Air France KLM : prête à intégrer Alitalia, mais pas à n'importe quel prix

06/12/2007 - 12:43 - Boursier.com

Duel dans le ciel européen...

Le feuilleton Alitalia approche de son épilogue. La compagnie aérienne transalpine fondée au sortir de la seconde guerre mondiale, percluse de dettes et incapable de dégager le moindre centime de bénéfice opérationnel depuis 1998, doit trouver rapidement un repreneur ou mourir. Son agonie traîne en longueur depuis plusieurs mois déjà alors que l'Etat italien, qui détient le bloc de contrôle, peine à trouver un repreneur. Après une première phase d'appel d'offres, infructueuse du fait des exigences élevées des autorités transalpines en matière de prix, de garanties sur l'emploi et de maintien d'activité, le gouvernement de Romano Prodi a lancé une seconde session en revoyant à la baisse ses prétentions. Il faut dire que chaque journée qui passe rend l'opération un peu plus compliquée puisque la compagnie perd quotidiennement plus d'1 million d'euros. Le gouvernement Italien, qui détient 49,9% du capital, a donc relancé il y a quelques semaines les enchères en présélectionnant 3 candidats, tous industriels, de préférence aux investisseurs financiers perçus comme des prédateurs sans vergogne. Les deux leaders européens, Air France KLM et Lufthansa, ainsi que la compagnie à bas coûts italienne Air One, ont donc été retenus. Les transporteurs avaient jusqu'à 13h00 aujourd'hui pour déposer leurs projets, qui seront examiné dès ce soir par un conseil d'administration exceptionnel d'Alitalia. Dès la matinée, la situation s'est éclaircie. Tandis qu'Air France KLM et Air One confirmaient avoir transmis leurs offres, Lufthansa annonçait son retrait du processus, qui tourne donc au duel entre le groupe de Jean-Cyril Spinetta et la compagnie contrôlée par le holding AP de l'homme d'affaires Carlo Toto. Air France KLM a longtemps hésité avant de se lancer dans la bataille. Son président avait à plusieurs reprises jugé les conditions initiales imposées par le gouvernement italien trop contraignantes. La compagnie française n'avait d'ailleurs pas participé à la première tentative de cession, qui avait échoué faute de combattants. De prime abord, le dossier Alitalia a tout du panier de crabe : pertes qui s'accumulent, dette qui gonfle, salariés mécontents et souvent mobilisés, réputation médiocre, flotte vieillissante... A l'inverse, Alitalia dispose d'un marché domestique important, quoique mal rentabilisé, de routes touristiques prisées et d'une position aux avant-postes vers la zone méditerranéenne qui complèterait bien les deux "hubs" d'Air France KLM à Roissy et Amsterdam Schiphol. La problématique de Jean-Cyril Spinetta est financière et politique, les deux éléments étant largement interdépendants. Financière, car Air France KLM ne veut pas casser le modèle vertueux hérité de la fusion de la compagnie française et de son homologue néerlandaise en 2004. Un rapprochement désormais cité en exemple par ceux qui pensaient 3 ans en arrière "ça ne marchera jamais". Du reste, Alitalia aurait pu faire partie à cette époque d'un mariage à trois. Mais les dirigeants d'Air France et KLM avaient renoncé à leur ambition initiale devant l'aggravation de la situation de la compagnie italienne. Il se murmure que le groupe de Jean-Cyril Spinetta a formulé une offre à un prix inférieur au cours de bourse actuel d'Alitalia, pour prendre en compte la situation très précaire de la compagnie. Un analyste de la Deutsche Bank estimait d'ailleurs il y a quelques jours qu'en l'état actuel du dossier, la valeur de la compagnie italienne sur la base de ses perspectives de résultats est proche de zéro. Le dossier est aussi éminemment politique. Le gouvernement Prodi renâcle depuis le début à se tourner vers la France pour sauver son fleuron du transport aérien. D'abord, Rome a peu goûté les manoeuvres de Paris pour sauver Suez d'une prise de contrôle par le champion énergétique transalpin Enel il y a deux ans. Et puis il y va un peu de l'honneur national que de trouver une solution italo-italienne au problème, comme l'indiquait tout récemment le Ministre des Transports Alessandro Bianchi qui a "toujours souhaité autour d'Alitalia la création d'un groupe d'entrepreneurs italiens". Mais les acquéreurs transalpins ne se sont pas vraiment bousculés. Romano Prodi dispose cependant de la piste Air One, même si la compagnie, pourtant soutenue par la grande banque Intesa Sanpaolo, peinerait à trouver l'ensemble du financement nécessaire. Principale rivale d'Alitalia de l'autre côté des Alpes, Air One offre une garantie de maintien du drapeau national sur l'entreprise, mais pêche en termes de perspectives de développement international et de capacités d'investissement. Pour contourner l'écueil politique, Air France-KLM a donc cherché à offrir des garanties au gouvernement italien. Son projet est centré autour du maintien de l'identité d'Alitalia, à l'image de ce qui a été réalisé autour de KLM. "La politique commerciale d'Alitalia (horaires et services) répondra aux spécificités du tissu économique et industriel qui fait la force de l'économie italienne" tandis qu'un "grand nombre de destinations européennes et intercontinentales seront proposées de et vers Rome-Fiumicino, qui sera organisé en hub, comme Roissy et Schiphol", promet Air France KLM qui entend assurer également "de nombreuses dessertes directes...de et vers Milan, avec une qualité améliorée afin de mieux répondre aux besoins de la clientèle affaires, en long et en moyen-courrier". "Alitalia pourra, grâce au partenariat et aux investissements du groupe Air France-KLM, développer un plan industriel en ligne avec les principes fondateurs du plan de survie et de transition élaboré par le président Prato et son équipe dirigeante", assure encore la compagnie française qui espère obtenir l'adhésion des salariés transalpins. Désormais, la balle est dans le camp du conseil d'Alitalia et du gouvernement Prodi. Ils se pencheront sur les deux projets reçus pour désigner, d'ici la fin de l'année, celui qui a leur préférence, sans pour autant dévoiler les termes financiers qui leur ont été transmis. L'ultime candidat démarrera alors une négociation exclusive qui aboutira, ou pas, à une offre ferme d'achat en 2008. Une chose est sûre du côté de Jean-Cyril Spinetta : il n'est pas question de mettre à mal l'équilibre de son groupe. Il a d'ailleurs confirmé ce matin que sa proposition "s'inscrit dans le respect des équilibres économiques et financiers du groupe, et notamment de son objectif d'un retour sur capitaux employés de 8,5%, après impôts, à la fin de l'exercice 2009/2010". Air France KLM est donc prête à voler au secours de sa voisine en l'intégrant dans son modèle de développement à succès, mais pas à n'importe quel prix.



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