Investisseurs institutionnels / Didier Bressard, Dir. Fin. (Ionis)

11/02/2008 - 15:31 - Option Finance

Le groupe Ionis qui délègue la gestion de la grande majorité de ses encours à Inter Expansion, sa société de gestion dédiée, compte profiter des nouvelles possibilités d'investissement offertes par le règlement financier de l'Agirc-Arrco.

Option Finance: Vous allez fusionner, dans les prochains mois, avec le groupe APRI. Quel en sera l'impact sur la gestion financière de Ionis ?

Didier Bressard, directeur Financier de Ionis:

Dans un premier temps, c'est-à-dire en 2009, la fusion va concerner les conseils de surveillance des deux groupes ; elle s'étendra ensuite aux moyens et à l'organisation du nouveau groupe puis, en fonction des décisions des conseils d'administration, aux caisses de retraite et aux autres activités. Les effectifs parisiens de notre groupe, qui est actuellement implanté à la fois à Boulogne-Billancourt et à Puteaux, seront rassemblés avec ceux du groupe APRI, sur un même site en cours de construction à Malakoff. Nous gérons déjà un petit portefeuille pour le compte d'une institution de retraite d'APRI, ce qui nous permet d'apprendre à nous connaître, en attendant la fusion. A fin 2007, le groupe Ionis seul gère un peu plus de 7 milliards d'euros d'encours qui se répartissent entre les institutions de retraite (1950 millions d'euros), les institutions de prévoyance classique (470 millions d'euros), les institutions de prévoyance qui proposent de la retraite par capitalisation (250 millions d'euros), l'assurance-vie (700 millions d'euros), les fonds communs de placement d'épargne salariale (2750 millions d'euros), la trésorerie (950 millions d'euros) et la vente d'OPCVM à des particuliers (environ 30 millions d'euros : certains de nos cotisants retraités s'adressent en effet à nous pour leurs placements).

Comment gérez-vous vos encours de long terme ?

Nous disposons en interne d'une société de gestion, Inter Expansion, qui est également une des premières sociétés d'épargne salariale. Cette société de gestion gère la majorité de nos encours à travers des OPCVM ouverts et des mandats pour le compte des institutions du groupe (à l'exception des caisses de retraite, autogérées). De plus, nous déléguons la gestion d'environ 300 millions d'euros à une vingtaine de sociétés de gestion externes, essentiellement pour les produits de niches, comme les marchés émergents, la gestion alternative ou encore certaines actions étrangères, Inter Expansion se chargeant, quant à elle, de l'essentiel des actions européennes et des produits de taux européens. A l'exception des institutions de retraite, les institutions du groupe confient directement un mandat de gestion à Inter Expansion. Pour ce qui est des institutions de retraite, l'allocation tactique des portefeuilles est pilotée au sein de la direction financière avec l'aide de deux personnes au pôle Pilotage financier, qui ont aussi la responsabilité de la recherche des OPCVM externes.

Votre allocation d'actifs a-t-elle été modifiée suite à la crise des subprime ?

Nous n'avons pas été touchés directement par cette crise, car nous n'avions pas de fonds monétaires dynamiques en portefeuille. Nous en avons subi les effets collatéraux, à savoir les perturbations observées sur les marchés de taux et d'actions. Toutefois, cet impact a été limité dans les portefeuilles retraite par le fait que, dès fin 2006, nous avions décidé de réduire notre exposition en actions, au profit d'une poche d'obligations convertibles. Nous avons encore réduit notre exposition aux actions en novembre dernier, au profit cette fois du monétaire régulier ; aujourd'hui, notre poche actions représente 25 % de notre portefeuille. Cette part se situe dans le bas de la fourchette prévue par notre allocation stratégique (25 % à 35 %). Nos portefeuilles retraite, gérés en OPCVM, comprennent donc aujourd'hui une poche taux (monétaire, obligations d'Etat et crédit) représentant 75 % de leur actif. Nous révisons notre politique de signature dans le crédit, trois fois par an, et fixons un plafond pour chaque émetteur, notamment en fonction de sa notation. En ce qui concerne les portefeuilles de prévoyance, l'investissement s'effectue pour l'essentiel en direct dans des titres vifs et ne recourt aux OPCVM que pour le monétaire. Enfin, dans notre compagnie d'assurance-vie, de taille modeste et relativement jeune, le portefeuille, lui aussi investi pour l'essentiel en titres vifs, comprend peu d'actions (environ 10 %).

