la collecte auprès des investisseurs se transforme en décollecte, et que les assureurs enregistrent des moins-values latentes significatives dans leurs portefeuilles, le bilan des compagnies d'assurance sera en péril. Dans pareil cas, il existe une disposition du code des assurances qui stipule que pour sauver l'épargne il est possible de suspendre les rachats. En somme, les fonds en euros qui ont été des actifs liquides, sans risque et performants grâce à leur forte proportion d'obligations d'Etat vont être beaucoup moins performants, beaucoup plus risqués et peuvent du jour au lendemain devenir illiquides.
En tout état de cause, quel que soit le scénario qui prévaudra ultimement, il faut se diversifier au maximum. Si comme nous le croyons, l'inflation l'emporte, mieux vaut détenir des actifs réels comme l'immobilier ou les actions. Pour ceux qui n'y croient pas, il faut miser encore une fois sur la diversification, et privilégier, en matière de gestion, les gérants actifs, modernes, maîtrisant, à l'instar des hedge funds, un savoir-faire technique, et visant comme eux une performance absolue, mais avec des actifs très liquides. Il faut aussi s'assurer de pouvoir sortir de ces fonds du jour au lendemain. Des fonds avec semblable profil sont encore rares mais la gestion classique commence à en proposer quelques-uns.
Tous ceux qui ont acheté des fonds en euros l'on fait en grande partie parce qu'ils n'aimaient pas le risque. Ils vont devoir sans doute accepter d'en prendre un peu plus pour trouver de la rentabilité.
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