Vous n’avez pas vu l’entretien consacré à l’or avec Arnaud du Plessis, gérant Actions thématiques chez CPR AM, dans l’œil du Pro. Ci-dessous la version écrite de cette interview.
Arnaud du Plessis, les cours de l'or se sont redressés depuis la mi-2018. Ils se situaient alors sous les 1200 dollars l'once. On est au dessus des 1300 dollars l'once à présent aujourd'hui et on se dirige vers une résistance majeure celle des 1365/1385 dollars. Si jamais cette résistance est franchie, à en croire les chartistes, un potentiel d'appréciation significatif des cours de l'or s'en trouverait libéré. Est-ce qu'il existe des justifications fondamentales à la prolongation du mouvement de redressement des cours de l'or selon vous ?
Effectivement cette zone des 1365/1385 dollars l'once, testée à trois reprises depuis 2014 semble difficile à franchir. Il faudra quelque chose de fort pour y parvenir. Un certain nombre d'éléments sont déjà connus des marchés principalement l'incertitude économique et financière qui a pesé très fortement sur les marchés lors du dernier trimestre de l'année dernière, [incertitude] quant à la politique commerciale des Etats-Unis, quant aux risques autour du Brexit ou de ce qui se passe en Italie par exemple.
Autrement dit, l'or a recouvré son statut de valeur refuge ?
L'or a clairement recouvré son statut de valeur refuge pendant cette période. Cependant, ces nouvelles sont connues désormais. Il va falloir quelque chose de plus et peut-être cet élément est arrivé en début d'année avec le changement de discours de Jerome Powell, le président de la réserve fédérale américaine à l'occasion du dernier FOMC. Jerome Powell a clairement indiqué au marché qu'il était prêt à faire montre d'un peu plus de patience. Il n'a pas mentionné comme attendu le resserrement graduel de sa politique monétaire. Il n'en fallait pas plus pour que le marché anticipe que la hausse des taux américains était terminée.
Quel est le lien entre la politique monétaire américaine et les cours de l'or ?
Qui dit fin de la hausse des taux directeurs de la réserve fédérale américaine peut également dire top atteint sur le dollar américain. La relation qui existe entre le dollar américain et l'or a toujours été particulièrement forte les cours de l'or ayant tendance à être inversement corrélés à ceux du dollar américain contre les autres devises.
Donc, si le dollar se déprécie, les cours de l'or devraient monter
C'est exactement ça et on commence à observer ce mouvement d'affaiblissement du dollar américain par rapport aux grandes devises émergentes, notamment chinoises, un certain nombre de devises d'Amérique latine et également les devises dites commodities comme le dollar australien. L'euro reste un petit peu attentiste pour l'instant en raison de ce qui se passe évidemment sur le continent européen.
La trajectoire de l'or est également dépendante des taux d'intérêt réels…
Oui parce que l'or est un actif qui ne génère pas de rendement. Autrement dit quand les taux d'intérêt réels sont bas –et les taux d'intérêt réels américains se sont plutôt détendus depuis trois ou quatre mois–le coût de portage de l'or est bien moindre intérêt pour un investisseur, le manque à gagner par rapport à un placement monétaire est moindre.
On a par conséquent une situation potentiellement favorable. Il faudra voir si elle se confirme mais aujourd'hui comment recommandez-vous de prendre position sur le métal jaune. En achetant des ETF sur l'once d'or ? En jouant des minières ?
Acheter de l'or physique constitue le placement défensif par excellence qui peut vous prémunir contre une crise financière majeure. Investir dans la thématique de l'or via les mines revient à accéder à un placement plus dynamique. Le levier de performance des mines d'or par rapport à l'or est généralement de l'ordre de deux à trois fois. Donc on est dans une histoire différente. En achetant des mines, on achète également une histoire de restructuration qui est en train d'ailleurs de se concrétiser avec les grandes opérations de M&A (NDLR : Merger & Acquisitions, soit Fusions Acquisitions) que l'on a pu observer ces derniers mois.
Il se passe beaucoup de choses en effet dans le secteur minier aurifère. On assiste à des rapprochements et la création de nouveaux leaders mondiaux.
Exactement, il faut revenir à 2010 pour retrouver de telles opérations mais le contexte cette fois-ci est très différent. En 2010, c'était le top du marché. Les opérations de M&A se faisaient à des prix très élevés et pour des motivations très différentes. Aujourd'hui, c'est une question de survie pour les grands opérateurs qui ont dû se restructurer dans la douleur, c'est-à-dire dans la baisse des cours de l'or, en revendant des actifs et qui, aujourd'hui, constatent une contraction de leur réserves et une détérioration de leur profil de production
Et si ces entreprises ne font rien pour recouvrer des réserves, elles sont condamnées à disparaître à très brève échéance : elles n'ont, et le chiffre est spectaculaire, qu'une dizaine d'années de visibilité devant elles.
Effectivement c'est vraiment peu et c'est ce qui peut expliquer finalement cette piètre performance qu'ont eue un certain nombre de sociétés minières ces dernières années puisque vous savez une fois que [l'exploitation de] la mine est terminée la valorisation de la mine est effectivement à zéro. Il est donc vraiment vital pour ces compagnies de renouveler ces ressources.
Et pour se prémunir contre la baisse des réserves il faut racheter des concurrents...
Et pour cela il faut racheter des concurrents. Dans ce contexte, ont eu lieu deux grandes opérations notables ces derniers mois : tout d'abord le rachat de Rand Gold par la société Barrick Gold qui pendant quelques mois est redevenu le leader incontesté du marché jusqu'à la grande opération du début de l'année, à savoir le rachat de Goldcorp par Newmont Mining qui a supplanté Barrick assez nettement et la grande question est de savoir est-ce que les autres grands producteurs vont devoir réagir par rapport à cette offensive. Le secteur est un peu en ébullition.
On voit bien qu'il y a un intérêt spéculatif donc autour des mines d'or mais si on doit construire un portefeuille quelle allocation accorder finalement à l'or physique ou aux ETF et quelle part je réserve aux minières, sachant que ces dernières constituent des véhicules particulièrement volatils et donc dangereux ?
Effectivement, l'or physique constitue le placement de fonds dans le portefeuille, qui peut y demeurer de façon constante et qui vous permettra de lisser la volatilité de votre portefeuille global surtout dans les périodes un petit peu agitées comme celle que nous avons pu observer. Investir dans les mines, c'est donner un petit coup de peps à votre portefeuille, c'est-à-dire qu'il faut effectivement savoir gérer cette position de façon dynamique. Il ne faut pas hésiter à prendre des profits après gérer des mouvements de hausse qui peuvent être spectaculaires. Rappelez-vous que durant le premier semestre de l'année 2016,par rapport à un point bas il est vrai, les mines avaient rebondi de plus de 150 % en six mois.
Oui mais elles descendent aussi très vite.
Absolument.
Propos recueillis et édités par VB.
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