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Ne pas se laisser endormir par l'euphorie

12/04/2019 - 14:12 - Sicavonline - Vincent Bezault


Ne pas se laisser endormir par l'euphorie

Sébastien Korchia, Directeur Gestion Actions chez UBS La Maison de Gestion, était l’invité de "l’œil du Pro" début avril. Voici la version écitée de son entretien.

 

 

Sébastien Korchia, les marchés boursiers signent un début d'année en fanfare puisqu'il s'agit du plus fort trimestre depuis 2009 avec des performances absolument hallucinantes : le CAC 40 s'est adjugé 13 % au cours des trois premiers mois de l'année, le CAC Small 8 %, le S&P 500 13 % et le Nasdaq 16,5 %. On peut admettre un phénomène de rattrapage mais le contexte économique s'est détérioré avec un ralentissement qui est évident maintenant pour tout le monde. Dès lors, comment peut-on justifier un tel emballement des marchés ?

Ce n'est pas si facile. D'ailleurs vous parlez de hausses hallucinantes, ce qui veut bien dire qu'on est presque dans l'extraordinaire. Vous avez en outre raison de rappeler qu'il y a tout d'abord dans ce mouvement un effet de rattrapage car rappelons-le, la fin d'année dernière avait été quand même extrêmement difficile. Ceci étant dit, [le rattrapage a eu lieu au] mois de janvier et pourtant, en février et en mars, les marchés ont continué fortement [d'avancer]. En fait, ils sont dopés par un changement d'attitude des banques centrales, et notamment de la première d'entre elles, la Réserve Fédérale des Etats-Unis, dont la Banque Centrale Européenne a emboité le pas. Qu'a fait la FED ? La banque centrale américaine était [jusqu'alors] dans une logique quasi automatique de remontée des taux d'intérêt comme l'indiquait encore son discours en décembre 2018 et, tout d'un coup, elle dit aux marchés « écoutez, j'arrête d'augmenter les taux d'intérêt, je vais les stabiliser » (…) et puis elle complète son discours en disant qu'elle va même rajouter des mesures qui, pour faire très simple, facilitent la liquidité. Elle va même jusqu'à laisser entendre au marché qu'elle pourrait baisser ses taux d'intérêt en 2019, voire même refaire un quantitative easing (…). Quant à la BCE, elle a remis sur le marché tout un tas d'outils de politique monétaire qu'adorent les marchés puisqu'en fait, cela signifie qu'ils vont avoir de la liquidité à outrance.

Les marchés sont en effet particulièrement friands de ces liquidités mises à disposition par les banques centrales. La question est tout même de savoir pourquoi les banques centrales ont changé complètement de discours.

C'est une vraie question. La vision assez simpliste des choses est de dire que la FED a prêté allégeance à Monsieur Trump et finalement décidé d'aller dans le même sens que lui. Cette explication parait un peu rapide, surtout que le patron de la BCE fait la même chose et qu'il n'a pas à composer avec Donald Trump ; une explication un petit peu plus vraisemblable est de se dire que l'ensemble des banquiers centraux ont vu que le ralentissement économique, voire éventuellement la récession, était en train d'arriver du monde émergent et [se propageait], classiquement, au monde européen puis au monde anglo-saxon puisqu'il existe des signes de faiblesse en Australie, au Canada et [ils estiment] que les Etats-Unis ne seront pas immunisés très longtemps. Conséquence, d'un coup d'un seul, les banquiers centraux qui, se rappelant que la hausse des taux avait provoqué le krach de 1987, ne voulaient peut-être pas revivre ce douloureux épisode et ont décidé préventivement d'inonder le marché de liquidités. Ceci peut laisser à penser que leur vision de l'économie n'est pas exactement celle des marchés actions […].

Est-ce que les marchés boursiers peuvent indéfiniment faire abstraction du ralentissement qui affectera immanquablement les bénéfices et se contenter de la perfusion monétaire comme dopant pour aller plus haut ?

Ils pourraient. Ils l'ont fait longtemps, à peu près de 2009 à 2016. La question est de savoir si on est [dans le même cas de figure]. Non, on ne l'est pas, le cycle alors n'en était pas au même point et puis la question sous-jacente est de savoir si la bourse peut se déconnecter de ses fondamentaux traditionnels ? La bourse normalement réagit à la croissance des bénéfices des entreprises, qui est elle-même soutenue par la croissance économique, et, comme vous le dites et comme le voient finalement les banquiers centraux, il y a un ralentissement qui arrive. Certains évoquent même le concept de shadow recession, la récession dans l'ombre. Dans un tel contexte, il est difficile d'imaginer que les marchés restent trop longtemps déconnectés et c'est ce qu'évoquent un grand nombre d'investisseurs qui (…)  par une certaine logique et prudence et peut-être avec un certain professionnalisme disent que là on commence à aller sur des niveaux qui sont incohérents, [notamment par rapport à d'autres marchés].  

