EXCLUSIF AOF/ Alain TANUGI, Président de TRANSEARCH International

08/10/2007 - 17:36 - Option Finance

(AOF) - Alain TANUGI, président du cabinet TRANSEARCH International est revenu, pour l'Agence Option Finance, sur les problématiques du marché de l'emploi dans le secteur financier, à l'occasion des récentes turbulences ayant affecté l'univers "mondial" de la finance.

L'Agence Option Finance :

En tant que chasseur de têtes, quel phénomène avez-vous pu observer ces derniers mois ?

Alain Tanugi :

A vrai dire, le premier semestre 2007 a été une période très tendue, avec beaucoup d'offres d'emploi et peu de candidats. Dès cette époque, nous avions une impression très positive mais restions néanmoins prudents face à cette demande toujours plus élevée. Nous avons senti le vent tourner le 22 juillet dernier, lorsqu'une une grande banque d'Investissement de New York nous a contactés pour nous demander, sans explication, d'arrêter toutes les missions qu'elle nous avait confiées. Dès le mois d'août, les banques américaines ont gelé l'ensemble de leurs embauches. Un phénomène de " freeze and see " a vu le jour outre-Atlantique. En Europe, les banques ont, elles, poursuivi pour une bonne part d'entre elles les recrutements déjà lancés dans tous les domaines sauf ceux touchés par la crise des "subprimes".

AOF :

A l'image du Crédit Suisse, des établissements financiers ont fait part de leur volonté de supprimer des postes. Le phénomène est-il le même partout ?

Alain Tanugi :

Il y a eu, effectivement, un certain nombre de licenciements aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Une vague de suppression d'emplois est également en cours en Suisse et en Allemagne. Les banques françaises ne sont pas pour l'instant dans une position de licenciement, sauf de manière ponctuelle et en se concentrant sur certaines personnes très exposées depuis la crise des "subprimes". Toutefois, on a pu observer quelques effets de la crise financière dans l'Hexagone: l'incident chez Calyon à New York qui, certes, n'était pas lié directement à la crise du "subprime ", a donné un petit coup de froid au marché.

AOF :

Quels ont été les secteurs les plus touchés par ces suppressions d'emplois ?

Alain Tanugi :

Il n'y a plus pour l'instant de recrutement dans les domaines fortement associés à la crise des "subprime". Les secteurs d'activité les plus touchés sont les "leveraged loans", les produits de crédits structurés, les "mortgage backed securities" (produits adossés à des crédits hypothéquaires) et le domaine du "fixed income" en général. Par ailleurs, les métiers périphériques risquent d'être impactés: c'est le cas du capital développement, des fusions-acquisitions, des banques d'affaires et des cabinets d'avocats. Les bonus, cette année, devraient être décevants. Si certaines banques essaieront, peut-être, de retenir des talents, d'autres pourraient bien miser sur un renouvellement de certaines équipes en distribuant des bonus moins importants que l'an passé. Restent des domaines où les embauches ne sont pas affectées. Le recrutement dans le Private banking (banque privée), l'Asset Management (gestion d'actifs) et le wealth management (gestion de fortune privée) restent à des niveaux élevés.

AOF :

A votre avis, quel avenir peut-on envisager pour le marché de l'emploi dans le domaine financier ?

Alain Tanugi :

Il n'y a aucun doute : une onde de choc est en train de se propager et devrait mettre quelque temps à se résorber. Le temps, pour les banques de mesurer et d'absorber l'ampleur du sinistre. Toutefois, si d'autres événements venaient à se greffer à cette crise du " subprime ", le secteur pourrait être précipité dans une vraie crise. A l'inverse, si aucun facteur ne vient aggraver la situation de crise que nous connaissons actuellement, 2008 pourrait être une année de transition après que les comptes 2007 aient été passés à la paille de fer. A moyen terme, les établissement financiers redéploieront leur recrutement. Les banques vont chercher à embaucher une "nouvelle race" de managers. Alors que la créativité était mise en valeur jusque-là, les établissements financiers vont employer des profils plus "éthiques", mettant l'accent sur le contrôle efficace de la qualité et des risques. La vision des banques est désormais orientée vers une approche plus construite et plus transparente des produits. Propos recueillis par Anna Casal Flottes