Quel (s) type(s) d'investissement ne répond(ent) pas à vos attentes ?

Nous ne nous intéressons pas au "private equity" car nous souhaitons investir dans des produits liquides et que nous comprenons. Or, nous n'avons pas développé de compétences en interne dans ce domaine. Cela signifie qu'il nous faudrait faire une confiance totale à une société externe, ce que nous n'aimons guère. Certes, nous le faisons pour les fonds alternatifs, mais en étant attentifs à choisir des produits liquides dont nous pouvons sortir rapidement. Le "private equity" ne permet pas ce type de mouvement, et nécessite au contraire un engagement de plusieurs années. Même les fonds de fonds dans ce domaine ne sont pas suffisamment liquides. Par ailleurs, nous n'avons pas non plus de produits structurés en portefeuille car nous n'en voyons guère l'utilité et nous trouvons élevées les commissions prises par les banques. Enfin, les fonds ISR n'ont pas encore convaincu les conseils d'administration de nos institutions.

Etes-vous satisfaits du nouveau règlement financier de l'Agirc-Arrco ?

Il ouvre de nouvelles possibilités intéressantes. Les obligations convertibles sont désormais comptabilisées dans la poche taux, ce qui libère de la place pour l'investissement en actions, plus rentable à long terme. Le fait que nous puissions désormais investir dans des produits alternatifs nous intéresse aussi. Historiquement, nous avions investi dans des fonds alternatifs dès 2001, à une époque où ils n'avaient pas le statut d'ARIA. Quand ils ont reçu ce statut, le règlement nous interdisait ce type d'investissement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. En conséquence, nous avons prévu de renforcer notre investissement dans la gestion alternative, pour l'instant très marginale (environ 1,5 % du portefeuille global). Si, globalement, nous pensons que le nouveau règlement financier va dans le bon sens, il reste néanmoins un ou deux points qui méritent encore réflexion. Une poche de 10 % de l'actif pour investir à la fois dans des produits structurés, du "private equity", de la gestion alternative et des actions de pays hors OCDE, reste assez limitatif. En outre, le sort des participations (non cotées, donc aujourd'hui interdites de détention) dans les filiales financières des Groupes de Protection Sociale mériterait, me semble-t-il, d'être réétudié. Mais ce nouveau règlement marque un net progrès relativement à son prédécesseur.

Quels changements allez-vous effectuer au sein de votre portefeuille en 2008 ?

Nous avons commencé à investir sur les marchés actions de la Chine début 2007 mais à dose homéopathique (0,5 % de nos encours). Cet investissement a enregistré de très fortes performances, ce qui nous incite, à terme, à vouloir le renforcer ; nous attendons pour l'instant que les marchés actions se stabilisent. Nous investirons également dans des fonds d'actions indiennes dans le courant de 2008. Nous allons par ailleurs augmenter la part de la gestion alternative dans les portefeuilles de retraite et allons créer (sous réserve de l'accord de l'Agirc-Arrco), un fonds contractuel de fonds alternatifs. Ce fonds qui regroupera nos investissements actuels et futurs dans la gestion alternative, sera géré par la direction financière de Ionis.` Nous travaillons actuellement avec 8 sociétés de gestion spécialisées dans la gestion alternative, et probablement plus une fois le fonds créé. Nous visons avec cette gestion un rendement supérieur aux obligations et une volatilité inférieure aux actions ainsi qu'une performance décorrélée par rapport aux marchés actions. Toutefois, nous avons observé que cette décorrélation n'est pas aussi flagrante que les promoteurs de la gestion alternative veulent le laisser entendre.