Vous voulez parler des marchés obligataires ? 

Absolument, ce sont des marchés que peut-être les investisseurs individuels regardent moins parce qu'ils sont un petit peu plus compliqués, ils obéissent à une autre logique. Aujourd'hui que nous disent les marchés obligataires ? On notera qu'ils progressent. Quand ils progressent, ça veut dire que les taux d'intérêt baissent. Ils sont même revenus à zéro pour ce qui concerne le bund allemand à 10 ans, l'équivalent allemand de notre OAT à 10 ans, et mieux encore, vous avez des entreprises très bien notées, comme par exemple LVMH ou Sanofi, qui arrivent à trouver une très forte demande en proposant des titres à emprunts négatifs–autrement dit, vous prêtez votre argent à LVMH ou Sanofi et en plus vous leur en donnez pour le faire. On peut se poser la question de savoir pourquoi les marchés obligataires réagissent ainsi et quel message ils nous donnent. Les marchés obligataires nous donnent un message de circonspection puisqu'en fait les investisseurs sont prêts à acheter quelque chose qui ne rapporte rien, voire à donner de l'argent pour ça. Cela peut vouloir dire qu'ils anticipent que la situation va encore se dégrader et il y a là un message différent de celui des marchés actions. (…) [Au demeurant], des statistiques montrent ces derniers temps que les investisseurs sortent des marchés actions alors que ceux-ci montent, et achètent des taux d'intérêt, c'est-à-dire, en gros, de la protection. 

On peut vous rétorquer que les marchés obligataires qui sont supposément plus intelligents que les marchés actions sont devenus peut-être un peu bêtes et méchants en raison des politiques monétaires puisqu'ils savent que les banques centrales vont être acheteuses d'obligations.

C'est un élément de réflexion, ce qui voudrait dire finalement que [les marchés financiers]  – et j'espère qu'on n'en viendra pas là– sont en train de se « japonifier ». La banque centrale du Japon a en effet une longueur d'avance sur nous. Elle a expérimenté beaucoup de choses y compris le rachat direct d'actions et cela nous amène à nous demander si ces marchés ne sont pas protégés indéfiniment à la baisse, puisque quoi qu'il arrive, quelles que soient les mauvaises nouvelles et, je vais plus loin, plus il y en aura presque mieux ce sera, les banquiers centraux seront là. C'est effectivement le message que sont en train de livrer les marchés actions actuellement : « aucun souci on est de toute façon protégés contre n'importe quel problème par les banques centrales et au premier chef par la FED ». Reste quand même une question : les arbres ne montant pas jusqu'au ciel et les informations recueillies étant très différentes, voire contradictoires, comment peut se comporter le marché dans les mois qui viennent ? Il est a priori effectivement protégé à la baisse ; à la hausse, on est quand même en train de toucher des niveaux de valorisation qui sont difficiles à dépasser avec un contexte économique de ralentissement généralisé qui affaiblit les attentes en matière de croissance des bénéfices. Par conséquent, aujourd'hui, tout le monde est d'accord pour dire que le potentiel de hausse sur les marchés actions à court terme est modéré. Une fois que vous avez établi ces barrières haute et basse, vous pouvez tirer quand même quelques conclusions de bon sens. Après un trimestre que vous avez qualifié d'exceptionnel, presque euphorique car qu'il y a eu aucune pause dans la hausse des marchés boursiers, on pourrait avoir un comportement logique, patrimonial de préservation du capital en se disant que l'on prend mes bénéfices parce que le marché en se comportant comme il le fait devient illogique. Et puis, autre motif pour être prudent, on n'en a pas parlé mais c'était quand même une grosse source d'actualité en fin d'année dernière, le Brexit. On est à proximité et on ne sait pas ce qui va se passer (NDLR depuis cette interview, Bruxelles a accordé un nouveau délai aux >Britanniques pour finaliser leur sortie) ; n'oublions pas non plus la fameuse guerre commerciale sino-américaine ; on en parle moins mais sa conclusion a été repoussée et bien que tout le monde s'accorde à dire qu'il y aura un accord la question est de savoir quelle sera son intensité et sa portée. Il demeure donc beaucoup de questions que le marché a pour l'instant volontairement mises de côté.

Votre recommandation aux investisseurs est donc en bonne gestion de penser à prendre leurs bénéfices.

Absolument, dans une approche patrimoniale, après une hausse aussi rapide et ininterrompue et avec quelques messages divergents, il parait sain de prendre quelques bénéfices et d'attendre que les points de vue des marchés actions et obligataires se réconcilient.

 Propos recueillis et édités par V. Bezault

 

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